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nement de Dioclétien (1); et même, après que Constantin eut limité et modéré leur puissance, ils restèrent juges des délits commis par les gouverneurs provinciaux (2). Leur juridiction serait un objet d'études curieux peut-être par sa nouveauté, mais cet examen nous mènerait trop loin pour que le lecteur consentit à nous suivre. D'ailleurs, la constitution de Constantin, tout orientale, toute militaire, est déjà trop différente des premiers temps de l'empire, pour que de son étude on puisse espérer quelque lumière sur cette époque intéressante, et considérée en elle-même, cette constitution toute despotique n'offre, pour le sujet qui nous occupe, qu'un bien mince intérêt. Quand le prince est absolu quelles règles d'administration peut-on imaginer? et qui s'est jamais soucié d'étudier la juridiction administrative des Persans ou des Turcs?

(1) Spartian. Carac. 8.

(2) L. 10. C. Th. De Off. præf. præet.-L. 4. C. J. Ibid. L. 2. C. Th. De Off. mag. milit.

TROISIÈME SECTION.

DE L'ORDRE DES PROCÉDURES DEVANT LE SÉNAT ET DEVANT

LE PRINCE.

CHAPITRE PREMIER.

Reflexions préliminaires.

Malgré les changements essentiels qu'éprouva sous l'empire toute l'organisation judiciaire, on retrouve dans les procédures les formes de l'époque précédente. Mais, tandis que sous la république ces formes sont vivantes, sous l'empire, elles ne sont plus qu'une lettre morte; et comme un tout autre esprit a remplacé l'ancien esprit de liberté, le sénat ni l'empereur ne se font faute de tronquer, de mutiler les procédures républicaines, et souvent même se mettent complétement au-dessus. C'est ainsi, pour ne prendre que l'exemple le plus saillant, c'est ainsi que le principe de libre accusation est admis dans le nouvel ordre de choses comme dans l'ancien (4); mais quel changement dans la nature et dans l'exercice de ce droit! Sous la république, l'accusation est un droit politique que les plus nobles citoyens exercent à leurs risques et périls, qu'ils font

(1) Gallic. Avid. Cass. c. 2. Non possumus reum facere quem nullus accusat. - Tac. Ann. xv, 69. - Amm. Marc. xiv, 1, 5, 9, 6. L. 6, § 3. D. De Muner, Act, apost. XXV,

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valoir ou qu'ils abandonnent à volonté; sous l'empire, c'est un métier dont vit la race infàme des délateurs. Il n'y a plus dans l'État un homme jaloux, ambitieux, misérable, qui, en se faisant l'esclave et le complaisant de l'envie ou de la colère impériale, et en s'attaquant aux plus généreux cœurs, ne puisse se promettre la richesse, et souvent la grandeur (1). Mais l'homme qui se fait l'instrument de l'empereur n'a plus, on le sent bien, ni la liberté d'action ni l'indépendance des accusateurs républicains; et cette fausse position vicie tout le droit d'accusation. En théorie, l'accusateur peut, comme autrefois, se retirer, et son désistement fait tomber l'instance (2); en fait, il ne peut s'arrêter que si l'empereur le lui permet; c'est le prince qui met en jeu la bande méprisable des sycophantes; elle agit par son ordre, s'avance ou recule dès qu'il le veut (3); souvent même le dégoût ou la colère prennent le prince, et il brise ces misérables quand il est fatigué de leur sanglant ministère (4).

Le droit d'accusation ainsi dégénéré, tous les honnêtes gens reculèrent devant l'infamie d'un tel rôle; de là, l'absence de toute garantie chez les gens qui descendirent à ce métier. L'accusation ne fut plus un droit, une fonction politique, ce fut un trafic. Dès le temps de la république, il y avait eu pour les accusateurs des récompenses pécuniaires; sous l'empire, ces primes s'accrurent, et tout fut calculé dans la législation pour favoriser cette race maudite (5). On leur donna une part de la fortune

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(4) Tac. Ann. iv, 30; xii, 42; xin, 23. Hist. iv, 42. - Dio Cass.

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(5) Tac. Ann. iv, 30. Sic delatores, genus hominum publico

des malheureux qu'ils avaient perdus (1). La loi de lèse-majesté leur assignait le quart des biens du condamné (2), et cette dépouille, ils l'emportaient alors même que, pour échapper à la confiscation, l'accusé prévenait sa condamnation par une mort volontaire (3). Aux récompenses pécuniaires, les mauvais empereurs joignaient souvent des honneurs, et il n'est pas rare de voir les délateurs obtenir à la fois et les richesses et les dignités de leurs victimes.

Sous un pareil régime, plus redoutable que l'inquisition, la vie des citoyens que leur naissance, leur fortune, ou leur mérite mettait en évidence, se passait dans une terreur perpétuelle; Vixisti nobiscum, dit Pline à l'empereur Trajan, periclitatus es, timuisti, quæ tunc erat innocentium vita (4); on se défiait de ses plus chers amis, car il ne fallait qu'un moment d'ambition, d'envie, ou même de crainte, pour que l'ami le plus sûr se transformât en accusateur et en bourreau (5). Cette crainte éternelle, qui pesait comme un ciel de plomb sur le mérite et la vertu, nous explique les transports d'amour et de joie qui éclatent de toutes parts quand il se trouve un prince assez honnête homme pour renoncer aux infàmes pratiques de la tyrannie. Ce qui, aux yeux de Pline, fait par-dessus tout la grandeur de Trajan, c'est son

exitio repertum, et pœnis quidem nunquam satis coercitum, per præmia eliciebantur.

(1) Tac. Ann. 11, 32; x1, 4; xvi, 33. — Dio Cass. LVIII, 14. (2) Tac. Ann. iv, 20.

(3) Tac. Ann. iv, 30.

(4) Plin. Paneg. 44.

(5) Tacit. Hist. 1, 2. Nobilitas, opes, omissi gestique honores pro crimine, et ob virtutes certissimum exitium. Nec minus præmia delatorum invisa, quam scelera: cum alii sacerdotia et consulatus nt spolia adepti, procurationes alii et interiorem potentiam agerent, ferrent cuncta odio et terrore corrupti in dominos servi, in patronos liberti, et quibus deerat inimicus, per amicos oppressi,

mépris pour les délateurs, et la juste vengeance qu'il a tirée de tant de forfaits (1); ce qui a valu à Titus le surnom glorieux de délices du genre humain, c'est le châtiment des misérables qui s'étaient fait les serviteurs de la cruauté et de la folie de Néron (2).

Toutefois, et malgré ces punitions exemplaires, le droit d'accusation avait été trop dégradé et trop souillé pour que des mains pures se servissent de cette arme déshonorée. La constitution rentrée dans des voies régulières sous Nerva et Trajan, il ne se présentait plus d'accusateurs: il fallut que le sénat ou l'empereur désignassent d'office et pour chaque procès les personnes chargées de ce ministère (3). C'est notamment ce qui arriva pour les crimes de concussion; et les lettres de Pline nous apprennent que ce fut toujours de l'ordre exprès du sénat ou du prince que Pline et Tacite se chargèrent de cette fonction vengeresse que se disputaient autrefois les Hortensius et les Cicéron (4).

On voit qu'une révolution se préparait dans la législation criminelle, et qu'au principe de libre accusation, garantie toute-puissante de la liberté politique, allait se substituer un principe nouveau qui, passé des lois du Bas-Empire dans le droit canonique,

(1) Plin. Paneg. 34 et ss.

(2) Plin. Paneg. 35. Suet. Titus, 8. Inter adversa temporum et delatores mandatoresque erant ex licentia veteri. Hos assidue in foro flagellis ac fustibus casos, ac novissime traductos per amphitheatri arenam partim subjici in servos, ac venire imperavit, partim in asperrima insularum avehi. Utque etiam similia quandoque ausuros perpetuo coerceret, vetuit inter cætera: de eadem re pluribus legibus agi: quærive de cujusquam defunctorum statu, ultra certos annos.

(3) Tac. Ann. v, 29; xv, 35. Hist. w, 42. Agric. c. 4. — Plin. vi, 31. Il fallait accuser sous peine de mort.

(4) Plin. Ep. 11, III, 4; vi, 29; vii, 33; x, 20.

21. — Lamprid. Alex. Sever. c. 36.

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Tac. Ann. xv,

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