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suite de dissertations, m'a fait sacrifier quelquefois aux opinions d'autrui, ne voulant pas égarer le lecteur dans des discussions sans intérêt. C'est ainsi que j'ai admis sans difficulté que la table de bronze, à laquelle Sigonius a donné le nom de lex Servilia, fut la loi Servilia même, quoique ce monument puisse tout aussi bien être la lex Acilia, et peut-être même la lex Sempronia, car rien ne prouve que la loi de Caius Gracchus ne fut pas une lex repetundarum, et tout ce qui résulte du monument restauré par Sigonius et Klenze, c'est qu'il est postérieur aux lois Calpurnia et Julia. Je n'ai pas voulu non plus discuter le système de Klenze sur la prétendue lex Acilia qu'il a cru reconnaître dans la table de Bantium; dans un champ d'hypothèses aussi vaste, toute discussion ne peut aboutir qu'à montrer l'esprit de l'auteur, mais sans espoir d'atteindre la vérité; dès lors, je me suis abstenu, aimant mieux douter à propos qu'augmenter le nombre déjà infini des faiseurs de conjectures; fidèle à un vieux proverbe espagnol, que les érudits devraient prendre quelquefois pour devise: De las cosas mas seguras, la mas segura es dudar.

Au sujet de la constitution romaine, j'ai avancé une opinion sur laquelle j'appelle l'attention du lecteur, car je la crois aussi féconde en lumières que nouvelle; c'est que toute l'administration reposait sur un principe unique, et différent de tout ce que nous avons imaginé dans les constitutions modernes ; des magistratures absolues s'équilibrant et se limitant par concours. Ce principe, s'il est vrai, donne la clef d'une organisation qui, jusqu'à ce jour, a

été une énigme véritable; il explique en même temps le développement exagéré de la puissance proconsulaire dans les provinces, et donne le secret de la puissance impériale, qui tourna au despotisme dès le premier jour. Mon livre n'eût-il mis que cette vérité en pleine lumière, je ne regretterais pas la peine qu'il m'a coûtée.

Je ne finirai pas sans remercier l'Académie de l'indulgence extrême avec laquelle, pour la seconde fois, elle a accueilli mes travaux; son suffrage est la plus douce et la plus glorieuse récompense que je puisse ambitionner. Je ne forme plus qu'un seul vœu; c'est que le public, me tenant compte de mes efforts plus que du résultat, daigne se montrer aussi bienveillant

pour moi que la savante compagnie à

laquelle je dois mes succès les plus chers.

Paris, 30 octobre 1844.

ESSAI

SUR

LES LOIS CRIMINELLES

DES ROMAINS,

CONCERNANT

LA RESPONSABILITÉ DES MAGISTRATS.

INTRODUCTION.

DE LA PLACE QUE TIENNENT LES LOIS CRIMINELLES DANS L'HISTOIRE DE LA CONSTITUTION ROMAINE.

IL semble que tout soit dit sur les institutions romaines et qu'après les travaux de trois siècles rien de nouveau ne reste plus à écrire sur ce peuple merveilleux qui, dans le long développement de sa fortune, épuisa toutes les formes de la liberté comme de la servitude. Cependant il n'en est point ainsi, et celui qui s'aventure dans l'étude de l'antiquité est encore plus étonné des richesses qu'on a laissées dans cette mine féconde que des trésors qu'on en a tirés. Ce n'est pas assurément que le génie ait manqué à ceux qui sont descendus dans ces profondeurs; mais c'est que chacun, dominé par ses propres idées et par les influences de son époque, a poursuivi une

veine différente, sans s'inquiéter du filon qu'il laissait de côté. Chaque génération a envisagé par un différent aspect ce grand monument dont les ruines seules nous frappent d'étonnement, après tant de siècles écoulés; le point de vue de Sigonius n'est point celui de Beaufort; Bossuet, Vico, se sont placés sur un autre terrain que Machiavel et Montesquieu; l'érudition, la théologie, la philosophie, la politique, ont chacune éclairé les institutions romaines par une face nouvelle; mais plus d'un point reste encore dans l'ombre, qui s'illuminera plus tard. L'histoire a son horizon comme le monde; à chaque siècle, à chaque progrès de la science, cet horizon recule et laisse découvrir des rivages jusqu'alors ignorés.

Aujourd'hui, par exemple, qu'un demi-siècle d'agitation politique nous a chèrement appris ce que c'est que la démocratie, il est évident que l'histoire des derniers temps de la république, telle que nous la présentent Bossuet et Montesquieu, ne peut plus nous satisfaire. Ces deux beaux génies, vivant dans une monarchie et pour qui l'unité est la condition essentielle et légitime de tout gouvernement, n'ont qu'une idée incomplète de ce que peut être une république; ils ne comprennent pas parfaitement la division des pouvoirs et le jeu des magistratures. Par exemple, le tribunat, qui pendant longtemps assura la liberté et la grandeur romaines, n'est pour eux qu'une cause perpétuelle de troubles et de bouleversements. Ils ne voient point que le collége des tribuns (représentation du peuple que je ne puis mieux comparer qu'aux secondes chambres des états modernes) avait dans le gouvernement un droit au moins égal au droit du sénat et des consuls, quoique s'exerçant d'une manière différente et dans une sphère qui n'était point la même; ce qui leur paraît turbulence,

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