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AVERTISSEMENT

Le présent volume n'est que le tome premier d'un ouvrage qui justifiera, nous l'espérons, son titre d'Histoire générale : de la chute de l'Empire romain, il mènera le lecteur jusqu'au temps présent, et il doit embrasser l'histoire de tous les peuples qui ont eu un rôle dans les grandes révolutions de l'humanité.

Les volumes qui suivront prochainement celui-ci auront pour sous-titres L'EUROPE FÉODALE ET LES CROISADES, FORMATION DES GRANDS ÉTATS, RENAISSANCE ET RÉFORME, LES NOUVEAUX MONDES, LES GUERRES DE RELIGION, LE SIÈCLE DE LOUIS XIV, LE XIII SIÈCLE, ETC.

On y verra apparaître, à leur heure d'importance dans l'histoire générale, les peuples et les races de l'Asie septentrionale et méridionale, de l'Extrême-Orient, de l'Amérique et de Afrique.

Le lecteur peut, dès maintenant, se rendre compte du plan el de la méthode que nous avons suivis. Dans chaque volume nous avons confié chacun des chapitres à celui de nos collaborateurs qui, par des études spéciales et des publications estimées, semblait le mieux désigné pour le traiter avec une entière compétence.

Cette publication offrira donc le double avantage de l'unité dans le plan et de la diversité des talents.

Il en sera de même dans tout le cours de l'ouvrage, aussi bien pour les périodes contemporaines, Révolution française,

Empire napoléonien, Restauration, Révolutions de 1830, de 1848, de 1870, que pour les périodes dites du moyen âge et moderne.

Dans ce cadre qui ira toujours en s'élargissant, car, à mesure que les périodes traitées seront plus courtes la scène deviendra plus vaste, nous nous garderons de faire entrer uniquement ou principalement ce que notre respecté maître, M. Duruy, appelait l'histoire-bataille : litanies de souverains, séries de combats ou de traités. Nous entendons mettre au premier rang les faits qui intéressent, comme disait Voltaire, « les mœurs et l'esprit des nations ». On verra quelle place tiennent dans ce premier volume la civilisation romaine à son déclin, celle des Germains plus ou moins romanisés, celle des Byzantins, celle des Arabes et des peuples soumis à leur domination.

Il nous reste à justifier le sous-titre du présent volume:

LES ORIGINES.

Nous le faisons commencer un peu avant cette date de 395, qui marque la séparation entre les Romains d'Occident et les Romains d'Orient : elle est généralement admise comme signifiant beaucoup dans l'histoire de l'humanité.

Assurément ce sous-titre se justifierait encore mieux si l'on était revenu sur l'histoire de Rome, de la Grèce et, en remontant toujours aux sources de la civilisation, sur celle de l'Orient. Mais, d'une part, l'Orient, la Grèce, Rome ont eu en France des historiens de premier ordre dont les ouvrages sont duns toutes les mains; d'autre part, il faut bien s'arrêter à quelque point, àváyuq σtīva, et nous avons voulu nous en tenir aux origines immédiates de ces nations européennes dont l'histoire a fini par devenir celle du globe tout entier.

Avant la première invasion gothique, ce qu'on appelait alors le monde, c'est-à-dire les pays qui s'étendent du golfe Persique à la mer d'Irlande et de la Scandinavie au Sahara, était partagé en deux fractions: le monde romain et le monde barbare. L'irruption des Barbares par toutes les frontières de l'Em

pire romain a eu pour conséquence les combinaisons ethnographiques et politiques d'où sont sorties les nations du monde moderne.

Ces combinaisons ont été variées à l'infini, et l'on arriverait à un total effrayant, si l'on essayait de faire le compte des États barbares qui, du IV® au XI° siècle, se sont fondés, se sont dissous, ont annexé leurs voisins, ont été démembrés par eux. Dans les matières déjà en fermentation il y a eu l'intrusion perpétuelle de matériaux nouveaux, et l'ancien monde n'a offert longtemps que l'aspect d'une cuve qui bouillonne.

A considérer tous ces peuples qui, pendant sept siècles, se ruent les uns sur les autres, les nouveaux venus refoulant et opprimant leurs devanciers, les premiers germes et ferments de civilisation toujours étouffés par de plus récentes avalanches de barbarie et même de sauvagerie, à voir tant d'empires s'élever et s'écrouler, on croirait qu'il n'y eut là que les jeux de la force brutale et le conflit des énergies aveugles de la nature. Aucune période de l'histoire n'est peut-être plus encombrée de faits, de noms, de dates, et ne parait plus stérile et plus vide.

Et cependant, à aucune période de l'histoire on n'a pu voir plus nettement l'influence des idées sur la matière: ici, c'est le souvenir de l'Empire romain, dont le moindre chef barbare est ébloui, hanté, obsédé, et dont, pendant le règne le plus éphémère sur le domaine le plus restreint, il s'efforce de faire renaître quelque chose; là, c'est l'idée de la Chrétienté, universelle et œcuménique comme l'Empire; et, pendant que tant de roitelets à noms teutoniques ou gothiques se disputent l'héritage temporel de Rome, dans la ville aux sept collines il y a un vieillard qui en transmet à d'autres vieillards l'héritage spirituel; enfin, dans d'autres régions, qui semblaient soustraites pour toujours à toute influence gréco-latine, sur des races qui n'avaient pas subi la loi de la Rome ancienne et qui rejetaient la foi de la Rome nouvelle, il y a une autre idée,

une autre loi, une autre foi qui gouvernera les forces brutes.

Du VII° siècle au XIe siècle, le monde ancien a donc été dominé par des idées incarnées dans des hommes : l'idée romaine impériale, l'idée romaine papale, l'idée musulmane, celle-ci réunissant dans le même homme les deux suprématies temporelle et spirituelle.

Au-dessus du monde se dressent le Pape, héritier de saint Pierre; l'Empereur, héritier d'Auguste; le Khalife, héritier de Mohammed.

En général, il n'y a qu'un Pape à la fois; il y eut toujours au moins deux Empereurs; à la fin, il y eut au moins trois Khalifes. C'est la papauté, la plus immatérielle des trois puissances, qui est la mieux obéie. Elle ne compte guère de rebelles qu'à Byzance; les deux autres en comptent tant que presque partout elles finissent par laisser la place à des rois, à des sultans, monnaie de l'Empereur ou du Khalife, un peu menue, mais de bon métal.

Sous l'action de ces idées, de ces personnages, de ces fantômes, peu à peu, aux royautés barbares, partageables, éphémères, succèdent des États plus solidement constitués. En Europe du moins, de l'amalgame et de la fermentation des éléments romains, celtes, ibères, germains, goths, slaves, finnois même, se dégagent des êtres nouveaux.

De proche en proche la matière en ébullition se prend, se fige, se cristallise, s'organise. De ces poussières de peuples que le sabot d'un cheval hun, magyar ou arabe, suffisait pour faire lever en tourbillons, se condensent de vraies nations.

A la fin du XIe siècle, il y a une France, où les couches successives d'envahis et d'envahisseurs se sont fondues en un vivant métal, qui n'admettra plus d'élément étranger; il y a une Allemagne, ou, si l'on veut, des Allemagnes; il y a une Italie, où l'on a déjà peine à distinguer les sédiments latins, grecs, germains; il y a des États scandinaves; il y a une Bohême, une Pologne, une Russie, et, par intermittence, une

Serbie, une Bulgarie; il y a une Grèce, encore que celle-ci ait peine à se dégager de ses provinces barbares. Les Iles Britanniques, après avoir vu les Celtes refoulés par les AngloSaxons, les Anglo-Saxons par les Danois, ont reçu, avec les Normands, leur dernier ban de conquérants; il en est de même de la Pannonie, qui, après avoir été l'hippodrome des cavaliers d'Asie, est devenue la Hongrie chrétienne; l'Espagne, tour à tour celto-ibérique, romaine, gothique, se trouve enfin saturée d'hommes et, après avoir subi l'intrusion des Arabes et des Berbères, tend déjà à les expulser. Ainsi notre Europe est debout tout entière, avec les États qui dureront, les nations qui sont celles d'aujourd'hui et de demain.

Tous ces êtres nouveaux sont nés dans la période qui nous occupe aucun d'eux, avant la « séparation des deux Empires », n'existait, du moins avec tous les traits essentiels de sa physionomie. Nous ne parlons pas seulement de la Russie, de la Pologne, de la Hongrie, et de tant d'autres nations, dont les éléments constitutifs étaient encore, en 395, dispersés à tous les coins du monde barbare; mais à la fin du XP siècle, il existe une France, qui est différente de la Gaule de César; une Espagne et une Italie, qui n'ont guère que le nom de commun avec celles qui ont connu les Antonins; une Angleterre, qui est radicalement autre chose que la Bretagne d'Agricola; une Allemagne, que la Germanie de Tacite ne pouvait laisser pressentir.

Plus différentes encore de leur aspect romain, plus ressemblantes encore à l'aspect qu'elles présentaient au début de notre siècle sont l'Afrique du Nord, l'Égypte, la Syrie, l'Asie

Mineure.

Ainsi, dans tout l'ancien monde, il s'est fait, du IV au XIe siècle, un travail énorme, douloureux, prodigue de vies d'hommes et d'empires: il a cependant abouti à quelque chose de solide, puisque cela dure et que cela semble destiné à durer. Ce fut un travail si complet, si bien définitif, que,

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