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Tandis que sur terre les propriétés privées, soit mobilières, soit immobilières, sont religieusement respectées, on suit sur mer, par rapport aux navires de commerce, une conduite toute différente. Quoiqu'ils appartiennent à des particuliers, ces navires ainsi que leurs cargaisons sont capturés à titre de butin, et les hommes de leurs équipages sont faits prisonniers de guerre.

Plusieurs publicistes distingués s'élèvent avec force contre le maintien de cet usage, et ne manquent pas de raisons plausibles pour justifier leur opinion (1). Puisque les nations, disent-ils, respectent, soit sur leur propre territoire, soit sur le territoire même de l'état ennemi, les propriétés privées des sujets de cet état, à plus forte raison ces mêmes propriétés privées devraient être respectées sur la mer qui est un élément libre. Conformément à cette opinion, beaucoup de personnes appellent de leurs vœux l'application à la guerre maritime des usages moins rigoureux adoptés dans les guerres sur

terre.

Nous trouvons ce vœu formulé de la manière suivante dans les Mémoires de Napoléon :

(1) Voy. RAYNEVAL, Inst. du Droit de la Nature et des Gens, liv. 3, ch. 16, p. 267.-PINHEIRO-FERREIRA, Manuel du Citoyen sous un gouvernement représentatif, p. 601.—M. G. MASSÉ, Droit commercial dans ses rapports avec le Droit des Gens, t. 1, p. 152 et

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« Il est à désirer qu'un temps vienne, où les « mêmes idées libérales s'étendent sur la guerre

de mer, et que les armées navales de deux puis"sances puissent se battre sans donner lieu à la «< confiscation des navires marchands, et sans faire «< constituer prisonniers de guerre de simples mate«<lots du commerce ou les passagers non-militaires. « Le commerce se ferait alors sur mer, entre les « nations belligérantes, comme il se fait sur terre, <«< au milieu des batailles que se livrent les ar«< mées (1). »>

L'assimilation complète qu'on prétend établir entre les relations des peuples par la voie de mer, et leurs relations par la voie de terre, aboutit souvent à des conséquences erronées. La mer et la terre sont des éléments si différents, que tout ce qui se passe sur l'un et sur l'autre, bien que basé sur les mêmes principes généraux, doit présenter nécessairement dans l'application des différences notables. Ces différences sont nombreuses à l'état de paix; elles le sont plus encore à l'état de guerre.

Le but de la guerre, avons-nous dit précédemment, est de forcer l'ennemi à la paix, et ce but ne peut être atteint que par la victoire. Or, la victoire elle-même ne peut être obtenue qu'en détruisant,

(1) Mémoires de Napoléon, t. 3, ch. 6, § 1, p. 301.

ou si l'on veut en paralysant les forces de l'ennemi, ce qu'il est impossible de faire sans employer contre lui des moyens nuisibles.

Sur terre, on nuit à l'ennemi en lui faisant une guerre de territoire, en s'emparant de ses villes, de ses provinces, en s'y établissant ou les occupant; en un mot en faisant sur lui des conquêtes. Une ville ou une province occupées, donnent des otages, se soumettent au vainqueur, qui en désarme les habitants. Ce vainqueur prend possession des domaines de l'état; il perçoit à son profit les revenus publics, et lève aussi des contributions extraordinaires, également réparties sur tous les individus composant la masse de la population, pour subvenir à l'entretien de son armée, ou pour s'indemniser des frais de la guerre.

A ces conditions, les habitants, s'ils se tiennent tranquilles, sont maintenus dans tous leurs droits. Le conquérant dont la souveraineté est substituée, intérimairement du moins, à la souveraineté du vaincu, ne peut exercer sur ces habitants paisibles des droits plus étendus que ceux du souverain dont la victoire lui a fait occuper la place; et il est même tenu de protéger leur personne et leur fortune, et de leur faire rendre bonne et exacte justice selon les lois du pays.

Sur mer, rien de semblable ne peut avoir lieu. Dans une guerre purement maritime, abstraction faite des descentes aux côtes ennemies, il n'y a

pas de conquêtes possibles. Cependant il faut bien nuire à l'ennemi d'une manière quelconque; il faut bien, suivant un principe connu, que la guerre vive de la guerre.

On prétend qu'il conviendrait de se borner à combattre et à capturer les navires de guerre ennemis; c'est là vouloir restreindre outre mesure les opérations militaires de la guerre sur mer. Carsi l'état ennemi veut éviter le combat, il n'aura qu'à retenir dans ses ports ses forces navales militaires, se bornant à couvrir les mers de ses navires marchands; et si ces navires sont sûrs de l'impunité, croit-on qu'ils se borneront toujours à de simples opérations commerciales? Les gouvernements ne les emploieront-ils pas, secrètement du moins, à maintenir leurs relations de toute nature avec les états étrangers, relations que l'ennemi a intérêt et droit d'en

traver?

On ne peut pas assimiler le commerce maritime au commerce pacifique et sédentaire qui a lieu sur terre; on ne peut pas dire qu'un navire marchand soit comme un magasin de marchandises établi à

terre.

Les individus, agents actifs du commerce maritime, ne peuvent pas être considérés comme des particuliers inoffensifs, absolument étrangers aux opérations de la guerre. Les bâtiments marchands ne peuvent naviguer sans équipages; ces équipages sont composés de matelots de l'état, véritables instru

ments de guerre tout formés, toujours prêts, que le gouvernement peut prendre à tout moment pour les employer militairement. Dans l'hypothèse d'une guerre où l'Angleterre serait une des parties belligérantes, trouvera-t-on injuste que l'autre partie s'empare des navires de la compagnie anglaise des Indes, parce que la destination de ces navires est spécialement le commerce? Mais ces navires sont organisés militairement, ils font partie intégrante de la force publique britannique; cette compagnie commerciale tient à sa solde et à son service des officiers de guerre, des troupes de toutes armes ; en un mot, elle fait le commerce à main armée.

Cette dernière considération, d'un commerce à main armée, n'est pas sans doute exactement applicable à tous les navires marchands; mais il n'en est pas moins vrai que, tous en général, quelles que soient les compagnies qui les équipent, ont à bord des officiers et des matelots, que la force militaire peut requérir à tout moment pour un service de guerre.

En capturant sur mer les bâtiments de commerce ennemis, en faisant les hommes de leurs équipages prisonniers de guerre, on ne peut donc pas dire, ce nous semble, qu'il soit fait infraction au principe général qui commande le respect aux propriétés et aux personnes des sujets inoffensifs de l'ennemi.

L'argument qu'on prétend tirer de la liberté de

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