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LIVRE TROISIÈME

DOCUMENTS ET PIÈCES JUSTIFICATIVES.

ANNEXE A, page 24.

Rapport de M. de la Clocheterie commandant la frégate la Belle-Poule, à M. le comte d'Orvilliers.

MON GÉNÉRAL,

Les vents du nord qui m'ont fait partir de Brest le 15 de ce mois ont régné jusqu'à mardi à minuit très faibles; ils ont passé alors à O. S. O. et j'ai mis le cap au N. N. E., ce qui me portait entre le cap Lézard et Plimouth. Mercredi (le 17) à 10 h. du matin, j'ai eu connaissance du haut des mâts de quelques bâtiments exactement de l'avant à moi; je les ai signalés sur-le-champ à la Licorne et à l'Hirondelle que j'avais laissées assez loin derrière moi. A 10 h. 1/2 j'ai commencé à soupçonner que ce pouvait être une escadre, et j'ai fait signal aux bâtiments qui me suivaient de tenir le vent, les amures à babord et je les ai prises moi-même. J'ai compté, peu d'instants après, vingt bâtiments de guerre dont quatorze au moins de ligne. J'ai fait signal de virer de bord; j'étais établi au même bord que les Anglais. A 11 h. du matin ils étaient à environ quatre lieues dans le N.

E. 1/4 N., les vents à O. S. O. A 1 h. 1/2 après midi, j'ai doublé la Licorne au vent, et j'ai dit à M. de Belizot que je le laissais le maître de la manœuvre qu'il jugerait la plus convenable pour échapper à la poursuite des Anglais, et j'ai fait signal à l'Hirondelle de relâcher où elle pourrait. Je voyais alors qu'une frégate et un sloop me joignaient; j'ai gardé le lougre avec moi; à 6 h. j'ai été joint par le sloop qui portait dix canons de six; il m'a hélé en anglais, je lui ai dit de parler français, il a reviré et a été rejoindre la frégate. A 6 h. 1/2 cette frégate est arrivée à portée de mousquet dans ma hanche sous le vent. Le vaisseau de l'escadre le plus près de moi en était alors éloigné d'environ quatre lieues; cette frégate a cargué sa grande voile, j'en ai fait autant, et j'ai même amené mes perroquets et mis celui de fougue sur le mât, afin de ne pas rester dans une position tout à fait désavantageuse. La frégate anglaise a manoeuvré comme moi, alors j'ai arrivé brusquement; elle en a fait autant et nous nous sommes trouvés par le travers l'un de l'autre à portée de pistolet. Elle m'a parlé en anglais, j'ai répondu que je n'entendais pas; alors elle m'a dit en français qu'il fallait aller trouver son amiral. Je lui ai répondu que la mission dont j'étais chargé ne me permettait pas de faire cette route. Elle m'a répété qu'il fallait aller trouver l'amiral, je lui ai dit que je n'en ferais rien; elle m'a envoyé alors toute sa volée et le combat s'est engagé. Il a duré depuis 6 h. 1/2 du soir jusqu'à 11 h. 1/2, toujours à la même portée, par un petit vent qui permettait à peine de gouverner. Nous courions l'un et l'autre grand largue sur la terre; j'ai lieu de présumer qu'elle était réduite alors, puisqu'après être arrivé vent arrière, je lui ai donné plus de cinquante coups de canon dans sa poupe sans qu'elle en ait riposté un seul.

Cette frégate est de la force de la Fortunée et porte comme elle vingt-huit canons de douze en batterie. Il m'a

été impossible de poursuivre mon avantage, parce que la route qu'il fallait faire pour cela me menait au milieu des ennemis. J'ai donc pris le parti de courir à terre sans savoir à quel point je pouvais atteindre, j'ai mouillé très près de terre à minuit et demi; au jour, je me suis trouvé entouré de roches, à un endroit qu'on appelle Cam Louis auprès de Plouëscat. J'ignore encore si je pourrai m'en tirer.

Le combat, mon Général, a été très sanglant. J'ai cinquante-sept blessés ; je ne sais pas encore au juste le nombre des morts, mais on croit qu'il passe quarante. M. Graire de Saint-Marsault est du nombre des derniers; M. de Laroche Kerandron, enseigne, a un bras cassé, et M. Bouvet est blessé moins grièvement.

Je ne saurais trop louer, mon Général, la valeur intrépide et le sang-froid de mes officiers. M. le chevalier de Capellis a su inspirer toute son audace aux équipages de la batterie qu'il commandait. M. de Laroche blessé après une heure et demie de combat est venu me faire voir son bras, a été se faire panser et est revenu reprendre son poste. En général, le combat s'est très bien soutenu jusqu'à la fin. MM. Damard et Sbirre, officiers auxiliaires, se sont comportés avec toute la bravoure et le sang-froid qu'on a droit d'attendre des militaires les plus aguerris. M. Bouvet blessé assez grièvement, n'a jamais voulu descendre. Mon équipage est digne de partager la gloire que se sont acquise mes officiers.

M. Graire de Saint-Marsault a été tué après une heure et demie de combat; le roi a perdu l'un de ses meilleurs of ficiers, et je regrette un ami bien cher.

Je crois la Licorne prise ainsi que le Lougre, mais je me flatte que l'Hirondelle a échappé aux ennemis.

Deux vaisseaux de guerre anglais sont à deux lieues de moi; ils paraissent vouloir entreprendre de venir me chercher, je doute qu'ils y réussissent parce que je suis fort en

touré de roches; mais je n'ai qu'une très faible espérance de sauver la frégate.

Le lieu où je suis n'étant éloigné que de trois lieues de Folgoët, je prends le parti d'y envoyer mes blessés. Mon chirurgien-major vous portera cette lettre, mon Général; je l'expédie parce que personne n'est plus propre que lui à leur faire donner tous les secours dont ils ont besoin, et que c'est un exprès sûr.

Deux contusions, l'une à la tête et l'autre à la cuisse, me font souffrir actuellement, de manière que je n'ai guère la force d'écrire plus long-temps; ce qui m'engage à vous prier, mon Général, de vouloir bien faire passer ma lettre à M. de Sartine si vous le jugez à propos.

Mes blessures ne sont pas dangereuses.

J'ai oublié de vous parler de MM. de Bastrot et de la Galernerie le chevalier, gardes de la marine, ils se sont comportés en gentilshommes français.

Je suis tout dégrayé; mes mâts ne tiennent à rien, le corps de la frégate, les voiles, tout en un mot, est criblé de coups de canon et je fais de l'eau.

Je suis avec respect, etc.

CHADEAU DE LA CLOCHETERIE.

A bord de la Belle Poule, le 18 juin 1778.

Rapport de M. Rosily, commandant le lougre le Coureur, à M. de Sartine, ministre de la marine, du 3 août 1778.

M. de la Clocheterie commandant la Belle-Poule, partit de Brest le 15 juin, ayant sous ses ordres la frégate la Licorne, la corvette l'Hirondelle et le lougre le Coureur que je commandais. Nous nous trouvâmes le 17 juin sur les dix

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