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manuscrit qui étoit au Mont Cassin. M. Cancellieri rappelle le bizarre paradoxe du Père Hardouin qui voulut faire croire que le poème du Danté étoit l'ouvrage d'un Moine sectateur de Wiclef; et cela, parce que le poète fait dire, dans son Purgatoire, au Roi Hugues, qu'il étoit fils d'un boucher (1). Cette fausse tradition, accueillie encore par Francesco Novello dans ses Poésies, s'étoit répandue dans le moyen âge en Italie. On avoit pris, pour le nom de sa profession, l'épithète quî avoit été donnée au Comte de Paris, père de Hugues, à cause de son caractère sanguinaire. D'autres ont prétendu que le Dante avoit pris l'idée de son Voyage dans les trois royaumes des morts, du Roman de Guercino de Durazzo, intitulé il Meschino. M. Cancellieri remarque avec raison que si le Dante eût été capable de ce larcin, Francesco degli Stabili, surnommé il Cieco d'Ascoli, Ortensio Lando dans sa Sferza, et les autres antagonistes de ce grand poète n'auroient pas manqué de le lui reprocher. Il n'y a pas non plus d'apparence qu'il l'ait trouvée dans la Préface du Tesoretto de son maître Brunetto Latini, qui y a décrit un égarement dans une forêt. Merian et l'abbé Denina n'ont-ils pas avancé qu'un spectacle singulier, qui fut donné à Florence en. 1341, a fourni au Dantė le sujet de son poème. Le directeur de la troupe promit de donner à ses spectateurs une idée juste de l'autre monde. Il avoit établi sur l'Arno un pont sur lequel parurent des Démons qui faisoient

(1) Figliol fui d'un beccaro di Parigi. Purg. XX, 52.

des gestes et des grimaces effroyables; mais le pont s'étant rompu, les Démons tombèrent dans le fleuve, et le jeu se changea en une funeste tragédie.

Ces écrits, ces représentations n'ont pu donner au Dante aucune idée dont il lui convint de profiter. Il est plus aisé de penser qu'il a puisé le plan de ses tre Cantiche dans un manuscrit plus ancien que lui, qui existe dans les riches archives de Monte Casino. Il a été composé, au commencement du douzième siècle, par un jeune Moine appelé Alberic qui, à l'âge de neuf ans, eut use maladie mortelle; il perdit tout sentiment pendant neuf jours, et il eut une vision dans laquelle il crut être transporté par une colombe, en compagnie de deux Anges appelés Emmanuel et Elos, dans le Paradis et dans l'Enfer. Alberic, ayant été guéri, embrassa la vie monastique au Mont Cassin, dont Girard étoit alors abbé. L'abbé Senioretto ordonna, en 1127, au moine Alberic de revoir lui-même la description de cette vision; il y employa trois jours, en se faisant aider de Pierre, diacre. Le Père Costantino Gaetano en a fait une copie qu'il a déposée, avec d'autres manuscrits, dans la bibliothéque du Collège de la Sapience. Mazzocchi avoit déja dit, avant Bottari, que Dante avoit pris l'idée du plan de son poème dans la vision d'Alberic. Il est prouvé que Dante, dans ses ambassades à Naples, a pu s'arrêter au Mont Cassin, où du moins il aura eu connoissance de cette vision par les nombreuses copies qui s'en étoient répandues.

M. Cancellieri a rassemblé ensuite des notices curieuses relatives au Dante, tels que des détails sur les récits des anciens relatifs aux Enfers et au

Paradis, sur les connoissances physiques, astronomiques et théologiques de ce grand poète. Il examine si Dante a été Frère Mineur; pourquoi il n'a pas écrit son poème en latin. Il parle des traductions de son poème. Il reproduit la lettre noble et énergique qu'il écrivit à l'occasion de son rappel avec les autres bannis de Florence, rappel pour lequel il refusoit de donner de l'argent.

M. Cancellieri recherche les imitations que Dante, a faites de Virgile. Si il a été couronné, il cite les noms des poètes qui ont eu cet honneur avant Dante; it examine pourquoi ce poète a intitulé son poème Comedia; pourquoi elle a été appelée Divina. It parle des éditions qui en ont été faites, et des commentaires dont elle a été le sujet; if indique les ouvrages qui ont été écrits sur sa vie, et pour ou contre lui; il parle des chaires qui ont été établies, pour l'expliquer, dans les écoles et même dans les églises; des honneurs rendus à sa mémoire. Il rapporte ensuite ce qui a été écrit pour et contre l'originalité de son poème; il rappelle à ce sujet toutes les imitations qui ont été faites par de grands hommes, et les idées qu'ils ont prises dans des Ouvrages sans vogue et sans crédit : cet article est très curieux. Tout ce qu'on peut dire, c'est que l'idée de chanter la prise de Jérusalem, empruntée du Livre de Benedetto Accolti, mort en 1466, sur la guerre des Chrétiens contre les Barbares, n'est pas ce qui fait la beauté et le charme des chants de la Jérusalem délivrée, et qu'it importe peu de savoir d'où Virgile, Arioste, Milton, Shakespeare, Corneille, etc., ont pris quelques idées de leurs poèmes et de leurs drames : celui-là est original

qui recrée tout ce qu'il emprunte. Et comment regarderoit-on comme imitateurs des hommes qui sont inimitables?

M. Cancellieri établit ensuite les preuves d'après lesquelles il est certain que le manuscrit original de la Vision d'Alberic est antérieur aux copies du Dante. Il en donne un fac simile.

Le texte que M. Cancellieri publie a été copié d'après le manuscrit qui existe dans la bibliothéque du Collège de la Sapience. J'ai vu moi-même le texte original de cette Vision, lorsque j'ai visité la célèbre bibliothéque du Mont Cassin, et j'en avois emporté une excellente copie, que je devois aux soins de M. l'archiviste Dom Frangipani, et je comptois la publier (1); mais je me félicite d'avoir été prévenu par M. Cancellieri, puisque cela lui a donné lieu de donner sur le Dante des éclaircissemens si précieux. Les variantes de ma copie sont très légères; et si je me décidois à la faire imprimer, ce seroit pour l'accompagner d'une traduction française et d'un commentaire. Il y a dans cet écrit beaucoup de locutions, de détails et de faits qui méritent d'être éclaircis. Mes occupations actuelles ne me permettront peut-être pas de me livrer à ce travail. Dans tous les cas, le mérite de l'antériorité de la publication restera toujours à M. Cancellieri, et les préliminaires qu'il a donnés sont si intéressans, que je me garderai bien de reproduire des questions qu'il a si habilement résólues. A. L. M.

(1) Voyez mes Lettres à l'Institut, p. 38; et dans ce Journal, ann. 1814, t. 2, p. 38.

ROMANS.

MARCELLIN, ou bon cœur et mauvaise tête; par J. S. QUESNÉ. A Paris, chez Tiger, imprimeur libraire, rue du Petit- Pont Saint-Jacques, n.o 10. Deux volumes in 12 de 500, pages, ornés de gravures. 1815.

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Ce Roman, dans lequel les aventures qui peuvent naître d'un pareil sujet sont très nombreuses, peut offrir un agréable délassement aux personnes qui aiment ce genre de lecture. S.

ANTIQUITÉS.

Due Urne sepolcrali descritte ed illustrate da Sebastiano CIAMPI, dedicate al Sig. Cav. A. L. MILLIN; Seconda edizione. Pisa, 1814. Broch. in-8.o.

M. ZANNONI, dont le nom est déja connu par plusieurs estimables productions, décrit dans celle-ci deux belles urnes étrusques. La première avoit déja été incorrectement figurée dans le Mus. Etrusc. de GORI, tom. II, p. 273. On avoit cru y reconnoître la mort de Polymnestor. M. Zannoni y reconnoît Edique à qui des soldats crevent les yeux. Homère ne dit point qu'on lui ait ôté la vue. Euripide raconte de différente manière comme ce héros fut privé de la lumière. Selon Sophocle et Sénèque, ce fut lui-même qui s'infligea cet affreux supplice.

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