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LETTRE à M. le Rapporteur de la Commission chargée, par la seconde Classe de l'Institut de France, d'examiner les Mémoires concernant le Prix proposé sur les difficultés qui s'opposent à l'introduction d'un Rhythme régulier dans la versification française.

Grenoble, le 15 Août 1815.

MONSIEUR,

Les relations, qu'établissent les sciences entre ceux qui les cultivent, me dispenseront, si vous l'agréez, de motiver différemment la lettre que j'ai l'honneur de vous adresser, au sujet du précieux Rapport que vous avez fait à la Classe de la langue et de la litté rature de France, relativement au prix qu'elle avoit proposé sur la versification française.

Ce Rapport, qu'un ami a eu la complaisance de me faire parvenir au moment de sa publication, est devenu pour moi un échange heureux du Mémoire que j'avois envoyé à cette Académie, et m'a dédommagé

amplement de son peu de succès. Ainsi, mon dessein n'est pas de réclamer contre le jugement porté par cette illustre association, et moins encore contre l'excellent Rapport motivé qui a servi de base à sa décision. Ambitionnant peu la renommée; la redoutant peut-être même, je n'ai signé le Mémoire N.o 5, que pour me réserver la facilité de lui ajouter, par la suite, quelques réflexions dont je prévoyois qu'il pourroit avoir besoin, vu la célérité avec laquelle il avoit été écrit, et surtout à cause du genre de ses preuves, qui sont faciles à faire sentir à l'organe de l'ouïe, mais si difficiles à peindre seulement aux yeux, comme la longue expérience que j'en ai faite, et le Rapport même que j'ai sous les yeux me l'ont suffisamment prouvé.

Je n'ai donc point été surpris de lire, dans ce dernier, que j'avois fait de vains efforts, pour définir précisément le mot Rhythme, même en usant de toutes les ressources qu'ont pu me fournir les anciens auteurs et les lexicographes grecs, latins et français.

En cela, j'ai d'abord reconnu l'imperfection de mes moyens pour me faire comprendre dans l'explication d'un objet assez délicat en lui-même; et j'y ai vu aussi que la crainte d'être soupçonné de quelque présomption

m'avoit empêché d'insister sur quelques notions préliminaires qu'il convenoit de sup poser à toutes personnes instruites, à moins qu'elles n'avouassent elles-mêmes en avoir besoin.

D'un autre côté, j'ai achevé de me convaincre, par la lecture méditée de votre important Rapport, que les meilleurs esprits n'avoient pas encore défini précisément la juste différence qui existe entre le rhythme et le mètre; car il paroît qu'il les ont presque toujours confondus ensemble, comme cela saute aux yeux dans plusieurs extraits des Mémoires qui composent ce Rapport. Ne pensez-vous pas, ainsi que moi, moi, que le premier objet de la question proposée, quelle que puisse être d'ailleurs sa complication, étoit d'abord d'établir la différence ou la similitude de ces deux mots; et n'étoitce pas dénaturer la question, telle qu'elle a été proposée, que d'avoir l'air de les confondre? Car, si dans cette question, on n'avoit pas supposé qu'il y avoit une différence essentielle entre eux, on y auroit employé de préférence le mot mètre, qui a servi jusqu'ici dans un sens indéterminé. On peut donc croire que, du moins dans la question dont il s'agit, le rhythme n'est pas le mètre.

Tome V. Septembre 1815.

7

Si vous me demandez à présent ce qu'il peut être; je vous prierai de vouloir bien vous reporter à ce que j'en ai dit dans la sixième partie de l'ouvrage que j'ai publié (1), et dont le Mémoire que vous avez très-brièvement analysé, au N. 5 de votre intéressant Rapport, étend beaucoup encore les définitions (2); mais, pour en donner une dernière idée, j'ajouterai que le rhythme est ce qui distingue entre eux les temps égaux du

mètre.

Jusqu'à ce que quelqu'un en donne une définition plus claire et plus vraie, je dois m'en tenir à celle-ci, et regarder la propo sition qu'elle renferme comme la plus importante et la première de celles qu'il falloit prouver, dans la question complexe qui avoit élé proposée.

(1) Considérations sur les divers systèmes de la Musique ancienne et moderne, etc.; Paris, 1810, chez Goujon, libraire, rue du Bac, n.o 33.

(2) L'extrait de ce Mémoire, publié dans ce Rapport, étant trop abrégé pour en embrasser toutes les parties essentielles, je ne pourrai me dispenser de le livrer incessamment à l'impression, comme supplément de l'ouvrage que je viens de citer, et pour réunir sous les yeux du public tout ce que j'ai dit sur l'importante matière du rhythme.

C'est pour elle seule que j'avois écrit mon Mémoire, et les réflexions que j'ajoute ici lui sont encore destinées, Mais si ce Mémoire vous a paru long à parcourir, je dois craindre que les observations que j'y ajoute, ne captivent pas votre attention. J'espère cependant, Monsieur, que, guidé par vos propres lumières, vous admettrez sans répugnance, qu'il peut y avoir plus d'une route pour arriver à la perfection des arts, et que celle que les grands hommes ont tracée dans leurs belles productions, peut n'avoir pas été toutà-fait exempte d'irrégularités; et n'est-il pas, d'ailleurs, dans l'ordre des choses possibles qu'un homme, avec des moyens médiocres, vienne à découvrir ces irrégularités, par le concours heureux de quelques circonstances?

Je dois vous croire trop au dessus des idées vulgaires, pour vous supposer une autre manière de voir, et je me flatte même que vous n'aurez pas de peine à surmonter la sorte de petite répulsion que peut vous faire éprouver la divergence de nos opinions sur les objets dont il est ici question.

Je n'ai garde de vouloir rechercher d'où peut naître cette opposition; cela m'entraîneroit dans des discussions trop étendues, qui, sans être absolument étrangères à mon sujet,

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