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suit pas que, parce qu'il est vrai que quelque homme est juste, il soit vrai aussi que tout homme est juste; et, au contraire, la fausseté des particulières emporte la fausseté des universelles: car, s'il est faux que quelque homme soit impeccable, il est encore plus faux que tout homme soit impeccable. Mais la fausseté des universelles n'emporte pas la fausseté des particulières; car, quoiqu'il soit faux que tout homme soit juste, il ne s'ensuit pas que ce soit une fausseté de dire que quelque homme est juste. D'où il s'ensuit qu'il y a plusieurs rencontres où ces propositions subalternes sont toutes deux vraies, et d'autres où elles sont toutes deux fausses,

Je ne dis rien de la réduction des propositions opposées en un même sens, parce que cela est tout-à-fait inutile, et que les règles qu'on en donne ne sont la plupart vraies qu'en latin.

CHAPITRE V.

Des propositions simples et composées. Qu'il y en a de simples qui paraissent composées et qui ne le sont pas, et qu'on peut appeler complexes. De celles qui sont complexes par le sujet ou par l'attribut.

Nous avons dit que toute proposition doit avoir au moins un sujet et un attribut; mais il ne s'ensuit pas de là qu'elle ne puisse avoir plus d'un sujet et plus d'un attribut. Celles donc qui n'ont qu'un sujet et qu'un attribut s'appellent simples, et celles qui ont plus d'un sujet ou plus d'un attribut s'appellent composées, comme quand je dis Les biens et les maux, la vie et la mort, la pauvreté et les richesses viennent du Seigneur ; cet attribut, venir du Seigneur, est affirmé, non d'un seul sujet, mais de plusieurs; savoir, des biens et des maux, etc.

Mais, avant que d'expliquer ces propositions composées, il faut remarquer qu'il y en a qui le paraissent, et qui sont néanmoins simples car la simplicité d'une proposition se prend de l'unité du sujet et de l'attribut. Or, il y a plusieurs propositions qui n'ont proprement qu'un sujet et qu'un attribut; mais dont le sujet et l'attribut est un terme complexe, qui enferme d'autres propositions qu'on peut appeler incidentes, qui ne font que partie du sujet ou de l'attribut, y étant jointes par le pronom relatif, qui, lequel, dont le propre est de joindre ensemble plusieurs propositions, en sorte qu'elles n'en composent toutes qu'une seule.

Ainsi, quand JÉSUS-CHRIST dit: Celui qui fera la volonté de mon père, qui est dans le ciel, entrera dans le royaume des cieux, le

sujet de cette proposition contient deux propositions, puisqu'il comprend deux verbes; mais comme ils sont joints par des qui, ils ne font que partie du sujet : au lieu que quand je dis, les biens et les maux viennent du Seigneur, il y a proprement deux sujets, parce que j'affirme également de l'un et de l'autre qu'ils viennent de Dieu.

Et la raison de cela est, que les propositions jointes à d'autres par des qui, ou ne sont des propositions que fort imparfaitement, selon ce qui sera dit plus bas, ou ne sont pas tant considérées comme des propositions que l'on fasse alors, que comme des propositions qui ont été faites auparavant, et qu'alors on ne fait plus que concevoir, comme si c'étaient de simples idées. D'où vient qu'il est indifférent d'énoncer ces propositions incidentes par des noms adjectifs ou par des participes sans verbes et sans qui, ou avec des verbes et des qui; car c'est la même chose de dire Dieu invisible a créé le monde visible, ou Dieu qui est invisible, a créé le monde qui est visible. Alexandre, le plus généreux de tous les rois, a vaincu Darius, ou Alexandre, qui a été le plus généreux de tous les rois, a vaincu Darius et dans l'un et dans l'autre, mon but principal n'est pas d'affirmer que Dieu soit invisible, ou qu'Alexandre ait été le plus généreux de tous les rois; mais supposant l'un et l'autre comme affirmé auparavant, j'affirme de Dieu conçu comme invisible, qu'il a créé le monde visible, et d'Alexandre conçu comme le plus généreux de tous les rois, qu'il a vaincu Darius.

Mais si je disais: Alexandre a été le plus généreux de tous les rois et le vainqueur de Darius, il est visible que j'affirmerais également d'Alexandre, et qu'il aurait été le plus généreux de tous les rois, et qu'il aurait été le vainqueur de Darius. Et ainsi c'est avec raison qu'on appelle ces dernières sortes de propositions des propositions composées, au lieu qu'on peut appeler les autres des propositions complexes.

Il faut encore remarquer que ces propositions complexes peuvent être de deux sortes: car la complexion, pour parler ainsi, peut tomber ou sur la matière de la proposition, c'est-à-dire sur le sujet ou sur l'attribut, ou sur tous les deux, ou bien sur la forme seulement.

1o La complexion tombe sur le sujet, quand le sujet est un terme complexe, comme dans cette proposition : Tout homme qui ne craint rien est roi : Rex est qui meturt nihil,

Beatus ille qui procul negotiis,

Ut prisca gens mortalium,

Paterna rura bobus exercet suis,
Solutus omni fænore 36

Car le verbe est est sous-entendu dans cette dernière proposition, et beatus en est l'attribut, et tout le reste le sujet.

2o La complexion tombe sur l'attribut, lorsque l'attribut est un terme complexe, comme : La piété est un bien qui rend l'homme heureux dans les plus grandes adversités.

Sum pius Æneas famȧ super æthera notus.

Mais il faut particulièrement remarquer ici que toutes les propositions composées de verbes actifs et de leur régime, peuvent être appelées complexes, et qu'elles contiennent en quelque manière deux propositions. Si je dis, par exemple, Brutus a tué un tyran, cela veut dire que Brutus a tué quelqu'un, et que celui qu'il a tué était tyran. D'où vient que cette proposition peut être contredite en deux manières, ou en disant : Brutus n'a tué personne, ou en disant que celui qu'il a tué n'était pas tyran. Ce qu'il est très important de remarquer, parce que lorsque ces sortes de propositions entrent en des arguments, quelquefois on n'en prouve qu'une partie en supposant l'autre : ce qui oblige souvent, pour réduire ces arguments dans la forme la plus naturelle, de changer l'actif en passif, afin que la partie qui est prouvée soit exprimée directement, comme nous remarquerons plus au long quand nous traiterons des arguments composés de ces propositions complexes.

3o Quelquefois la complexion tombe sur le sujet et sur l'attribut; l'un et l'autre étant un terme complexe, comme dans cette proposition: Les grands qui oppriment les pauvres seront punis de Dieu, qui est le protecteur des opprimés.

Ille ego qui quondam gracili modulatus avenâ
Carmen, et egressus silvis vicina coegi,
Ut, quamvis avido, parerent arva colono,
Gratum opus agricolis: at nunc horrentia Martis
Arma, virumque cano, Trojœ qui primus ab oris
Italiam, fato profugus, Lavinaque venit
Littora 38.

Les trois premiers vers et la moitié du quatrième composent le sujet de cette proposition; le reste en compose l'attribut, et l'affirmation est enfermée dans le verbe cano.

Voilà les trois manières selon lesquelles les propositions peuvent être complexes, quant à leur matière, c'est-à-dire quant à leur sujet et à leur attribut,

CHAPITRE VI.

De la nature des propositions incidentes, qui font partie des propositions complexes.

Mais, avant que de parler des propositions dont la complexion tombe sur la forme, c'est-à-dire sur l'affirmation ou la négation, il y a plusieurs remarques importantes à faire sur la nature des propositions incidentes, qui font partie du sujet ou de l'attribut de celles qui sont complexes selon la matière.

1o On a déjà vu que ces propositions incidentes sont celles dont le sujet est le relatif qui : comme, les hommes, qui sont créés pour connaître et pour aimer Dieu, ou les hommes qui sont pieux : ôtant le terme d'hommes, le reste est une proposition incidente.

Mais il faut se souvenir de ce qui a été dit dans le chap. VIII de la première partie, que les additions des termes complexes sont de deux sortes : les unes qu'on peut appeler de simples explications, qui est lorsque l'addition ne change rien dans l'idée du terme, parce que ce qu'on y ajoute lui convient généralement et dans toute son étendue, comme dans le premier exemple, les hommes, qui sont créés pour connaître et pour aimer Dieu.

Les autres qui peuvent s'appeler des déterminations, parce que ce qu'on ajoute à un terme ne convenant pas à ce terme dans toute son étendue, en restreint et en détermine la signification, comme dans le second exemple, les hommes qui sont pieux. Suivant cela, on peut dire qu'il y a un qui explicatif et un qui déterminatif.

Or, quand le qui est explicatif, l'attribut de la proposition incidente est affirmé du sujet auquel le qui se rapporte, quoique ce ne soit qu'incidemment au regard de la proposition totale, de sorte qu'on peut substituer le sujet même au qui, comme on peut voir dans le premier exemple : les hommes, qui ont été créés pour connaître et pour aimer Dieu, car on peut dire : les hommes ont été créés pour connaître et pour aimer Dieu.

Mais quand le qui est déterminatif, l'attribut de la proposition incidente n'est point proprement affirmé du sujet auquel le qui se rapporte; car si, après avoir dit les hommes qui sont pieux sont charitables, on voulait substituer le mot d'hommes au qui en disant les hommes sont pieux, la proposition serait fausse, parce que ce serait affirmer le mot de pieux des hommes comme hommes; mais en disant, les hommes qui sont pieux sont charitables, on n'affirme ni des hommes en général, ni d'aucuns hommes en

particulier, qu'ils soient pieux; mais l'esprit, joignant ensemble l'idée de pieux avec celle d'hommes, et en faisant une idée totale, juge que l'attribut de charitable convient à cette idée totale, et ainsi, tout le jugement qui est exprimé dans la proposition incidente est seulement celui par lequel notre esprit juge que l'idée de pieux n'est pas incompatible avec celle d'homme, et qu'ainsi il peut les considérer comme jointes ensemble et examiner ensuite ce qui leur convient selon cette union.

2o Il y a souvent des termes qui sont doublement et triplement complexes, étant composés de plusieurs parties dont chacune à part est complexe; et ainsi il peut s'y rencontrer diverses propositions incidentes et de diverse espèce, le qui de l'une étant déterminatif, et le qui de l'autre explicatif. C'est ce qu'on verra mieux par cet exemple: La doctrine qui met le souverain bien dans la volupté du corps, laquelle a été enseignée par Épicure, est indigne d'un philosophe. Cette proposition a pour attribut, indigne d'un philosophe, et tout le reste pour sujet; ainsi ce sujet est un terme complexe qui enferme deux propositions incidentes : la première est, qui met le souverain bien dans la volupté du corps; le qui, dans cette proposition incidente, est déterminatif, car il détermine le mot de doctrine, qui est général, à celle qui affirme que le souverain bien de l'homme est dans la volupté du corps; d'où vient qu'on ne pourrait, sans absurdité, substituer au qui le mot de doctrine, en disant : la doctrine met le souverain bien dans la volupté du corps. La seconde proposition incidente est qui a été enseignée par Épicure, et le sujet auquel ce qui se rapporte est tout le terme complexe : la doctrine met le souverain bien dans la volupté du corps, qui marque une doctrine singulière et individuelle, capable de divers accidents, comme d'être soutenue par diverses personnes, quoiqu'elle soit déterminée en elle-même à être toujours prise de la même sorte, au moins dans ce point précis, selon lequel on l'entend, et c'est pourquoi le qui de la seconde proposition incidente, qui a été enseignée par Epicure, n'est point déterminatif, mais seulement explicatif; d'où vient qu'on peut substituer le sujet auquel ce qui se rapporte en la place du qui, en disant : la doctrine qui met le souverain bien dans la volupté du corps, a été enseignée par Epicure.

3o La dernière remarque est que, pour juger de la nature de ces propositions, et pour savoir si le qui est déterminatif ou explicatif, il faut souvent avoir plus d'égard au sens et à l'intention de celui qui parle qu'à la seule expression.

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