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leur vie pour leurs brebis; et la conclusion aussi se réduit à cette négative plusieurs des pasteurs d'aujourd'hui ne sont pas de bons pasteurs.

EXEMPLE IV. Voici encore un argument qui, étant de la première figure, paraît avoir la mineure négative, et qui néanmoins est fort bon.

Tous ceux à qui on ne peut ravir ce qu'ils aiment sont hors d'atteinte à leurs ennemis :

Or, quand un homme n'aime que Dieu, on ne peut lui ravir ce qu'il aime :

Donc tous ceux qui n'aiment que Dieu sont hors d'atteinte à leurs ennemis.

Ce qui fait que cet argument est fort bon, c'est que la mineure n'est négative qu'en apparence, et est en effet affirmative.

Car le sujet de la majeure, qui doit être attribut dans la mineure, n'est pas ceux à qui on peut ravir ce qu'ils aiment; mais c'est, au contraire, ceux à qui on ne peut le ravir; or, c'est ce qu'on affirme de ceux qui n'aiment que Dieu; de sorte que le sens de la mineure est :

Or, tous ceux qui n'aiment que Dieu sont du nombre de ceux à qui on ne peut ravir ce qu'ils aiment; ce qui est visiblement une proposition affirmative.

EXEMPLE V. C'est ce qui arrive encore quand la majeure est une proposition exclusive, comme :

Les seuls amis de Dieu sont heureux :

Or, il y a des riches qui ne sont pas amis de Dieu :

Donc il y a des riches qui ne sont pas heureux; car la particule seuls fait que la première proposition de ce syllogisme vaut ces deux-ci: les amis de Dieu sont heureux: et, tous les autres hommes qui ne sont point amis de Dieu ne sont point heureux.

Or, comme c'est de cette seconde proposition que dépend la force de ce raisonnement, la mineure, qui semblait négative, devient affirmative; parce que le sujet de la majeure, qui doit être attribut dans la mineure, n'est pas amis de Dieu, mais ceux qui ne sont pas amis de Dieu, de sorte que tout l'argument doit se prendre ainsi :

Tous ceux qui ne sont point amis de Dieu ne sont pas

heureux:

Or, il y a des riches qui sont du nombre de ceux qui ne sont pas amis de Dieu :

Donc il y a des riches qui ne sont point heureux.

Mais ce qui fait qu'il n'est pas nécessaire d'exprimer la mineure de cette sorte, et qu'on lui laisse l'apparence d'une proposition négative, c'est que c'est la même chose de dire négativement qu'un homme n'est pas ami de Dieu, et de dire affirmativement qu'il est non ami de Dieu, c'est-à-dire du nombre de ceux qui ne sont pas amis de Dieu.

EXEMPLE VI. Il y a beaucoup d'arguments semblables dont toutes les propositions paraissent négatives, et qui néanmoins sont très bons, parce qu'il y en a une qui n'est négative qu'en apparence, et qui est affirmative en effet, comme nous venons de le faire voir, et comme on verra encore par cet exemple :

Ce qui n'a point de parties ne peut périr par la dissolution de ses parties:

Notre âme n'a point de parties:

Donc notre âme ne peut périr par la dissolution de ses parties.

Il y a des gens qui apportent ces sortes de syllogismes pour montrer que l'on ne doit pas prétendre que cet axiome de la logique, On ne conclut rien de pures négatives, soit vrai généralement et sans distinction: mais ils n'ont pas pris garde que, dans le sens, la mineure de ce syllogisme et autres semblables est affirmative, parce que le milieu, qui est le sujet de la majeure, en est l'attribut; or, le sujet de la majeure n'est pas ce qui a des parties, mais ce qui n'a point de parties; et ainsi le sens de la mineure est : notre âme est une chose qui n'a point de parties; ce qui est une proposition affirmative d'un attribut négatif.

Ces mêmes personnes prouvent encore que les arguments négatifs sont quelquefois concluants, par ces exemples: Jean n'est pas raisonnable: donc il n'est point homme. Nul animal ne voit : donc nul homme ne voit. Mais elles devaient considérer que ces exemples ne sont que des enthymèmes, et que nul enthymème ne conclut qu'en vertu d'une proposition sous-entendue, et qui par conséquent doit être dans l'esprit, quoiqu'elle ne soit pas exprimée; or, dans l'un et l'autre de ces exemples, la proposition sous-entendue est nécessairement affirmative. Dans le premier, celle-ci : Tout homme est raisonnable: Jean n'est point raisonnable: donc Jean n'est point homme; et, dans l'autre : Tout homme est ani

mal: nul animal ne voit: donc nul homme ne voit; or, on ne peut pas dire que ces syllogismes soient de pures négatives, et, par conséquent, les enthymèmes, qui ne concluent que parce qu'ils enferment ces syllogismes entiers dans l'esprit de celui qui les fait, ne peuvent être apportés en exemple, pour faire voir qu'il y a quelquefois des arguments de pures négatives qui concluent.

CHAPITRE X.

Principe général par lequel, sans aucune réduction aux figures et aux modes, on peut juger de la bonté ou du défaut de tout syllogisme.

Nous avons vu comme on peut juger si les arguments complexes sont concluants ou vicieux, en les réduisant à la forme des arguments plus communs, pour en juger ensuite par les règles communes; mais comme il n'y a point d'apparence que notre esprit ait besoin de cette réduction pour faire ce jugement, cela a fait penser qu'il fallait qu'il y eût des règles plus générales, sur lesquelles même les communes fussent appuyées, par où l'on reconnût plus facilement la bonté ou le défaut de toutes sortes de syllogismes et voici ce qui en est venu dans l'esprit.

Lorsqu'on veut prouver une proposition dont la vérité ne paraît pas évidemment, il semble que tout ce qu'on a à faire soit de trouver une proposition plus connue qui confirme celle-là, laquelle, pour cette raison, on peut appeler la proposition contenante. Mais, parce qu'elle ne peut pas la contenir expressément et dans les mêmes termes, puisque, si cela était, elle n'en serait point différente, et ainsi elle ne servirait de rien pour la rendre plus claire, il est nécessaire qu'il y ait encore une autre proposition qui fasse voir que celle que nous avons appelée contenante contient en effet celle que l'on veut prouver; et celle-là peut s'appeler applicative.

Dans les syllogismes affirmatifs, il est souvent indifférent laquelle des deux on appelle contenante, parce qu'elles contiennent toutes deux, en quelque sorte, la conclusion, et qu'elles servent mutuellement à faire voir que l'autre la contient.

Par exemple, si je doute si un homme vicieux est malheureux, et que je raisonne ainsi :

Tout esclave de ses passions est malheureux :

Tout vicieux est esclave de ses passions:

Donc tout vicieux est malheureux,

quelque proposition que vous preniez, vous pourrez dire qu'elle

contient la conclusion, et que l'autre le fait voir; car la majeure la contient, parce qu'esclave de ses passions contient sous soi vicieux; c'est-à-dire que vicieux est renfermé dans son étendue, et est un de ses sujets, comme la mineure le fait voir : et la mineure la contient aussi, parce qu'esclave de ses passions comprend, dans son idée, celle de malheureux, comme la majeure le fait voir. Néanmoins, comme la majeure est presque toujours plus générale, on la regarde d'ordinaire comme la proposition contenante, et la mineure comme applicative.

Pour les syllogismes négatifs, comme il n'y a qu'une proposition négative, et que la négation n'est proprement enfermée que dans la négation, il semble qu'on doive toujours prendre la proposition négative pour la contenante, et l'affirmative pour l'applicative seulement, soit que la négative soit la majeure, comme en Celarent, Ferio, Cesare, Festino; soit que ce soit la mineure, comme en Camestres et Baroco.

Car si je prouve par cet argument que nul avare n'est heureux, Tout heureux est content:

Nul avare n'est content:

Donc nul avare n'est heureux,

il est plus naturel de dire que la mineure, qui est négative, contient la conclusion qui est aussi négative; et que la majeure est pour montrer qu'elle la contient car cette mineure, nul avare n'est content, séparant totalement content d'avec avare, en sépare aussi heureux, puisque, selon la majeure, heureux est totalement 'enfermé dans l'étendue de content.

Il n'est pas difficile de montrer que toutes les règles que nous avons données ne servent qu'à faire voir que la conclusion est contenue dans l'une des premières propositions, et que l'autre le fait voir; et que les arguments ne sont vicieux que quand on manque à observer cela, et qu'ils sont toujours bons quand on l'observe. Car toutes ces règles se réduisent à deux principales, qui sont le fondement des autres : l'une, que nul terme ne peut être plus général dans la conclusion que dans les prémisses; or, cela dépend visiblement de ce principe général, que les prémisses doivent contenir la conclusion: ce qui ne pourrait pas être si, le même terme étant dans les prémisses et dans la conclusion, il avait moins d'étendue dans les prémisses que dans la conclusion; car le moins général ne contient pas le plus général, quelque homme ne contient pas tout homme.

L'autre règle générale est, que le moyen doit être pris au moins une fois universellement ; ce qui dépend encore de ce principe, que la conclusion doit être contenue dans les prémisses. Car, supposons que nous ayons à prouver que quelque ami de Dieu est pauvre, et que nous nous servions pour cela de cette proposition, quelque saint est pauvre, je dis qu'on ne verra jamais évidemment que cette proposition contient la conclusion, que par une autre proposition où le moyen, qui est saint, soit pris universellement; car, il est visible qu'afin que cette proposition, quelque saint est pauvre, contienne la conclusion, quelque ami de Dieu est pauvre, il faut et il suffit que le terme quelque saint contienne le terme quelque ami de Dieu, puisque pour l'autre elles l'ont commun. Or, un terme particulier n'a point d'étendue déterminée; il ne contient certainement que ce qu'il enferme dans sa compréhension et dans son idée.

Et par conséquent, afin que le terme quelque saint contienne le terme quelque ami de Dieu, il faut qu'ami de Dieu soit contenu dans la compréhension de l'idée de saint.

Or, tout ce qui est contenu dans la compréhension d'une idée en peut être universellement affirmé; tout ce qui est enfermé dans la compréhension de l'idée de triangle, peut être affirmé de tout triangle; tout ce qui est enfermé dans l'idée d'homme, peut être affirmé de tout homme, et, par conséquent, afin qu'ami de Dieu soit enfermé dans l'idée de saint, il faut que tout saint soit ami de Dieu; d'où il s'ensuit que cette conclusion, quelque ami de Dieu est pauvre, ne peut être contenue dans cette proposition, quelque saint est pauvre, où le moyen saint est pris particulièrement, qu'en vertu d'une proposition où il soit pris universellement, puisqu'elle doit faire voir qu'un ami de Dieu est contenu dans la compréhension de l'idée de saint: c'est ce qu'on ne peut montrer qu'en affirmant ami de Dieu de saint pris universellement, tout saint est ami de Dieu; et par conséquent nulle des prémisses ne contiendrait la conclusion, si le moyen étant pris particulièrement dans l'une des propositions, il n'était pris universellement dans l'autre : ce qu'il fallait démontrer 84.

CHAPITRE XI.

Application de ce principe général à plusieurs syllogismes qui paraissent embarrassés.

Sachant donc, par ce que nous avons dit dans la seconde partie, ce que c'est que l'étendue et la compréhension des termes, par où

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