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INTRODUCTION.

I.

ANTOINE ARNAULD, né à Paris le 6 février 1612, était le vingtième enfant d'un avocat du même nom qui avait plaidé en 1594, au parlement de Paris, la cause de l'Université contre les Jésuites. L'exemple de son père et ses goûts le portaient à suivre la carrière du barreau; mais il en fut détourné par l'abbé de Saint-Cyran, directeur de l'abbaye de PortRoyal et ami de sa famille, qui le décida à embrasser l'état ecclésiastique. Après de fortes études de théologie, où il se pénétra des sentiments de saint Augustin sur la grâce, il fut admis en 1643 au nombre des docteurs de la maison de Sorbonne. La même année vit paraître son traité de la Fréquente Communion; mais ce livre dont l'austérité formait un contraste remarquable avec la morale indulgente des Jésuites, souleva des haines si puissantes que, malgré l'appui de l'Université, du parlement et d'une partie de l'épiscopat, l'auteur dut céder à l'orage et se cacher comme un fugitif. A partir de ce moment, objet d'inimitié pour les uns et d'admiration pour les autres, mêlé activement aux querelles théologiques que les doctrines de Jansénius provoquèrent en France, la vie d'Arnauld fut celle d'un chef de parti et se passa dans la lutte, dans la persécution et dans l'exil. En 1656, la Sorbonne gagnée par les 429114

ARNAULD,

a

pour

intrigues de ses ennemis, eut la faiblesse de l'effacer du rang des docteurs, au mépris de toutes les formes légales, avoir avancé cette proposition janséniste, que les Pères de l'Église nous montrent, dans la personne de saint Pierre, un juste à qui la grâce, sans laquelle on ne peut rien, a manqué. Une transaction entre les partis, conclue en 1668 sous le nom de paix de Clément IX, lui procura quelques instants d'un repos glorieux, qu'il employa à défendre la cause de l'orthodoxie catholique contre les ministres Claude et Jurieu; mais en 1679, de nouvelles persécutions de la part de l'archevêque de Paris, François de Harlay, les rigueurs exercées contre Port-Royal et les craintes personnelles qu'il inspirait à Louis XIV, l'obligèrent à quitter la France. Il se rendit d'abord à Mons, puis à Gand, à Bruxelles, à Anvers, cherchant de ville en ville une retraite qu'il n'y trouvait pas, et malgré son grand âge, ses infirmités et les périls de cette vie errante, ne cessant pas d'écrire et de combattre. Il est mort à Liége le 8 août 1694 à l'âge de quatre-vingt-trois ans1.

Par le nombre de ses ouvrages, par l'étendue de son savoir théologique, par la fermeté indomptable de son caractère et la pureté de ses mœurs, Arnauld est une des gloires de l'Eglise gallicane; mais ce n'est pas le héros du Jansénisme et de Port-Royal, l'adversaire intrépide des Jésuites et de la Réforme que nous avons ici à considérer, c'est le penseur, le disciple exact ou l'émule judicieux

(1) Une édition des OEuvres d'Arnauld a été publiée à Lausanne, 1775-1781, en quarante-deux volumes in-4o, auxquels il faut joindre deux volumes du Traité de la Perpétuité de la Foi et un volume de la vie de l'auteur.

Vainement dira-t-on que la théorie de Malebranche fait mieux voir qu'aucune autre combien notre esprit est dépendant de Dieu, et combien il doit lui être uni; loin d'avoir cette portée et cet avantage, elle fournirait plutôt

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trefois bien étudié, et qui était aussi habile en sculpture, avait un si grand amour pour saint Augustin que, s'entretenant un jour avec un de ses amis, il lui témoigna qu'une des choses qu'il souhaiterait plus ardemment serait de savoir au vrai, si cela se pouvait, comment était fait ce grand saint. - Car vous savez, lui dit-il, que nous autres peintres désirons passionnément d'avoir les visages au naturel des personnes que nous aimons. Cet ami trouva comme lui cette curiosité fort louable, et il lui promit de chercher quelque moyen de le contenter sur cela. Et, soit que ce fût pour se divertir ou qu'il eût eu quelque autre dessein, il fit apporter le lendemain, chez le peintre, un grand bloc de marbre, une grosse masse de fort belle cire, et une toile pour peindre (car, pour une palette chargée de couleurs et de pinceaux, il s'attendit bien qu'il y en trouverait). Le peintre étonné lui demanda à quel dessein il a fait apporter tout cela chez lui : C'est, lui dit-il pour vous contenter dans le désir que vous avez de savoir comment était saint Augustin, car je vous donne par là le moyen de le savoir. Et comment cela? repartit le peintre. C'est, lui dit son ami, que le véritable visage de ce saint est certainement dans ce bloc de marbre aussi bien que dans ce morceau de cire; vous n'avez seulement qu'à en ôter le superflu, ce qui restera vous donnera une tête de saint Augustin tout-à-fait au naturel; et il vous sera aussi bien aisé de la mettre sur votre toile en y appliquant les couleurs qu'il faut. Vous vous moquez de moi, dit le peintre; car je demeure d'accord que le vrai visage de saint Augustin est dans ce bloc de marbre et dans ce morceau de cire, mais il n'y est pas d'une autre manière que cent mille autres. Comment voulez-vous donc qu'en taillant ce marbre pour en faire le visage d'un homme et travaillant sur cette cire dans ce même dessein, le visage que j'aurai fait au hasard soit plutôt celui de ce saint que quelqu'un de ces cent mille qui sont aussi bien que lui dans ce marbre et dans cette cire? Mais, quand par hasard je le rencontrerais, ce qui est un cas moralement impossible, je n'en serais pas plus avancé; car, ne sachant point du tout comment était fait saint Augustin, il serait impossible que je susse si j'aurai bien rencontré ou non. Et il en est de même du visage que vous voudriez que je misse sur cette toile. Le moyen que vous me donnez pour savoir au vrai comment était fait saint Augustin est donc tout-à-fait plaisant ; car c'est un moyen qui suppose que je le sais et qui ne me peut servir de rien

à l'homme une occasion de s'attacher avec moins de scrupule aux choses matérielles. Si nous voyons le Créateur quand nous voyons les créatures, la recherche des créatures est une aspiration vers l'être infini. Cette curiosité vague et inquiète qui nous promène d'un objet à l'autre, et que saint Augustin et les Pères ont si énergiquement condamnée, devient légitime puisqu'elle a pour fin des choses qu'on ne peut voir sans découvrir Dieu même. Il n'est pas jusqu'aux occupations les plus frivoles dont Dieu ne soit le terme immédiat et qui par conséquent ne se trouvent en quelque sorte divinisées. Toutes les notions de la piété sont perverties, et une excuse facile est offerte aux égarements du cœur et de la raison 1.

Pressé par une expérience infaillible, Malebranche accorde que nous ne voyons en Dieu ni notre âme, ni les âmes des autres hommes; mais cette concession au bon sens et à la vérité n'est qu'une inconséquence qui trahit de nouveau le vice général du système. Dieu renferme en lui l'idée de l'âme comme l'idée de l'étendue, et la première est même beaucoup plus intelligible que la seconde. Si donc la pensée divine est le centre où nous apercevons celle-ci, nous devons y apercevoir celle-là, ou bien nous n'y découvrons ni l'une ni l'autre. Il sert peu de soutenir, pour éviter la contradiction, que la vision en Dieu n'existe que pour les choses connues avec clarté, et que

si je ne le sais. Vous vous étonnez, reprit l'ami, de l'invention que je vous ai donnée pour vous faire avoir le visage de saint Augustin au naturel. Je n'ai fait en cela que ce qu'a fait lauteur de la Recherche de la Vérité pour nous faire avoir la connaissance des choses matérielles. » Des vraies et des fausses Idées, ch. xv.

(1) Des vraies et des fausses Idées, ch. xix.

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