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CHAPITRE PREMIER.

VOIE DIPLOMATIQUE.

De la part du pays qui livre l'individu réclamé, l'extradition est un acte de souveraineté. C'est donc seulement au gouvernement, chargé de la garde et de l'exercice du droit de souveraineté, qu'il appartient d'autoriser une telle mesure; c'est à lui que la demande d'extradition doit être adressée par le pays réclamant. Il ne peut être saisi de cette requête que par le gouvernement de l'autre pays; car des agents inférieurs du pouvoir exécutif ou judiciaire ne sauraient avoir qualité pour entrer en relations avec un gouvernement étranger, et provoquer de sa part un acte de souveraineté. Les rapports s'établissent directement entre les gouvernements des deux pays. Or, il n'existe, entre deux gouvernements, qu'un mode de communication: c'est la voie diplomatique.

La nature seule de l'extradition indique donc que toute procédure qui s'y rapporte doit être suivie par cette voie.

La règle est plus évidente encore, si les deux pays sont liés par une convention d'extradition. Dans ce cas, l'un des deux demande à l'autre l'exécution d'un traité diplomatique. De tels rapports ne peuvent s'établir qu'entre les deux parties qui ont contracté, c'est-à-dire, entre les deux gouvernements, et par la seule voie ouverte à cet effet, par la voie diplomatique.

On pourrait concevoir, cependant, que les gouvernements se fussent déchargés de ces attributions, et eussent confié à certains magistrats des deux pays, par une délégation expresse, la recherche et la remise des malfaiteurs réclamés. Mais cette manière de procéder eût fait disparaître des garanties importantes. Lorsqu'une demande d'extradition est formée par la voie diplomatique, la responsabilité du gouvernement se trouve directement engagée; il a dû peser les conséquences de sa demande, les charges qui s'élevaient contre l'individu poursuivi, l'utilité qui s'attache à la répression. Le gouvernement requis est ainsi assuré que la pour

suite est sérieuse, qu'elle est exercée par un pouvoir compétent, et qu'un intérêt réel a dicté la demande; il a, de plus, un répondant pour se couvrir, si, en raison de la nationalite de l'individu poursuivi, l'extradition vient à soulever ultérieurement les réclamations d'un pays tiers. Enfin, si quelque difficulté s'élève sur l'interprétation du traité, les deux parties contractantes sont en présence, et peuvent fixer, par une négociation spéciale, le sens et la portée de la stipulation controversée.

Ces considérations suffisent pour justifier l'emploi de la voie diplomatique pour les relations qui s'établissent, en cette matière, entre deux pays. Aussi ce mode de procéder est-il de règle, nonseulement pour la demande d'extradition proprement dite, mais pour toutes les communications qui s'y rapportent commissions rogatoires, transmissions de renseignements, demandes de transit,... etc.

Tous les traités conclus par la France, depuis 1838, consacrent ce principe par une mention spéciale. Les conventions négociées avec la Suisse (1828) et la Belgique (1834), ne contenaient aucune stipulation formelle à cet égard; néanmoins, l'application en a toujours été faite par la voie diplomatique. Dans les traités ultérieurs, la règle fait l'objet d'une clause expresse.

Voici la formule la plus usitée : « La demande d'extradition devra toujours être faite par la voie diplomatique. >>

La rédaction suivante a été admise dans les conventions, de 1843, avec l'Angleterre et les États-Unis : « Il est convenu que les H. P. C., sur les réquisitions faites en leur nom par l'intermédiaire de leurs agents diplomatiques respectifs, seront tenues de livrer en justice les individus... »

Dans le traité avec le Chili (1860), la règle est ainsi formulée : « L'extradition devra se demander, par l'intermédiaire de l'agent diplomatique ou consul général, que chacun des deux gouvernements aura accrédité auprès de l'autre. » Pendant un certain temps, la France n'a pas eu de légation au Chili, et y a été représentée par un consul général, chargé d'affaires, c'est-à-dire, ayant le caractère d'agent diplomatique.

La convention avec Francfort (1853) porte seulement : « L'extradition aura lieu sur la demande que l'un des deux gouvernements adressera à l'autre. » On sait que les communications entre gouvernements se font par la voie diplomatique.

La même règle est écrite dans les lois spéciales que certains

pays ont édictées, pour réglementer les droits et les obligations des divers pouvoirs intérieurs, en matière d'extradition.

Aux Pays-Bas, la loi du 18 août 1849 (art. 7) ne permet l'arrestation et l'extradition d'un étranger que sur la demande du gouvernement d'un pays étranger.

En Angleterre, l'article 7 de l'Acte d'extradition de 1870 porte: « La demande d'extradition d'un malfaiteur fugitif d'un État étranger, qui se trouve, ou que l'on suppose être, dans le RoyaumeUni, devra être adressée à un secrétaire d'État par un fonctionnaire reconnu par le secrétaire d'État comme représentant diplomatique dudit État étranger,... » etc.

En France, la règle est clairement énoncée dans la circulaire ministérielle du 5 avril 1841, adressée aux procureurs généraux: « C'est au gouvernement seul à agir; il ne vous est pas permis, en cette matière, de vous entendre, sous aucun prétexte, avec les agents des Puissances étrangères; vous ne pouvez pas non plus vous adresser directement aux autorités judiciaires des pays voisins, pour obtenir l'extradition; vous pouvez correspondre seulement avec les magistrats étrangers pour avoir des renseignements. >> Il est à peine besoin d'ajouter, que la correspondance, dont il est fait mention dans cette dernière phrase, ne peut avoir qu'un caractère officieux, et que les magistrats étrangers ne sont nullement tenus de s'y prêter.

A côté des avantages qui sont attachés à l'emploi de la voie diplomatique, se trouvent aussi certains inconvénients. Il est nécessaire, pour s'en rendre compte, d'examiner les conséquences de ce mode de procéder. C'est au moment même où l'inculpé a pris la fuite, ou bien, au moment où sa retraite est découverte, qu'il importe, pour assurer le succès des poursuites, de se mettre sur ses traces, et de le faire arrêter. Il y aurait donc intérêt à ce que le magistrat instructeur, au premier indice, pût s'adresser directement aux autorités du pays où le prévenu s'est réfugié, et provoquer son arrestation immédiate. Mais ce magistrat n'est pas autorisé à formuler une requête de cette nature, et de telles communications doivent se faire par la voie diplomatique. La demande est adressée au ministre de la justice, qui la communique au ministre des affaires étrangères; celui-ci la transmet à l'agent diplomatique accrédité auprès du gouvernement du pays de refuge; une fois parvenue à ce gouvernement, la requête passera par une filière analogue, avant de parvenir à l'autorité chargée d'en assurer

l'exécution. Ces transmissions successives ne peuvent s'effectuer sans un délai assez long, qui, dans certains cas, compromettra le succès de la procédure, et donnera au coupable le temps de se soustraire aux recherches par une nouvelle fuite. Lorsque nous nous occuperons de l'arrestation provisoire, nous indiquerons jusqu'à quel point ces invénients ont pu être atténués.

Cette cause de retard, inhérente à l'emploi de la voie diplomatique, devient surtout sensible, lorsqu'une question d'extradition s'agite entre deux colonies éloignées toutes deux de la métropole.

Supposons que la France ait à demander à l'Angleterre la remise d'un malfaiteur poursuivi dans la Martinique, et réfugié dans la Dominique. La procédure doit-elle être suivie par la voie diplomatique? Voici alors comment les choses vont se passer: Le gouverneur de la Martinique enverra la demande, à Paris, au ministre des colonies, qui la communiquera à son collègue des affaires étrangères; celui-ci l'enverra à l'ambassadeur de France à Londres, qui la remettra au gouvernement anglais; les autorités anglaises la feront parvenir au gouverneur de la Dominique, auquel il appartient d'y donner la suite qu'elle comporte. La réponse devra passer par les mêmes intermédiaires, et refaire, à l'inverse, le même voyage, pour arriver au gouverneur de la Martinique. Ces transmissions successives ne pourront être effectuées sans un délai de plusieurs mois. Il est donc à craindre que le fugitif ne mette ce temps à profit pour quitter son premier refuge et disparaître.

L'emploi de la voie diplomatique offre donc des inconvénients réels, et risque de compromettre le résultat de la procédure, lorsqu'il s'agit d'un malfaitenr réfugié dans une colonie située loin de la métropole. Cependant, les raisons, qui ont fait admettre ce mode de procéder, subsistent comme dans l'hypothèse ordinaire. La règle est générale et s'applique à tous les cas, à moins de stipulation contraire.

La plupart des traités conclus par la France ne font aucune mention des colonies. Cependant, en fait, le gouvernement français n'a jamais hésité à en étendre l'application aux possessions coloniales françaises, et a toujours obtenu la réciprocité des gouvernements étrangers.

Les seules conventions, qui contiennent une clause spéciale aux colonies, sont les conventions conclues avec les Deux-Siciles (1850), l'Espagne (1850), Parme (1856), la Belgique (1869),

la Bavière (1869), les États de Suède et Norvége (1869), la Suisse (1870) et l'Italie (1870). A.cette liste on peut ajouter encore les conventions conclues, en 1843, avec l'Angleterre et les ÉtatsUnis, qui accordent l'extradition pour les crimes « commis dans la juridiction de la partie requérante » : de cette clause il résulte, évidemment, que les crimes commis dans les colonies respectives tombent sous l'application de ces traités. Aucune des conventions, qui viennent d'être citées, n'a créé un mode de procéder spécial pour les colonies. La règle générale reste donc applicable, et la procédure doit toujours être suivie par la voie diplomatique.

Un seul arrangement est intervenu, pour obvier aux inconvénients que l'application de la règle générale entraîne, lorsque la question d'extradition se pose entre deux colonies, rapprochées l'une de l'autre, éloignées toutes deux de la mère-patrie: c'est une convention additionnelle, signée à la Haye, le 3 août 1860, entre les Pays-Bas et la France. En voici les principales stipulations:

« ART. 1er. Les gouvernements de France et des Pays-Bas s'engagent, par la présente convention, à se livrer réciproquement, dans les cas et aux conditions fixés par la convention du 7 novembre 1844 et la convention du 2 août 1860, et sauf les stipulations contenues dans les articles suivants, les malfaiteurs réfugiés des possessions néerlandaises, aux Indes-Occidentales, dans les possessions françaises de ces parages, et des possessions françaises, aux Indes-Occidentales, dans les possessions néerlandaises de ces parages.

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« ART. 2. L'extradition aura lieu sur la demande que le gouverneur de l'une des colonies respectives adressera directement au gouverneur de l'autre, lequel aura le droit, soit de l'accorder immédiatement, soit d'en référer à son gouvernement.

« Le principe de communication directe entre les gouverneurs des colonies respectives, au lieu de l'emploi de la voie diplomatique, sera également applicable aux cas prévus par les articles 7 et 9 de la convention du 7 novembre 1844 et les articles 1 et 2 de la convention additionnelle du 2 août 1860...... >>

Cette convention est destinée à réglementer l'extradition entre les Guyanes française et hollandaise. La Guyane française est une colonie pénitentiaire; par suite de la liberté relative, laissée aux transportés, il s'y produit de fréquentes évasions, et les fugitifs cherchent à gagner la Guyane hollandaise. On comprend, dès lors, l'intérêt commun des deux colonies à remé

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