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sont d'un ordre d'idées différent, et n'ont entre elles aucune connexité.

Il peut arriver, par exemple, que le bénéfice de la prescriptionpénale soit acquis à la personne réclamée, ou que l'extradition de cette personne soit demandée à la fois par plusieurs gouvernements, ou qu'elle soit l'objet de poursuites dans le pays requis. Prescription, concours de demandes d'extradition, poursuites dans le pays de refuge : voilà des faits qui peuvent s'opposer à ce que la remise d'un malfaiteur étranger soit autorisée.

A l'étude de ces trois causes de refus, nous ajouterons l'examen d'une autre question, celle de savoir si la remise d'un malfaiteur doit être accordée pour des actes commis antérieurement à la signature du traité d'extradition, en d'autres termes, s'il faut donner au traité un effet rétroactif : il y a peut-être là les éléments d'une quatrième cause de refus d'extradition.

§ 4er.

Prescription.

En droit criminel, la prescription est une cause d'extinction des droits d'action et d'exécution.

Après un certain temps écoulé depuis que l'infraction a été commise, l'inculpé se trouve à l'abri de toute poursuite; il jouit de ce bénéfice qu'on nomme prescription de l'action publique.

Après un certain temps écoulé depuis que la condamnation est devenue irrévocable, la peine ne peut plus être exécutée; le condamné est couvert par la prescription de la peine.

Qu'il s'agisse de la prescription de l'action publique, ou de la prescription de l'exécution publique, l'individu, fondé à en réclamer le bénéfice, échappe aux effets des poursuites ou de la condamnation. Il ne saurait, dès lors, être l'objet d'une mesure d'extradition pour les faits qui ont motivé les poursuites ou la condamnation. A quel titre un pays demanderait-il la remise d'un individu coupable ou réputé coupable d'une infraction, mais à l'égard duquel les autorités judiciaires et administratives sont désarmées? A quel titre le pays de refuge livrerait-il un étranger qni ne tombe sous l'application d'aucune loi pénale?

Le principe est donc incontestable: il suffit qu'il soit énoncé,

pour être admis l'extradition ne peut avoir lieu si la prescription est acquise à l'étranger.

La difficulté naît au moment de l'application, c'est-à-dire lorsqu'il s'agit de reconnaître si la prescription est acquise à l'individu réclamé.

La prescription est accomplie au bout d'un certain temps écoulé depuis que l'infraction a été commise, ou depuis que la condamnation est devenue irrévocable. Mais le laps de temps nécessaire pour la prescription n'est pas déterminé par une règle fixe, qui s'impose à toutes les nations, ou que toutes les nations aient admise d'un commun accord. Ce délai varie selon les époques, selon les peuples, selon les législations. Or, il ne faut pas oublier que l'individu, qui cherche à se prévaloir de la prescription, est réfugié dans un pays autre que celui où l'infraction a été commise ou la condamnation prononcée. Si la prescription est régie par les mêmes règles dans les deux pays, pas de difficulté. Mais il arrivera souvent que les délais ne seront pas les mêmes dans les deux États, et que la prescription acquise dans l'un ne le sera pas dans l'autre; le point de départ des délais peut être fixé différemment dans les deux pays. Alors se pose la question de savoir à quelle législation le gouvernement requis doit se reporter, pour décider si l'individu réclamé est, ou non, libéré par la prescription, s'il est, ou non, passible d'extradition.

La difficulté se complique encore, si, pendant le laps de temps écoulé depuis l'infraction ou depuis la condamnation, il est intervenu des actes interruptifs de la prescription. Aucune règle générale ne saurait être invoquée dans cette matière, dont la réglementation peut différer avec chaque législation. Rien n'empêche de concevoir une législation qui ne reconnaisse, pour la prescription, aucune cause d'interruption. Plus aisément encore admettra-t-on que des divergences puissent exister entre les législations, relativement au caractère des actes susceptibles d'éteindre l'action publique ou le droit d'exécution. Il convient de remarquer, en outre, que, dans l'espèce, les actes interruptifs de la prescription n'ont pu être accomplis que dans le pays requérant. --Cela posé, à quel point de vue le pays requis se placera-t-il pour décider, si l'individu réclamé est fondé à se prévaloir de la prescription? Devra-t-il apprécier, d'après sa propre législation ou d'après celle du pays requérant, les arguments produits pour prouver que la prescription est ou n'est pas accomplie?

La question ne laisse pas que d'être délicate.

Pour la résoudre, il est nécessaire de rappeler quelle est exactement la nature de la prescription, et pour quels motifs l'action publique ou le droit d'exécution publique est éteint au bout d'un certain temps écoulé. Nous arriverons de la sorte à déterminer le milieu dans lequel la prescription peut subsister, et les conditions sans lesquelles elle n'a plus de raison d'être. La solution à trouver découlera tout naturellement de cette étude.

On a dit, pour justifier la prescription, qu'après un certain temps, la découverte de la vérité serait difficile et incertaine, à cause de la disparition des éléments de preuve de la culpabilité et de la non-culpabilité; qu'il valait mieux, dans cet état de choses, renoncer au droit de punir, que de s'exposer à l'exercer à tort. Ces considérations qui, d'ailleurs, ne sont pas applicables à la prescription de la peine, ne suffisent pas même à motiver la prescription de l'action publique; car cette prescription s'acquiert même, lorsqu'il s'agit d'infractions constatées par des procèsverbaux revêtus de la force probante, c'est-à-dire lors même que des preuves certaines du délit existent.

On a ajouté que le coupable est suffisamment puni, et qu'il a dû largement expier sa faute par les remords et les appréhensions qu'il a éprouvés durant le délai de la prescription. Une telle explication peut être accueillie par la morale et la charité chrétienne, mais ne satisfait pas la science.

De l'avis de tous les philosophes et de tous les criminalistes, la seule vraie raison de la prescription consiste dans le changement que le temps écoulé apporte à l'état des choses.

Quel est, en effet, le fondement légitime du droit de punir, que la société s'attribue? C'est l'intérêt de conservation sociale. La société n'a le droit de punir que si sa propre conservation y est intéressée. «< Tout châtiment, dont la nécessité n'est point absolue, devient tyrannique », a dit Montesquieu; et Beccaria a généralisé cette pensée, en écrivant : « Tout acte d'autorité exercé par un homme sur un autre homme est tyrannique, s'il n'est pas absolument nécessaire. » Ainsi, un individu coupable, ou soupçonné de l'être, ne peut être puni ou poursuivi, que si la nécessité ou l'utilité sociale le commande.

Cette condition est-elle remplie en cas de prescription? Un long temps s'est écoulé depuis que l'infraction a été commise; le souvenir en est perdu; le besoin de l'exemple a disparu; l'utilité de

la répression n'existe plus; une arrestation, des poursuites, des débats, risqueraient de réveiller, au détriment de la morale publique, un scandale oublié ou inconnu. En un mot, il n'y a plus, pour la société, nécessité ni intérêt à rechercher et à punir le coupable. Le droit de punir est donc éteint : « Effet inévitable de la marche successive des heures, qu'il n'est donné à aucun législateur de méconnaître, qui modifie ou fait disparaître les nécessités ou utilités publiques, les souvenirs humains, les éléments de preuve, et qui fait tomber des mains de la société le droit de punir, parce qu'elle fait évanouir l'intérêt social à la punition! » (Ortolan, Éléments de droit pénal, t. II, liv. I, chap. iv.)

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Les motifs de la prescription ainsi établis, examinons les conséquences qui en résultent dans les rapports de la prescription avec l'extradition.

Soit un réfugié, dont l'extradition est demandée, et qui invoque la prescription. Les délais fixés pour cette prescription ne sont pas les mêmes dans le pays requis et dans le pays requérant; il peut arriver que le bénéfice en soit acquis à l'individu réclamé, d'après les lois de l'un des deux États, et ne le soit pas d'après les lois de l'autre. A quel point de vue doit se placer le pays requis, et quelle législation doit-il appliquer pour statuer sur la question de prescription, et, par suite, sur l'extradition qui en dépend?

Il n'est pas possible d'hésiter sur la réponse à cette question, si l'on a sous les yeux les motifs véritables de la prescription. Aucun des éléments constitutifs de ce mode de libération ne se rencontre dans le pays où le prévenu s'est réfugié. Est-ce dans ce pays que le souvenir de l'infraction s'est affaibli, à raison du laps de temps écoulé? La connaissance de l'infraction n'y est peut-être jamais parvenue; le souvenir n'a pas eu à s'en perdre. Est-ce là que le besoin de l'exemple a disparu? Il ne s'y est pas fait sentir. Est-ce là que l'utilité de la répression a existé? Non, sans doute, puisque l'infraction poursuivie y est probablement demeurée inconnue. Est-ce là que les éléments de preuve ont

pu disparaître? Pas davantage!

La prescription, telle qu'elle est réglée par la législation du pays de refuge, ne saurait donc, à aucun titre, être appliquée à l'individu réclamé : elle n'aurait pas de raison d'être.

En droit et en raison, c'est la prescription, telle qu'elle est déterminée par les lois du pays réclamant, qui est seule à considé

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rer en matière d'extradition. Là où l'infraction a été commise, là est né le droit de punir; là seulement le laps de temps peut anéantir ce droit. La prescription ne peut donc être un obstacle à l'extradition que si elle est acquise au réfugié, d'après la législation du pays requérant.

Bien que cette doctrine repose sur des principes incontestables, elle est loin d'être universellement reconnue. Elle n'est pas encore admise par la jurisprudence internationale, et la règle opposée y a prévalu. On lit, notamment, dans tous les traités négociés jusqu'à présent par la France, que l'extradition ne peut avoir lieu, si la prescription est acquise à l'individu réclamé d'après les lois du pays de refuge.

Comment se justifie une règle qui se trouve en si flagrante opposition avec la nature même de la prescription? En l'écrivant dans les traités, les plénipotentiaires ont dû céder à l'influence d'une raison plus spécieuse que fondée.

En principe, tout individu, qui ne tombe pas sous le coup de la loi pénale du pays de refuge, n'est point passible d'extradition. Que ce résultat soit dû à la qualité de la personne réclamée ou à la nature du fait incriminé, peu importe! Le pays de refuge ne doit pas livrer à la justice étrangère un individu qui ne serait pas punissable d'après la loi locale. Or, la prescription a précisément pour effet de soustraire le réfugié à l'action publique ou à l'exécution de la peine. Si la prescription est acquise à ce dernier, d'après la législation du pays de refuge, il ne tombe plus sous le coup de la loi locale, et ne peut, dès lors, être extradé. C'est donc au point de vue de sa propre législation que le pays requis doit se placer, pour apprécier si la prescription est acquise à l'individu réclamé.

Tel est le raisonnement qu'on fait valoir à l'appui de la règle admise en pratique. Nous en connaissons déjà la valeur. Il sert aux publicistes anglais pour démontrer que le réfugié doit jouir, dans le pays de refuge, de la même protection que le national, même lorsqu'il s'agit d'actes commis par lui à l'étranger. Les plénipotentiaires français l'ont également employé, lorsqu'ils cherchaient à faire prévaloir la règle, d'après laquelle le fait incriminé devrait être apprécié conformément à la législation du pays requis. L'erreur consiste toujours à vouloir appliquer les principes d'un droit spécial à une question qui y échappe par

sa nature.

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