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effet que celui en vue duquel il a été demandé et obtenu;

attendu

qu'on excipe vainement de cette circonstance que le traité de 1850 ne mentionnait que les attentats à la pudeur dont auraient été victimes les enfants de onze ans ; qu'en supposant que cette différence dans l'âge prévu au traité et l'àge énoncé dans la demande d'extradition pût faire admettre qu'il ne s'agit pas d'un même crime, l'extradition ne devrait pas moins produire effet; que le gouvernement qui fait arrêter sur son territoire le prévenu d'un crime commis sur un autre territoire et le livre à la Puissance qui le réclame pour le juger et le punir, use d'un droit qu'il puise dans sa propre souveraineté, et non dans les traités qu'il aurait pu conclure avec la Puissance à laquelle ce prévenu appartient; - que sans doute deux États peuvent s'engager à se livrer réciproquement ceux qui sont poursuivis pour crimes commis sur leurs territoires respectifs et déterminer les cas dans lesquels l'extradition devra être autorisée; mais que ces conventions ne peuvent faire obstacle à ce qu'elle soit accordée dans d'autres cas et pour d'autres crimes que ceux qui y sont spécifiés (1);

« Attendu, d'ailleurs, que des actes de cette nature, constituant des conventions appartenant au droit des gens et des actes de haute administration, généralement motivés sur des nécessités ou même de simples convenances internationales, échappent à toute appréciation et à tout contrôle de l'autorité judiciaire, qui n'a pas à s'enquérir des motifs qui ont déterminé l'extradition, lorsque, comme il a été dit, elle est appelée à connaître du crime même pour lequel l'extradition a eu lieu; — attendu qu'il ressort des motifs ci-dessus que la demande subsidiaire tendant à l'apport de l'acte d'extradition dont il s'agit est sans objet et qu'elle doit être rejetée, ainsi que le moyen principal auquel elle se rattache ; Rejette... etc. »>

Un autre arrêt de la Cour de cassation, du 25 juillet 1867 (affaire Faure de Montginot), rappelle « que les traités et conventions d'extradition sont des actes de haute administration, qui interviennent entre deux Puissances, et que, seules, lesdites Puissances peuvent expliquer ou interpréter, quand il y a lieu; mais qu'il appartient essentiellement à l'autorité judiciaire d'en faire l'application aux espèces, lorsque leur sens et leur portée sont clairs et ne présentent point d'ambiguité. »>

Nous arrêtons ici ces citations, qui démontrent suffisamment que la jurisprudence, comme la doctrine, admet que les tribunaux sont

(1) Cette argumentation se trouve être sans application dans l'espèce : par notes échangées à l'occasion de l'extradition du nommé Quesson, les deux gouvernements français et espagnol avaient modifié le traité du 26 août 1850, et fixé à treize ans au lieu de onze, la limite d'âge prévue par l'article 2, § 1.

incompétents pour annuler, apprécier ou interpréter les conventions d'extradition.

Cette règle est établie sur des bases inébranlables. Il ne faut pas craindre d'en pousser l'application à toutes ses conséquences.

§ 5.

Les questions d'extradition ne peuvent être une cause de sursis au jugement.

Voilà un corollaire de la règle précédente, corollaire qu'un certain nombre d'auteurs, à tort, selon nous, n'ont point osé reconnaître.

Au cours de l'instance, une objection est soulevée contre la validité ou la régularité de l'extradition. Le plus souvent, cette contestation vient de l'inculpé; et, alors, le tribunal a, pour la repousser, un premier motif que nous étudierons plus loin, le défaut de qualité de l'inculpé pour critiquer l'extradition. Mais, de quelque part que vienne l'objection, se fût-elle présentée spontanément à l'esprit des juges, nous estimons que le tribunal doit passer outre, et appliquer l'acte d'extradition dans les termes et dans les limites qui ont été indiqués par le pouvoir administratif. Des auteurs, en tête desquels il faut placer M. Faustin Hélie, enseignent un autre système. Voici comment s'exprime l'éminent jurisconsulte (1); il faut se rappeler qu'à l'époque où il écrivait, les crimes seuls pouvaient donner lieu à extradition, de sorte que tous les procès criminels, après extradition, venaient devant la Cour d'assises; ce qui est dit de la Cour d'assises devrait donc s'entendre aujourd'hui de tout autre tribunal :

« C'est donc devant la Cour d'assises seulement que doivent être proposées les exceptions élevées contre l'acte d'extradition. Mais cette Cour est-elle compétente pour statuer sur ces exceptions, pour apprécier les faits auxquels elles se rattachent? Cette question se résout par une distinction que nous allons essayer d'établir.....

« La Cour d'assises est investie en cette matière du même pouvoir qu'elle exercerait à l'égard d'une question préjudicielle dont le jugement appartiendrait à une autre juridiction. Elle doit donc examiner si l'exception est sérieuse, si elle est de nature à suspendre la mise en

(1) Traité de l'instruction criminelle, ch. v, § 136, p. 712 et 713.

jugement, si l'accusé est admissible à la faire valoir en sa faveur, si elle est proposée dans l'intérêt légitime de la défense. Toutes ces appréciations rentrent dans le cercle de sa compétence; elle peut donc, après avoir examiné la fin de non-recevoir, si elle la juge dénuée de fondement, passer outre au jugement.

<< Mais si, au contraire, cette exception lui paraît fondée, si le fait qui lui sert de base a un caractère grave et peut constituer une fin de nonrecevoir contre la mise en jugement, la Cour d'assises doit surseoir aux débats jusqu'à ce qu'il ait été statué par l'autorité compétente. Or, cette autorité compétente, c'est celle qui a consenti la convention, qu'il s'agit de restreindre ou d'étendre, c'est celle qui est investie du droit de faire les traités avec les Puissances étrangères; car, seule, elle peut, soit connaître la pensée qui a dicté la convention, soit provoquer les explications que la question incidente peut rendre nécessaires. »

Ainsi, la raison, qui devrait déterminer le tribunal à surseoir, c'est la nécessité de provoquer le pouvoir compétent à apprécier ou interpréter l'acte d'extradition. Cette nécessité n'existe pas. En remettant l'accusé au pouvoir judiciaire, l'administration a par là même attesté la validité et la régularité de l'extradition. De plus, elle a notifié au pouvoir judiciaire, s'il en a été besoin, les conditions et les réserves imposées par le gouvernement étranger. Le tribunal est assuré que l'extradition est valable et régulière; il connaît les limites dans lesquelles il doit renfermer son examen et son jugement. Dès lors, pourquoi se déciderait-il à surseoir? Pourquoi voudrait-il provoquer le gouvernement à une appréciation, à une interprétation qui a déjà été effectuée ?

Une autre raison, plus péremptoire encore, s'oppose à ce qu'il soit procédé à aucun sursis: c'est que la résolution de surseoir ne peut être prise que sur une appréciation, sur une interprétation de l'acte passé par le pouvoir exécutif pour l'extradition de l'accusé, et que, en vertu d'une règle incontestée, l'autorité judiciaire n'a pas qualité pour apprécier ou interpréter les actes de cette nature. Comment comprendre, en effet, que le pouvoir judiciaire se décide à recourir à la décision du pouvoir exécutif, s'il n'a commencé lui-même à poser, à discuter les clauses de la convention en vertu de laquelle la remise de l'accusé a été effectuée? Rappelons, en effet, que la ligne de conduite pour l'autorité judiciaire, en présence d'un extradé, est toute tracée, et n'offre jamais d'ambiguité. En principe, elle doit juger l'extradé sur tous les chefs d'accusation relevés à la charge de ce

dernier; elle n'a d'exception à faire que pour les chefs que le pouvoir exécutif indique comme étant réservés. Donc, si elle s'arrête à une objection de l'accusé, si elle hésite à statuer sur un chef qui n'a pas été formellement soustrait à sa connaissance, si elle décide qu'il y a lieu d'ajouter ou de retrancher aux réquisitions du ministère public, elle franchit les limites de sa compétence pour entrer sur le domaine du pouvoir exécutif. Et qu'on ne dise pas qu'elle ne commet aucun excès de pouvoir, qu'elle respecte les attributions du pouvoir exécutif, parce qu'elle lui réserve la décision à intervenir! Est-ce que cette décision n'est pas préjugée par le sursis lui-même ? Est-ce que le pouvoir exécutif n'a pas fait suffisamment connaître sa résolution, en livrant l'inculpé à l'autorité judiciaire, et en indiquant les réserves qu'il a cru bon de faire? Ce sursis n'est-il pas une invitation faite au pouvoir exécutif de s'adresser au gouvernement, qui a autorisé l'extradition, pour en mieux déterminer les conditions? N'est-ce pas une ingérence manifeste dans les attributions du pouvoir exécutif ? N'est-ce pas une violation flagrante des lois qui défendent aux juges de troubler, de quelque manière que ce soit, les opérations des corps administratifs, et de connaître des actes d'administration, de quelque espèce qu'ils soient?

C'est donc le principe même de la séparation des pouvoirs, qui s'oppose à ce que les tribunaux surseoient, pour qu'il soit statué par le pouvoir exécutif sur l'exception soulevée. La doctrine est aujourd'hui fixée à cet égard, et nous engageons le lecteur, pour compléter ce qui précède, à se reporter à la démonstration plus développée que M. Ducrocq a donnée de cette règle. (Théorie de l'extradition, p 38 et suiv.)

La thèse devait être d'autant plus rigoureusement établie, qu'elle avait contre elle, non-seulement l'autorité de quelques jurisconsultes, mais encore les premières décisions des tribunaux et de la chancellerie elle-même. M. Faustin Hélie cite un arrêt de la Cour de cassation, du 4 septembre 1840, décidant que la Cour d'assises doit surseoir quand l'exception préjudicielle, élevée contre l'acte d'extradition, touche à l'interprétation de la convention diplomatique en vertu de laquelle l'extradition a eu lieu. D'autre part, la circulaire ministérielle de 1841, s'appuyant sur le même arrêt, dit expressément : « Quand on soutient devant un tribunal, ou qu'une extradition est irrégulière, ou qu'elle est interprétée dans un sens, soit trop favorable, soit préjudiciable à l'inculpé, le

tribunal doit surseoir jusqu'à ce que le gouvernement ait fait connaître sa décision. "

Depuis lors, les vrais principes se sont dégagés de l'obscurité qui les enveloppait encore en 1841; la lumière s'est faite, et la jurisprudence s'est prononcée, en maintes occasions, dans le sens que nous avons indiqué.

Le premier acte, qui marque cette évolution, est un arrêt de la Cour de cassation, en date du 18 juillet 1851 (affaire Viremaitre). Nous y relevons le passage suivant :

« Attendu que, par le seul fait de la remise au gouvernement français de l'accusé extradé, les tribunaux français sont légalement investis du droit de prononcer sur l'accusation portée contre lui; - attendu qu'en rejetant, dans ces circonstances, la demande en sursis présentée par Viremaître et motivée sur l'illégalité prétendue par lui de son extradition, la Cour d'assises n'a point commis d'excès de pouvoir, ni violé les droits de la défense; qu'elle a fait au contraire une saine application des principes et des règles relatifs à l'extradition. >>

Dans un autre arrêt de la Cour suprême, rendu l'année suivante (23 décembre 1852, affaire Dareau), il est dit que l'extradé « est non recevable à arguer de nullité son extradition, et qu'en refusant de surseoir à son jugement pour ce motif, la Cour impériale d'Alger a fait une saine application des principes en cette matière. >>

Un arrêt de la Cour d'assises de la Vienne, du 3 décembre 1866 (affaire Sureau-Lamirande), que nous avons déjà cité, statue dans le même sens :

« Attendu néanmoins que, par des conclusions prises à l'audience de la Cour d'assises, les défenseurs de Sureau-Lamirande ont demandé à la Cour de prononcer la nullité de l'extradition dont l'accusé a été l'objet, et très-subsidiairement de surseoir au jugement de la cause jusqu'à ce qu'il ait été statué par qui il appartiendra sur la validité de cette extradition; attendu que, par le fait même de la remise d'un accusé à ses juges naturels, le gouvernement impérial consacre la régularité de son extradition; et que cette décision, qui rentre dans la compétence exclusive du pouvoir exécutif, ne peut être l'objet d'aucun recours; par ces motifs, la Cour rejette les conclusions tant principales que subsidiaires... »

Ces trois décisions sont positives et témoignent suffisamment de l'état dernier de la jurisprudence. Cependant, dans un cas particulier, la Cour de cassation a décidé récemment (25 juillet 1867,

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