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outrageusement (au fig., Beaum. à L., 2o ép., p. 35); patente (au sens de contribution, S. A.); réfractaire; résolution (proposition adoptée par l'Assemblée; Point du jour, 5 nov. 89); susceptible (homme d'une charge, A.); urgence (en termes législatifs S. A., Point du jour, 27 sept. 89).

Enfin un grand nombre d'expressions nouvelles se sont formées accusateur public, accusateurs nationaux (Const. de 1795, A); appel au peuple (Arch. parl., I, 594, 1); acte constitutionnel; bas clergé (trouvé indécent par Laharpe, L. rév.); biens nationaux (Aulard, Jac., I, 28); bureau central (S. A.); carte civique (Néol. fr.); carte de sûreté (S. A.); tribunal de cassation (Ib.); citoyen actif (Point du jour, 6 nov. 1789); convention nationale (Arch. parl., I, 587, 2 sept. 1789); comité révolutionnaire (S. A.); tribunal correctionnel (Ib.); grand juge militaire (Ib.); école normale, école polytechnique, État fédéral (Arch. parl., I, 595, 2; 7 sept. 89); haut juré (1791); haute cour de justice (Const. de 1795, S. A.); homme de loi (Ib.); inscription civique (Const. de 1791, S. A.); majorité simple (Point du jour, 27 nov. 89); à la lanterne (Chans. révol., d'où lanterner, lanternation); mandat impératif (8 juillet 1789); ordre du jour (Point du jour, 1er août 89, S. A.); procurateur de la nation (S. A.); question préalable (S. A., on dit aussi question préliminaire dans la séance du 14 sept. 1789, et le terme est encore expliqué dans le Point du jour du 15 sept.); serment civique (Arch. part., 31 mai 1790); visites domiciliaires (S. A.); veto suspensif (Point du jour, séance du 15 sept. 1789, Néol. fr., S. A.).

Le Dictionnaire. On avait offert au Comité d'instruction publique, le 11 pluviòse de l'an II, de publier une nouvelle édition du Dictionnaire de l'Académie. La proposition ne paraît pas avoir eu de suite immédiate. Grégoire et Coupé furent seulement chargés de voir le manuscrit. En l'absence de Marmontel, ce fut Morellet, secrétaire, qui envoya les cahiers, lesquels se composaient de feuilles du dictionnaire de 1762 annotées en marge, et de cahiers d'observations détachées. Le

1. Guil., Prov. v. C. I. p. Conv., III, 874.

2. On trouve dans Guillaume (Ib., II, 326) des lettres de Morellet relatives à cet envoi. Dans ses mémoires Morellet raconte que les commissaires qui vinrent lui

décret rendu en prairial, sur la proposition de Grégoire, portait qu'un rapport serait présenté sur les moyens d'exécution d'un nouveau vocabulaire. Cependant ce n'est que le 1er jour complémentaire de l'an III (17 sepembre 1795) que Lakanal apporta un rapport duquel il résulte qu'une proposition d'édition avait été faite au nom de Smits, une autre au nom de Maradan. Les deux libraires s'entendirent, et un décret fut rendu, qui est reproduit en tête de chaque exemplaire, confiant aux deux libraires le soin de publier le travail de l'Académie à 15 000 exemplaires.

Dix mois leur étaient donnés. L'ouvrage ne parut qu'en l'an VII, précédé d'un discours préliminaire de Garat'. Un appendice renferme les mots « que la Révolution et la République ont ajoutés à la langue ». J'ignore par qui le travail a été fait. Il était assurément ingrat. Comment affirmer avec assurance que tel mot était nouveau? C'était risquer de se tromper bien souvent. Comment d'autre part distinguer, dans le fatras des néologismes, ceux qui étaient réellement d'usage, en l'absence de l'arbitre ordinaire, l'Académie, qui n'existait plus? Les anonymes qui s'étaient chargés de la besogne se renfermèrent dans une extrême prudence, donnant moins les mots nouveaux que les nouvelles acceptions ou les nouvelles locutions qui paraissaient reçues. Par là, ils n'évitèrent pas de se tromper, c'était impossible, mais leur choix a été assez judicieux, et ainsi ils restèrent, somme toute, fidèles à la tradition académique 3.

réclamer le Dictionnaire étaient Dorat-Cubières et Domergue, et il ajoute d'inté ressants détails : « Le manuscrit qu'on avait commencé de livrer à l'impression était le fruit du travail des séances de trente années... Ce travail consistait en corrections faites à la marge d'un exemplaire de cette édition, ou recueillies sur des papiers séparés; elles étaient pour la plupart de Duclos, d'Olivet, d'Alembert, Arnaud (sic), Suard, Beauzée et en général d'académiciens qui ont fait de la langue et de l'art d'écrire une étude approfondie. »

1. Voir Courtat, Monogr. du Dict. de l'Ac., 9. D'après cet auteur, il semble que les principaux metteurs en œuvre aient été Suard et Bourlet de Vauxcelles. Adamantinos Koraïs a compté dans l'ouvrage 29712 mots.

Une édition de 1802 donnée par Laveaux chez Moutardier et Leclerc, quoique sensiblement différente de celle-ci, fut définitivement condamnée comme contrefaçon par la cour de Rouen jugeant en seconde instance, le 12 niv. an XIII (12 janv. 1806).

2. Voir aux mots détention, district, gouvernant, inviolabilité, etc.

3. Snetlage avait publié à Göttingen en 1795 un Dictionnaire nouveau français contenant les expressions de nouvelle création du peuple français (Bib. Nat. X. 1344, E6). Il s'engagea à ce propos une polémique. Casanova répondit à la publication par une lettre : « A Léonard Snetlage, docteur en droit de l'Univer

Le XIXe siècle.

Mercier. Le siècle avait à peine un an que la prochaine révolution linguistique s'annonça par un manifeste retentissant la Néologie de Mercier. Paradoxal en tout, allant de l'extravagance à la vision prophétique, l'auteur de l'An 2440 était peut-être le seul homme de son temps, dans le cerveau duquel le soleil de messidor pùt faire éclore semblable ouvrage et semblable préface.

Les langues pauvres, dit-il, s'opposent à la pensée. Les phrases ou les circonlocutions promettent beaucoup, et donnent peu, mais un mot neuf réveille plus que des sons, et fait vibrer chez vous la fibre inconnue (x1). Multipliez les mots simples. Les mots font la matière première des syntaxes. Avec eux, sans syntaxe et sans grammaire, vous aurez sous les yeux un tableau raccourci et fidèle de toutes les images de la nature (XVIII-XIX).

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sité de Gættingue, Jacques Casanova, docteur en droit de l'Université de Pavie ». J'ai eu en mains l'exemplaire de cette lettre que possède la Bibliothèque royale de Saxe, et que M. le conservateur a bien voulu envoyer à Paris à mon intention. C'est la plus curieuse — sinon la plus correcte — critique qu'on ait faite du nouveau lexique. Casanova accuse les journalistes qui ont fait les mots de n'avoir cherché qu'à éblouir, en employant des moyens qui, si la France n'avait été en convulsions, n'auraient servi qu'à faire rire, comme faisaient les néologismes du carlin de la Comédie italienne; si le français, après cette anarchie, ne retourne pas à son ancien état, il fera rire, et deviendra un patois populaire que les bons écrivains n'emploieront jamais.

Et il raille alarmiste (mot berneur), ambulance, appiloyer (mot pitoyable), culotté (risible, et né dans l'ivresse); embrigadé (expression baroque comme tant d'autres à la place desquelles Snetlage et Casanova eussent pu, un dictionnaire italien ou espagnol à la main, en enfanter mille autres, qui leur eussent valu un diplôme de fraternisation »); incarcérer (inutile puisqu'on a emprisonner, mais qui pourra donner lieu à carcère, dont le Comité d'Instruction publique déterminera le genre); monarchien (sans doute inventé par les dames de la llalle avec cette terminaison en chien qui a tant de noblesse); présumable, prétentieux (sur lesquels il est sûr que les abeilles ne s'arrêteront pas), singer (qu'on a eu au moins tort de faire actif), sans-jupon (qui ne manque pas de charmes, et qui est moins malhonnête que sans-culotte, car au bout du compte le jupon n'exclut pas les jupes).

Comme on peut le deviner d'après ces quelques mots, il y a plus de politique dans ce petit écrit que de linguistique. Toutefois les considérations littéraires, l'amour du français tel qu'il était inspirent visiblement l'auteur. Et il m'a semblé intéressant de rapporter ici un écho de cette discussion, bien qu'elle n'ait pu avoir aucun intérêt pour le développement du lexique, parce qu'au XVIII° siècle notre langue avait appartenu à l'Europe, et qu'il est utile de recueillir les impressions que les changements survenus faisaient à des étrangers qui l'avaient adoptée.

HISTOIRE DE LA LANGUE. VII.

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Qui s'y oppose? En droit, rien. Il n'est besoin d'invoquer ni Horace ni Cicéron l'homme pensant ne connaît point d'autre autorité que son propre génie, c'est lui qui fait la parole; la langue n'est point un objet de convention (XVII-XVII); elle est à qui sait la faire obéir à ses idées (XLIV, note).

Deux pouvoirs semblent régler la nôtre : l'Académie, les grammairiens. Mais par qui a été fait le dialecte national? Par la masse des écrivains (Iv); s'il eût fallu faire une Académie, c'était une académie de permutation et de combinaison de mots nouveaux et de phrases nouvelles (xx). Au lieu de cette institution féconde, rêve impossible du reste, puisque le génie en ce genre n'a point de compagnons, nous n'avons eu que la défunte Académie française, qui n'a vu l'édifice immense des langages humains que d'après ses fantaisies, qui a eu ses amours et ses haines pour des mots, animosités et tendresses aveugles. Sa serpe, instrument de dommage, a fait tomber nos antiques richesses (xx). Quant aux maîtres du grand siècle, la langue était pure sous leur plume, d'accord, mais toute la langue étaitelle sous leur plume? (xx-xxIII)

Voilà pour le droit. En fait, il est impossible de fixer les langues (v). « Il en est d'une langue comme d'un fleuve que rien n'arrête, qui s'accroît dans son cours, et qui devient plus large et plus majestueux, à mesure qu'il s'éloigne de sa source. Et qui ne rirait d'un tribunal qui vous dit: je vais fixer la langue. Arrête, imprudent! tu vas la clouer, la crucifier.» (VII-VIII)

Du reste, la chose serait-elle bonne? Avons-nous fait assez de progrès? La langue poétique est encore à naître. Nous n'avons ni augmentatifs ni diminutifs. Notre vocabulaire timide s'est traîné pendant cent années dans la faiblesse et dans la peur, il trahit à chaque pas l'audace de la pensée et le feu du sentiment (XXIV-Xxv). Quand il s'agit de traduire, nous nous apercevons que nous n'avons qu'un bégaiement enfantin, monotone, auprès de la voix forte, sonore et musicale de certaines langues étrangères, qui se ploient aux mètres les plus difficiles de la Grèce et de Rome (ib.).

Nous avons laissé passer de belles occasions d'être riches. Il est encore indécis si nous n'avons pas perdu à ne pas adopter entièrement la langue d'Amyot et de Montaigne,

(XII-XIII). Il faut en accuser l'amour subit, l'idolatrie aveugle pour quatre ou cinq écrivains plus modernes qui ont conquèté le gros des lecteurs, et comme ordonné la suppression et proscription d'un nombre très considérable de mots très expressifs et très énergiques, qui ne sont point remplacés (XL). N'est-il pas des mots que le préjugé a rendus ignobles, et que de grands écrivains ont eu le courage de rendre à la langue, même dans des vers pompeux, comme vache, bled, chien, pavé? La Fontaine se plaisait à placer avec grâce tel mot qui veillissait (xxx1).

Il ne serait pas même indigne de l'écrivain moraliste de des cendre à l'examen des patois et de leur dérober des expressions enflammées et des tours naïfs qui nous manquent (xxx). En outre il faudrait varier les significations. Il y a plusieurs langues dans une seule pour qui sait bien, en tournant tous les mots, les faire passer. dans des acceptions diverses, multipliées ou sans cesse modifiées. C'est ainsi qu'une discipline très active, imprimée à un régiment, double et triple le nombre des soldats (XXI).

La syntaxe elle-même doit reprendre un peu de liberté. « Nous rapprochons les mots, nous les enchaînons les uns aux autres, mais nous ne les groupons jamais, nous ne les construisons pas, nous les accumulons; nous ne saurions les disposer de manière à se prêter mutuellement de la force et de l'appui ; les mouvements circulaires et les mouvements obliques nous sont également défendus 1 (XLII).

1

Craint-on pour la clarté de la langue? La néologie n'y est point opposée (x11). « Ce mot n'est pas français, dit-on, et moi je dis qu'il est français, car tu m'as compris.

Et dans une péroraison où il prédit le déplacement de l'autorité qui s'est fait plus tard, Mercier s'écrie: « L'autorité législative résidera dans l'homme qui fera adopter ses néologies. Si l'usage consacre ses expressions, si plus heureux, il se fait lire, tous les journalistes puristes du monde ne paraîtront plus alors devant lui que livrés à une chicane puérile et sèche; il plaira aux esprits pénétrants, étendus, qui, guidés par le sentiment, surpasseront bientôt le néologue lui-même, satisfait de s'avouer vaincu. Les

1. L'auteur annonce un traité sur les inversions (XLII, note).

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