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citoyen, se promenant à Rome, dans la place publique, du temps des Césars, pouvait montrer la tribune aux harangues où avait parlé le premier tribun du peuple. S'il prétendait au même honneur, il lui fallait faire les mêmes démarches et obtenir les mêmes suffrages. Mais un brave homme qui chercherait aujourd'hui quelqu'un qui l'armât chevalier, ou une belle dame qui lui ceignît son épée, pourrait bien être mis aux Petites - Mai

sons.

Justin, qui n'est pas un peintre de mœurs, est un fort bon narrateur. Son style en général est sage, clair, naturel, sans affectation, sans enflure, et semé de morceaux fort éloquens. On lui reproche quelques phrases d'une latinité qui ne nous paraît pas pure, c'est-à-dire, que nous ne retrouvons point dans les écrivains du siècle d'Auguste. Mais sommes-nous bien sûrs de parler mieux latin, qu'on ne le parlait sous les Antonins? Un étranger qui apprendrait notre langue, et qui verrait dans M. de Voltaire, dans Montesquieu, dans M. de Buffon, des expressions et des tournures dont il n'y a point d'exemples dans Bossuet, Fénélon, et les autres écrivains du siècle de Louis XIV, se

rait-il bien fondé à affirmer que le langage

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des uns n'est pas aussi pur que celui des autres?

Au reste, il ne faut pas chercher dans l'abrégé de Justin beaucoup de méthode ni de chronologie: c'est un tableau rapide des plus grands événemens arrivés chez les nations conquérantes ou qui ont fait quelque bruit dans le monde. Plusieurs traits de ce tableau sont d'une grande beauté, et peuvent donner une idée de cette manière antique, de ce ton de grandeur si naturel aux historiens grecs et romains, et de l'intérêt de style qui anime leurs productions. Il s'agissait de peindre le moment où Alcibiade, long-temps exilé de sa patrie, y rentre enfin après avoir été tour à tour le vainqueur et le sauveur de ses concitoyens.

« Les Athéniens se répandent en foule au<< devant de cette armée triomphante : ils << regardent avec admiration tous les guer«riers qui la composent, et sur-tout Alci<«<biade; c'est sur lui que la république en« tière a les yeux, que tous les regards s'at<< tachent avidement ils le contemplent «< comme un envoyé du ciel, comme le dieu « de la victoire. On rappelle avec éloge tout <<'ce qu'il a fait pour sa patrie, et même ce « qu'il a fait contre elle: ils se souviennent

I.

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«de l'avoir offensé, et ils excusent ses res<< sentimens. Tel a donc été, disent-ils, l'as<«<cendant de cet homme, qu'il a pu lui seul « renverser un grand empire et le relever, << que la victoire a toujours passé dans le «< parti où il était, et qu'il semble qu'il y ait << un accord inviolable entre la fortune et « lui. On lui prodigue tous les honneurs, « même ceux qu'on ne rend qu'à la divinité: << on veut que la postérité ne puisse décider <«< s'il y a eu dans son bannissement plus d'i« gnominie, que d'éclat dans son retour. On « porte au-devant de lui, pour orner son « triomphe, ces mêmes dieux dont on avait >> autrefois appelé la vengeance sur sa tête dé« vouée. Athènes voudrait placer dans le ciel «< celui à qui elle avait voulu fermer tout asile « sur la terre. Les affronts sont réparés par « les honneurs, les pertes compensées par les « largesses, les imprécations expiées par les « vœux. On ne parle plus des désastres de « Sicile qu'il a causés, mais des succès qui « l'ont signalé dans la Grèce. On oublie les « vaisseaux qu'il a fait perdre, pour ne se « souvenir que de ceux qu'il vient de pren<< dre sur les ennemis. Ce n'est plus Syracuse « que l'on cite, c'est l'Ionie et l'Hellespont <«<tant il était impossible à ce peuple de se

:

« modérer jamais à l'égard d'Alcibiade, ou « dans sa haine ou dans son amour. >>

Nous citerons encore le portrait de Philippe de Macédoine, et le parallèle de ce prince avec son fils Alexandre.

<< Philippe mettait beaucoup plus de re<< cherche et de plaisir dans les apprêts d'un «< combat, que dans l'appareil d'un festin. « Les trésors n'étaient pour lui qu'une arme << de plus pour faire la guerre. Il savait mieux « acquérir des richesses que les garder, et <«< fut toujours pauvre en vivant de brigan« dage. Il ne lui en coûtait pas plus pour « pardonner que pour tromper, et il n'y << avait point pour lui de manière honteuse << de vaincre. Sa conversation était douce et « séduisante : il était prodigue de promesses qu'il ne tenait pas; et, soit qu'il fût sé- . «< rieux ou gai, il avait toujours un dessein. Il eut des liaisons d'intérêt, et aucun atta«chement. Sa maxime constante était de ca«<resser ceux qu'il haïssait, de brouiller ceux «< qui s'aimaient, et de flatter séparément «< ceux qu'il avait brouillés; d'ailleurs élo«quent, donnant à tout ce qu'il disait un « tour remarquable et plein de finesse et d'esprit, et ne manquant ni de prompti«tude à imaginer, ni de grace à s'énoncer.

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« Il eut pour successeur son fils Alexandre, «< qui eut de plus grandes vertus et de plus « grands vices que lui. Tous deux triomphèrent de leurs ennemis, mais diverse« ment: l'un n'employait que la force ou« verte; l'autre avait recours à l'artifice : « l'un se félicitait quand il avait trompé ses << ennemis; l'autre, quand il les avait mis <«< en déroute: Philippe avait plus de politi« que, Alexandre plus de grandeur : le père << savait dissimuler sa colère et quelquefois «< même la surmonter; le fils ne connaissait « dans ses vengeances ni délais ni bornes. << Tous deux aimaient trop le vin; mais l'i« vresse avait en eux différens effets : Philippe, au sortir d'un repas, allait chercher « le péril et s'y exposait témérairement; « Alexandre tournait sa fureur contre ses «< propres sujets aussi l'un revint souvent << du champ de bataille couvert de blessures; << l'autre se leva de table souillé du sang de << ses amis. Ceux de Philippe n'étaient point «< admis à partager son pouvoir; ceux d'A<«<lexandre sentaient le poids de sa domina<«<tion: le père voulait être aimé; le fils vou«< lait être craint. Tous deux cultivèrent les << lettres, mais Philippe par politique, Alexan<< dre par penchant. Le premier affectait plus

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