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M. Travers Twiss, Délégué Britannique, pense que la neutralité serait difficile à maintenir en Afrique en cas de guerre entre les Puissances qui y possèderaient des colonies. Mais que s'il s'agit, non d'interdire la guerre, mais d'en circonscrire le théâtre, la proposition devient pratique.

M. Engelhardt, Délégué Français, constate que l'on est d'accord sur le maintien de la liberté de la navigation en temps de guerre. La neutralité appliquée aux cours d'eau seulement ne lui paraît pas pouvoir soulever d'objection.

A la suite de ces explications, la Commission aborde le fond du débat. M. l'Ambassadeur d'Angleterre déclare que son Gouvernement est prêt à souscrire l'engagement proposé par M. le Plénipotentiaire des Etats-Unis et l'acepte dans la plus grande extension qu'on voudra lui donner. M. le Comte de Hatzfeldt s'exprime dans le même sens au nom de l'Allemagne qui est disposée à étendre aussi loin que possible l'immunité que l'on a en vue. M. le Plénipotentiaire de l'Italie partage ce sentiment. Il hésite à suggérer un arbitrage qui semblerait ne pas devoir réunir l'unanimité des votes; mais peut-être pourrait-on reprendre la clause de médiation insérée au XXIII® protocole du Congrès de Paris en lui prêtant, pour cette question spéciale, une plus grande efficacité. Il met cette opinion sous le patronage de M. le Chevalier Mancini, dont la haute compétence est reconnue aussi dans la science du droit international.

Le Plénipotentiaire de Portugal, M. de Serpa Pimentel, est d'avis que le projet de M. Kasson porte atteinte à la souveraineté des Etats du Congo ou des Puissances qui y ont des colonies. Son application pourrait avoir pour effet de soumettre le territoire d'un même Etat ou d'une même colonie à deux régimes internationaux différents, s'il était traversé par la ligne de délimitation du bassin du Congo. Pour ces motifs, il ne saurait s'y rallier.

M. de Kusserow se prononce dans un autre sens. Il trouve que la proposition Américaine s'inspire de la pensée même qui a présidé à la convocation de la Conférence. Elle est conforme à l'intérêt commun. Il s'agit simplement de prendre l'engagement de limiter le champ des hostilités futures, de renoncer à poursuivre dans le bassin du Congo un conflit qui aurait éclaté ailleurs. Les Etats et colonies du Congo ne seraient pas impliqués dans des guerres ne les concernant pas. Le Plénipotentiaire de l'Allemagne appuiera toute combinaison conçue dans cet esprit.

M. le Baron Lambermont dit que s'il est un Etat qui ait à se montrer sympathique au principe de la neutralité, c'est assurément la Belgique qui lui doit une période déjà longue de paix et de prospérité. Il fait toutefois remarquer que si, d'après la proposition de M. Kasson, il s'agit seulement de s'obliger à ne pas faire guerre dans le bassin du Congo, la Belgique serait dans son rôle d'Etat perpétuellement neutre en souscrivant un tel engagement.

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M. l'Ambassadeur de France élève des objections contre la proposition formuM. le Ministre des Etats-Unis. La neutralité, dit-il, ne peut revêtir que deux formes: elle est ou volontaire et libre ou imposée et garantie. Il ne s'agit pas de cette dernière et la première ne se décrète pas. Dès-lors, la mesure proposée serait sans valeur pratique, Aucun Gouvernement belligérant, ayant des possessions dans

le bassin du Congo, ne pourrait s'y soumettre. On ne peut réclamer d'un Etat belligérant qu'il se prive d'une partie de ses moyens d'action. M. le Baron de Courcel ajoute qu'un tel engagement ne pourrait être tenu. Quand un Etat est en guerre, il la fait avec toutes ses ressources. La proposition transactionnelle concernant les voies navigables et les routes, réalise tout ce qui est praticable dans le projet de M. Kasson. Cette proposition est déjà un très grand progrès, puisqu'elle consacre le principe de l'inviolabilité, sur ces eaux et ces routes, de la proprieté privée tant belligérante que neutre.

M. l'Ambassadeur d'Italie constate qu'il s'agit moins de neutraliser le bassin du Congo que de prendre un engagement en vertu duquel les Puissances signataires renonceraient à se faire la guerre dans ce bassin. C'est la sécurité et l'expansion du grand marché qui va s'ouvrir sur les bords du Congo, ajoute de son côté M. de Kusserow, qu'il s'agit exclusivement d'assurer.

Au terme de cet échange de vues, M. le Plénipotentiaire des Etats-Unis soutient son projet. Il déclare qu'il ne vise pas les guerres en Afrique, mais les guerres étrangères qui seraient transférées en Afrique. Il ne s'agit que de soustraire le bassin du Congo à des conflits qui ne le concernent pas et d'empêcher les belligérants de soulever les tribus indigènes, déjà trop portées à la lutte et au pillage. Notre proposition, dit-il, n'est pas seulement humanitaire, elle a un sens très pratique: nous ne ferons pas la guerre dans le Congo, mais pour la sécurité de notre commerce et de nos établissements, nous avons intérêt à ce qu'on ne l'y apporte pas. M. Kasson demande toutefois de pouvoir remanier sa proposition dans le but de tenir compte des dissidences qui se sont manifestées, mais en maintenant l'idée fondamentale.

Tel était le résultat de la discussion à l'issue de la séance du 10 décembre. Avant qu'elle fût reprise M. l'Ambassadeur de France a proposé de disjoindre les deux propositions en présence relativement au régime sous lequel serait placé, en temps de guerre, le bassin conventionnel du Congo. Il a fait remarquer que la proposition primitive formant l'Article XIII du projet, sans distinction de formules, concernait exclusivement les eaux de ce bassin, tandis que celle de M. le Plénipotentiaire des Etats-Unis stipulait pour les territoires. La disposition relative à l'immunité en temps de guerre de la navigation marchande était, du reste, destinée, à l'exception du paragraphe final, à être appliquée au Niger aussi bien qu'au Congo. Il serait donc utile d'arrêter le texte de cet Article en prenant pour base de discussion la formule dite transactionnelle qui avait paru traduire fidèlement les données communes aux divers systèmes proposés.

M. le Plénipotentiaire des Etats-Unis ne s'est pas opposé à cette disjonction des deux projets, mais il a fait remarquer que sa proposition, conçue sur un plan plus large, enveloppait l'autre et ferait, si elle était acceptée, double emploi avec la première, sauf pour le cas d'application au Niger.

M. l'Ambassadeur de France ne conteste pas cette appréciation, mais ne trouve aucun inconvénient à résoudre séparément les deux questions. La clause fluviale prendrait place dans les deux actes de navigation; celle qui concerne la neutralité

des territoires pourrait former un article supplémentaire de la Déclaration sur la liberté commerciale. Les deux textes seraient corrélatifs.

La Commission adopte cette procédure, avec la réserve demandée par M. le Plénipotentiaire des Etats-Unis que la rédaction de l'article XIII pourrait être revisée après qu'on aurait statué sur sa proposition.

L'examen de l'article même n'a révélé aucune dissidence essentielle. Les Membres de la Commission se sont trouvés unanimes pour souscrire au progrès considérable qu'il introduit dans le code maritime des nations. La décision que la Conférence est appelée à prendre à cet égard fera sans doute époque dans le droit international.

Le paragraphe 1 de l'article consacre le principe de la liberté en temps de guerre du pavillon marchand de tous les peuples, tant belligérants que neutres, sur le Congo, ses embouchures, ses embranchements et affluents, ainsi que dans la mer territoriale qui lui fait face. C'est une sanction nouvelle et une extension importante du principe de l'inviolabilité de la propriété privée dans les conflits internationaux. Afin d'élargir encore le sens pratique de cette disposition, les termes de temps de guerre» ont été substitués à ceux plus restreints d'état de guerre.

Le second paragraphe couvre de la même garantie les routes, chemins de fer, lacs et canaux mentionnés dans les Articles III et IV.

Le troisième paragraphe excepte de la protection stipulée ci-dessus la contrebande de guerre, en s'en tenant pour la définition de celle-ci aux règles générales du droit des gens.

Le paragraphe 4 enfin neutralise le personnel, les ouvrages, établissements, caisses, etc. de la Commission Internationale, conformément au système adopté pour la Commission Européenne du Bas-Danube et dénitivement consacré par l'Article VII du traité de Londres du 13 mars 1871. Toutefois M. l'Ambassadeur d'Angleterre a demandé la suppression du terme protégés dans la crainte que des belligérants n'abusassent de cette protection pour s'installer dans les établissements de la Commission Internationale et les faire servir à des buts de guerre. MM. les Plénipotentiaires d'Allemagne n'ont pu partager cette crainte; ils pensent que la protection, dont il s'agit, peut être indispensable en cas d'attaques éventuelles de la part des indigènes. Quant aux abus qu'on a paru redouter, toutes les Puissances seront d'accord pour les réprouver comme contraires à la pensée qui a dicté l'article.

Il a été convenu qu'il serait fait mention de ces explications au rapport et le paragraphe final a ensuite été adopté sans changement.

ARTICLE XIV

Lorsqu'il s'est agi d'arrêter définitivement les termes de la Déclaration relative à la liberté du commerce, vous avez été d'avis que tout prévoir et tout régler serait une tâche prématurée; vous avez fait la part de l'avenir et de la prévoyance.

Les mêmes considérations nous ont fait adopter une conclusion analogue en ce qui touche le régime de la navigation. Pour parer à toutes les éventualités, la Com

mission a placé à la fin de l'Acte de navigation un article par lequel les Puissances se réservent d'y introduire, de commun accord et à telle époque qu'elles jugeront convenir, les modifications ou les améliorations dont l'utilité serait démontrée par l'expérience.

II

Acte de navigation du Niger

Le Niger se distingue du Congo par des différences géographiques, commerciales et politiques qui vous sont connues.

Par suite de cette diversité des situations, les régimes proposés pour la navigation des deux fleuves ne sont pas identiques.

Ainsi qu'il est dit dans l'introduction de ce rapport, la Commission a eu à délibérer, en ce qui concerne la navigation du Niger, sur un projet déposé par M. l'Ambassadeur d'Angleterre (V. annexe no 5) et auquel la Sous-Commission n'a fait subir que des retouches secondaires. Le projet primitif a ensuite fait place à un projet amendé par le Plénipotentiaire de la Grande-Bretagne.

Trois éléments sont à considérer dans l'Acte que la Commission propose à votre approbation (v. annexe n° 7): le préambule, la liberté de la navigation, l'exercice de l'autorité administrative et de la police fluviale.

Le texte du préambule reproduit identiquement celui qui a été admis pour le Congo, sauf qu'il ne vise pas les Articles XV et XVI du Traité de Paris, qui se rapportent au régime Danubien. La mention spéciale de ce fleuve a donc également disparu. Cette suppression, au moins quant à la mention de l'Article XVI du traité de Paris, est la conséquence de la résolution prise de ne pas instituer pour le Niger une Commission Internationale.

Les Articles I, II, III et IV reproduisent les règles adoptées pour le Congo par rapport à la liberté de la navigation sur le fleuve et ses affluents, à l'interdiction de tout traitement différentiel ainsi que des taxes et des péages qui ne seraient pas strictement compensateurs, enfin à l'assimilation des routes, chemins de fer et canaux au fleuve lui-même ou à ses affluents, quand ils tiennent lieu de sections impraticables de leur cours. Ces Articles n'ont donné lieu qu'à quelques observations relatives à la concordance des textes entre les deux Actes.

Aucune différence ne subsiste entre les Articles I des deux Actes; mais il a été entendu que l'interdiction au paragraphe 3, de toute concession d'un privilège exclusif, n'enlève pas la faculté de subventionner des entreprises privées dans un but d'utilité publique.

Le paragraphe 1 de l'Article II est conçu sous une forme plus générale parce qu'il n'y a plus lieu d'énumérer les diverses espèces de droits qui pourront être perçus, notamment par la Commission Internationale. Les trois catégories de taxes prévues pour le Congo rentrent sous l'unique rubrique de droits compensateurs, levés pour couvrir les dépenses faites dans l'intérêt du commerce et de la navigation.

Annexe N° 15

De l'Article III il ne subsiste que le premier paragraphe, attendu que l'Acte de navigation du Niger s'applique exclusivement aux eaux comprises dans son bassin géographique.

Le même motif explique la modification apportée au texte de l'Article IV. M. le Plénipotentiaire d'Allemagne a toutefois demandé ici que, vu l'état d'incertitude où l'on se trouve encore à l'égard du système complet du Delta du Niger, on intercalât les termes: «embranchements et issues» après affluents». Cette proposition a été admise sans contestation.

Les Articles V, VI et VII règlent l'exercice de la police et de l'administration fluviale dans des conditions identiques pour les Puissances qui exercent déjà ou qui viendront ultérieurement à exercer dans le bassin du Niger des pouvoirs souverains ou un protectorat.

La Grande Bretagne et la France s'engagent séparément à édicter des règlements fluviaux qui consacrent la liberté de navigation et facilitent autant que possible la circulation des navires. Elles promettent en outre de protéger les négociants étrangers au même titre que leurs nationaux. Toute Puissance signataire du présent Acte assume d'avance les mêmes obligations si elle acquérait plus tard des possessions dans le bassin du Niger.

L'article VIII établit sur le cours du Niger et de ses affluents un régime d'immunité en temps de guerre, au profit du commerce de toutes les nations, identique à celui qui a été adopté pour le Congo. Dans son application spéciale au Niger, cette disposition n'a pas donné lieu à un débat distinct, sauf toutefois que M. l'Ambassadeur d'Angleterre a demandé la suppression de la mention des lacs, désir auquel il a été fait droit. Le paragraphe final concernant la Commission Internationale du Congo n'a pu trouver son application sur le Niger; il a donc été éliminé. Pour le sens et l'interprétation des autres paragraphes de cet Article, il suffira de s'en référer aux explications fournies sur l'Article XIII de l'Acte de navigation du Congo.

L'Article IX est également commun aux deux Actes; il prévoit une révision des clauses qui précèdent, dans la pensée d'y apporter les améliorations que l'expérience aura indiquées.

M. le Plénipotentiaire de la Grande Bretagne a proposé d'ajouter à l'Acte de navigation du Niger un Article ainsi conçu:

Le transit des boissons spiritueuses et prohibé sur le cours du Bas-Niger. »
Cette proposition a pris ensuite la forme suivante:

Les Puissances, en tant que les eaux du Niger, de ses embranchements et issues et de ses affluents, sont ou seront sous leur souveraineté ou leur protectorat, pourront adopter à l'égard du transit des boissons spiritueuses par les dites caux, les dispositions qu'elles jugeront nécessaires dans l'intérêt des populations indigènes.» D'après les renseignements que Son Excellence a bien voulu donner à la Commission, les populations musulmanes de ces régions ne fabriquent ni ne boivent de Annexe N° 16 liqueurs alcooliques. L'introduction des boissons spiritueuses mettrait gravement en péril leur bien-être physique et moral.

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