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modestes métiers, travaillant sans relâche, modifient sourdement l'état de ces peuples et conduisent à des résultats inespérés. Ainsi, par exemple, il peut se faire que les moyens de destruction arrivent à un tel perfectionnement, qu'ils rendent impossible leur emploi ; alors les sciences auront pacifié le monde, et les portes du temple de Janus se fermeront pour ne plus s'ouvrir.

Conclusion.

Dans notre hypothèse, les seules causes qui menaceraient cet équilibre stable du monde moral, sembleraient ne pouvoir tenir qu'à un changement brusque de rotation de la terre, à la rupture du niveau des mers ou à de grandes influences inaperçues et continues, comme le tarissement graduel des fleuves, la disparition successive des forêts, les pestes nomades, l'abâtardissement du genre humain.

Peut-être aussi dans l'essence même des empires, existe-t-il des germes innés de dissolution, jusqu'à présent peu étudiés, pareils aux causes qui empêchent l'homme de vivre indéfiniment, et le font passer de l'âge viril à la vieillesse, puis de lå vieillesse à la décrépitude. Pour découvrir ces causes inconnues, il faut remonter des effets désastreux aux sources funestes qui les ont vomies, étudier surtout les nations aux époques voisines de leur plus grande splendeur. Levez le manteau de pourpre de la Rome voluptueuse et sanguinaire des Césars: Rome est-elle tombée parce qu'elle n'était point savante et qu'elle avait cessé d'être vertueuse? Athènes s'est-elle éclipsée parce qu'elle n'était

qu'éloquente et artiste? Cela paraît venir d'une autre cause plus générale : c'est que les empires ont dû être et seront bouleversés, tant que des hordes barbares et des peuples civilisés existeront séparés et ne se seront pas fondus ensemble. Ainsi ont disparu les empires de l'Asie; ainsi ont passé ceux du NouveauMonde. L'Égypte, doete et religieuse, serait restée debout, si elle eût été assez vieille pour résister aux tribus trop récentes des Arabes; et si la Chine, quoique prudente et instruite, est demeurée stationnaire, c'est parce qu'elle est une nation isolée et égoïste. Quand l'industrie aura couvert le globe de son immense réseau, les empires plus sages pourront désormais être modifiés, mais non bouleversés de fond en comble.

Ces hautes questions de philosophie transcendante, ces pensées de l'avenir que réveillent celles du présent et du passé, exigent autant et même plus de temps que la connaissance des lois du monde physique. Car les cieux sont toujours ouverts aux regards des observateurs; les couches géognostiques du globe conservent les traces de ses transformations; au lieu qu'il est aussi difficile de lire dans la grande âme des peuples, que de saisir les formes fugitives d'une infinité de vagues qui se pressent et se mélangent.

Quant aux études philosophiques, si de savants professeurs, fidèles à la méthode cartésienne, portent dans leurs recherches l'esprit analytique des sciences bien propre à rectifier et à étendre les idées; s'ils recueillent avec soin la série de faits qu'amènent les âges

des nations; alors, de la discussion de ces faits, des moyennes auxquelles ils donneront naissance, sortiront de grandes vérités qui sont encore dans l'ombre.

Telle est la mission des académies. Aussi, toutes les fois que, groupée sur quelque point de la surface du globe, l'espèce humaine, par une heureuse intuition. de l'avenir et par l'élan de sa propre nature, a commencé son grand oeuvre, elle a toujours reconnu l'utilité des sociétés savantes. Sous le ciel brûlant de la colossale Egypte, dans l'Inde, souche antique de la philosophie naturelle, sous les voûtes du temple des Incas, sous le feuillage des forêts druidiques, on retrouve les progrès lents et irrésistibles des hautes sciences constamment et étroitement liés aux dogmes des religions, aux travaux des législateurs, aux coutumes des barbares. Partout, les prêtres chargés de présider à la naissance et à la mort des hommes, l'étaient aussi de conserver et de transmettre les trésors inappréciables de l'intelligence qui distinguent les masses sociales. Lorsque les Grecs perdirent leur puissance, les Romains vainqueurs vinrent puiser dans les écoles d'Athènes les doctrines des vaincus, qu'ils répandirent plus loin en les mêlant au luxe de l'Asie Mineure. A cet âge de l'espèce humaine, c'était l'envahissement des armes romaines qui propageait vers le Nord la civilisation de l'Orient. De nos jours, l'Institut de France, auquel la Société nancéienne de Stanislas a fourni d'illustres correspondants, leurs Soeurs d'Angleterre et d'Allemagne sont autant de phares allumés sur l'Europe.

Telle était aussi la pensée de ce bon roi, dont le

şurnom est si présent à notre esprit, que chacun de nous, en passant devant sa statue, croit lire sous ses pieds de bronze:

Au sein des monuments de sa munificence,

Il doit vivre immortel comme sa bienfaisance.

Conservons, disait M. de La Place, augmentons avec soin le dépôt des hautes connaissances, délices des esprits pensants, et germe du bonheur des génétions futures.

qui

Admettons, Messieurs, la conclusion du syllogisme a formé le texte de ce discours: Le monde moral tend à un équilibre stable, que de nouvelles catastrophes du globe ou de grandes influences physiques continues pourront seules rompre ; et cela indépendamment de toute hypothèse sur la meilleure forme de gouvernement..

Ainsi, pour compléter ma pensée par une image, dans les profondeurs de l'Océan, des myriades de petits animaux sécrètent chaque jour des roches de corail, qui du fond de l'abîme surgissent avec le temps en murailles gigantesques; leur faîte finit par dépasser la cime des vagues, qui n'ont pu les arrêter; bientôt un sable épais les recouvre, puis la terre végétale s'y montre, et de nouvelles îles apparaissent, ornées d'arbres et riantes de fleurs: de même les sciences, les lettres, les arts convergent insensiblement, mais irrésistiblement, vers la solution de ce grand problème :

Le bonheur du monde.

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RÉPONSE DU PRÉSIDENT

AU RÉCIPIENDAIRE.

Monsieur, il appartenait à un professeur distingué à un docteur-ès-sciences, d'embrasser d'une vue hardie l'ensemble des connaissances humaines, et de faire sentir toute la puissance de l'analyse pour les porter à leur dernier degré de perfection. Cette analyse vous a servi de guide dans vos leçons publiques et particulières, et n'a pas peu contribué à populariser dans notre ville les sciences mathématiques et physiques par leur application aux arts. Il faut plus de talent qu'on ne le pense généralement pour atteindre un but aussi utile. Car on peut être capable d'arriver à de hautes connaissances, sans être en état d'y conduire les autres; et l'on a dit avec raison, qu'il en coûte quelquefois plus à l'esprit pour redescendre que pour continuer à s'élever. Il paraît, monsieur, que vous pouvez l'un et l'autre. Vous en avez donné une preuve récente, en présentant à la Société académique un mémoire remarquable où vous proposez un nouveau moyen de mettre en jeu les machines à vapeur. Vous ne pouviez tourner vos méditations vers des appareils plus utiles que ceux qui ont déjà tant contribué à la prospérité des arts. En effet, quoi de plus merveilleux que des machines qui remplissent les fonctions exercées par les esclaves chez les Grecs et les Romains, c'est-à-dire, qui transportent les fardeaux, font mouvoir les meu

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