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M. Percy, chirurgien en chef de l'armée, vint nous visiter et nous encouragea par sa présence à nos leçons.

Avant le retour du printemps, nous avions déjà parcouru les environs de cette jolie petite ville, où un prince, ami de la nature, avait établi de beaux pares et des jardins pittoresques, enrichis de plantes, arbres et arbustes étrangers. J'admire encore, au bout de quarante ans, l'ardeur avec laquelle GAILLARDOT recherchait les moindres plantes, soit sur les collines sableuses, soit dans les champs cultivés, dans le fond des lacs ou le long des rochers escarpés qui les bordent. Rien n'échappait à son œil scrutateur. Je n'ai point été surpris, long-temps après, de lui voir manier si habilement le microscope, quand je me suis rappelé qu'il apercevait, à travers des fourrés de bois impénétrables, les végétaux les plus obscurs. Les belles houillères des environs de Saarbruck et les fabriques qu'elles entretenaient, fixèrent fortement son attention.

Mais pourquoi m'arrêter sur les premières études de sa jeunesse, tandis que je devrais vous présenter la longue liste des villes qu'il a parcourues en observateur intelligent, lorsqu'il fut employé successivement à l'armée des Alpes, au camp de Boulogne, à la campagne de l'armée de Mayence; à celle du Rhin en Suisse; à l'hôpital d'instruction de Lille en Flandre; à l'armée de St.-Domingue; à celle de Hanovre; à la grande armée, dans la dernière campagne de Moravie et de Pologne, 1806-7, et dans celle d'Autriche en 1809, où il fut nommé chevalier de la Légion-d'Honneur. Sachant occuper plus noblement ses loisirs que la plu

part de ses confrères, il ne passait jamais dans une ville sans visiter les collections d'histoire naturelle, et faire connaissance avec les hommes de mérite. Au lieu de dissiper les fruits de ses économies en frivolités ou en jeux de hasard, ignoble occupation des gens désœuvrés, il achetait les minéraux rares et curieux qui devaient être les premiers fondements de son riche cabinet.

Son goût pour l'histoire naturelle lui fit désirer ardemment de partir avec l'expédition du général de Caen pour les Indes-Orientales. Mais ayant été trompé dans ses espérances, il fut en quelque sorte contraint de s'embarquer sur une frégate qui faisait voile pour St.-Domingue. Après avoir souffert mille maux, soit dans la traversée, par la grossièreté des hommes de ce temps, soit pendant son séjour, à cause de la fàcheuse position des Français dans ces parages de déplorable souvenir, il revint en France.

Les bornes de ce discours ne me permettent pas de vous donner même une analyse succincte du journal qu'il a redigé sur son voyage. Vous verriez avec quelle attention il a observé tout ce qui méritait de l'être, et avec quelle exactitude, quelle correction, il redigeait toutes ses notes. Les remarques qu'il a écrites, il y a trente-cinq ans, sur le sol de la Bretagne, prouvent qu'il était déjà très-expert en géognosie, et ne contiennent rien de contraire à ce qu'on enseigne aujourd'hui. Il décrit le mal de mer qu'il a éprouvé lui-même; il indique les causes de ce mal et les meilleurs moyens de soulagement. Il parle de tous les phénomènes physiques qu'offre la surface de la mer, des plantes et des animaux

qu'il a vus dans les ondes; de l'histoire naturelle des les; des mœurs et des coutumes; de la température et des maladies. Un mémoire sur la fièvre jaune présenté à la célèbre Académie de Goettingue lui fit décerner le titre d'associé. On y voit qu'il apportait déjà dans la pratique de la médecine la perspicacité, la rectitude, la prulence, en un mot les qualités dont il s'était fait une habitude en observant la nature. Son journal, qui renferme peine l'espace de deux années, ferait seul la matière d'u. livre curieux et instructif.

Arrivé à Paris, après son voyage d'Amérique, il était déjà habile chirurgien, pédecin expérimenté, et possédait, avant d'être docteur, butes les connaissances qu'on n'acquiert pas toujours, mêm après avoir obtenu ce titre. Il est vrai qu'il avait subi, u Cap Français, en présence de tous les gens de l'art de la colonie, un examen qui lui valut le droit d'y pratiquer publiquement. Il profita de son séjour dans Capitale pour prendre ses grades à la Faculté de médecine, : soutint une thèse sur la Nostalgie, et partit pour le Hanovre.

Il est impossible de le suivre dans tous les déplaeements qu'entraînait la marche des armées. Partout il persévéra dans le même ordre d'études et d'observations. Toutefois, je ne dois pas omettre un fait propre à montrer la justesse de son coup d'œil et la profondeur de son jugement. En septembre 1802, notant sur son journal la description du sol de Lunebourg qu'il comparait à celui de sa ville natale, il ajoutait ces mots : « Il est à espérer qu'un jour on

<< rencontrera, dans les carrières de plâtre de Luné<< ville, la magnésie boratée de Lunebourg. » Vingt« six ans après, il découvrit effectivement, dans des tas de gypse destiné à la cuisson, ce minéral peu commun; non pas à la vérité en beaux cristaux cubiques ou dodécaèdres, comme ceux de Lunebourg, mais en petites taches blanches formées de rayons divergents. J'étais avec lui quand il remarqua ces taches, que je prenais de lon pour des éclaboussures de lait de chaux; il me prouva, par sa réponse, la justesse de la pensée du poète Toscan que j'ai cité :

« L'imagination le l'artiste ne peut rien sans le << sécours des sen exercés, »

La modestie est pas toujours l'apanage des savants; mais c'était la vertu la plus saillante du docteur GAILLARDOT. Il u portait à l'extrême; au point que, dans la découverte dont il s'agit, il ne pensa pas à me dire, à moi son ami, qu'il l'avait prévue et je ne l'ai appas que depuis sa mort par la communication de son journal. J'espère, Messieurs, que vous me pardonnerez la familiarité de cette explication, puisqu'elle tend à mettre dans tout son jour la beauté du caractère de cet homme rare.

Ce que je viens d'exposer, en rappelant quelques circonstances de sa vie, semble suffire à son éloge; mais ce n'est encore que le premier pas dans sa carrière. Il faut le présenter en sa qualité de médecin praticien dans une ville populeuse, universellement considéré, manquant quelquefois de temps et de force

pour répondre à la confiance des grands et des petits qui attendaient de lui la santé, du soulagement ou des consolations. Il faut insister sur l'excellence de son cœur, le montrer comme ami sensible, délicat, franc et sûr, fils respectueux et reconnaissant, époux sage et fidèle, père tendre et indulgent sans faiblesse. Il faut surtout faire connaître les services qu'il a rendus à la science par ses travaux et ses découvertes.

GAILLARDOT ayant servi vingt ans dans la médecine militaire, et concevant, comme toute la France, un espoir de paix solide et durable, après les grands événements de 1810, demanda sa retraite, et l'obtint avec la pension due à son rang. Il était affecté au bras gauche d'une paralysie, à la suite d'une fièvre maligne qui lui était survenue à l'armée du Rhin. Les muscles de l'épaule pouvaient encore soulever le membre, et lui donner la faculté de soutenir les échantillons de roches qu'il cassait adroitement avec l'autre main.

De retour à Lunéville, il ne tarda pas à être recherché, non-seulement comme fils de maître, mais parce que la renommée de son savoir et de son expérience s'était répandue, et qu'il obtint d'abord de brillants succès par une pratique circonspecte, également éloignée de la routine aveugle et des innovations téméraires dont trop souvent les hommes paient chèrement les essais. Son goût pour l'histoire naturelle ne lui fit jamais négliger les devoirs de l'humanité, Quand il était en présence d'un malade, il semblait avoir tout oublié pour ne penser qu'à son devoir. Mais quand il obtenait quelques loisirs, il les consacrait à søn

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