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1673, Oct. 13.

Minot Fund.

NOTICE

SUR

MM. HAAG ET LEURS TRAVAUX.

S'il fallait en croire la plupart des critiques, notre siècle ne connaîtrait plus ces longs labeurs, ces solides vertus, cette simplicité austère, ce désintéressement à toute épreuve qui ont été le mérite commun de tant d'hommes éminents du passé. Le culte passionné de la fortune, l'amour de l'éclat et du bruit, la recherche hâtive du succès, la soif immodérée des jouissances grossières, voilà, dit-on, les seuls mobiles qui animent les hommes de notre génération. Où sont les Bénédictins du présent siècle, demande-t-on ? Où sont les vies laborieuses et cachées? Où trouver encore des caractères inébranlables dans la fermeté et dans l'indépendance? - Certes, nous ne sommes pas de ceux qu'on voit toujours disposés à louer tout

ce qui se fait de leur temps; nous reconnaissons franchement les imperfections et les défauts de notre époque, mais nous ne pouvons nous empêcher de constater de grandes exagérations dans le langage que tiennent à cet égard les prôneurs des temps passés, laudatores temporis acti. Oui, même dans ce siècle où les intérêts matériels ont pris un développement si excessif, il s'est rencontré, il se rencontre encore des hommes uniquement préoccupés des progrès de la science et de la vérité; il s'est rencontré des hommes qui ont préféré les joies sévères et très-modestes d'un travail utile à toutes les séductions du succès et de la gloire.

Eugène et Emile Haag ont été de ces hommes-là. Il est infiniment rare de trouver deux frères aussi étroitement unis et qui aient mis en commun avec une abnégation si complète leurs intérêts et leurs ambitions. On a cité souvent l'exemple des deux Corneille qui vivaient ensemble et se rendaient tous les jours des services réciproques dans leurs travaux littéraires, avec un entier dévouement. Les frères Haag, quant à l'affection mutuelle, ne leur furent nullement inférieurs. Ils ne pouvaient vivre longtemps l'un sans l'autre. Quand Eugène fut nommé professeur de littérature française à l'École de commerce de Leipsick, Emile obtint la chaire d'économie politique à la même École. Quand Eugène quitta Leipsick pour venir se fixer à Paris, Emile ne tarda pas à l'y suivre. Et quand Emile, dont la santé était

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fortement ébranlée depuis longtemps, succomba en mai 1865, Eugène ne put soutenir ce rude coup. Il tomba malade et sa santé resta brisée à toujours. Cette union profonde qui confondait, pour ainsi dire, deux existences, se manifestait jusque dans les détails les plus insignifiants en apparence. Ainsi, quand on rencontrait au bas d'un article de journal cette signature E. Haag, il était imposible de dire si elle appartenait à Eugène ou à Emile. Peu leur importait; chacun était également prêt à répondre des affirmations de l'autre si elles étaient contestées, ou à lui en céder l'honneur si elles obtenaient quelque succès.

C'est à Montbéliard que naquirent les deux frères, Eugène en 1808, Emile en 1811. Ils gardèrent, toute la vie, pour leur province natale un très-vif attachement, et n'en parlèrent jamais sans émotion. Nous trouvons dans le journal le Bon sens une série d'articles sur le comté de Montbéliard qui s'ouvrent par une description charmante du site pittoresque où s'élève la ville. On voit bien que c'est un enfant du pays qui parle :

«La ville de Montbéliard, écrit Emile Haag, située au confluent de l'Allau et de la Luzine, occupe un vallon resserré que parcourait cette dernière rivière avant que son cours sinueux eût été détourné, vers le milieu du quatorzième siècle, pour faire place aux nombreux agrandissements que la ville reçut depuis. Son horizon, quoique borné, est varié et pittoresque. Au nord, la chaîne bleuâtre des Vosges; au midi, la chaine du Jura, qui

vient, en s'abaissant par ondulations, jusqu'aux portes de la ville; et sur ses flancs, des prolongements de ces mêmes chaînes de montagnes bornent sa perspective. Le laisser aller, pour ainsi dire, de ses rivières et de ses ruisseaux, la douce verdure de ses prairies, le pampre de ses côteaux, l'heureuse fertilité de son sol, les nombreux villages que l'on voit épars çà et là, soit à l'ombre des forêts, soit au pied de roches grisâtres, ne lui laissent rien à envier aux plus gracieux paysages de la Suisse. Les points culminants du panorama sont le Ballon, dans les Vosges et le Chasseral, dans le Jura; ces deux montagnes conservent pendant sept mois de l'année leur manteau de neige. » (N° du 16 janvier 1838).

Si la ville de Montbéliard ne manque pas d'originalité, l'histoire du pays n'est pas moins exceptionnelle. Le Comté, plusieurs fois occupé par les Français, ne fut définitivement cédé à la France par la maison de Wurtemberg qu'en 1796. Mais déjà, en 1793, le conventionnel Bernard de Saintes avait pris possession de la ville au nom de la république française. Le petit pays de Montbéliard s'honore d'avoir donné naissance à des savants de divers ordres, à des naturalistes tels que le grand Cuvier, son frère Frédéric Cuvier, Du vernoy, Laurillard et à beaucoup de théologiens protestants, dont le plus bizarre fut le duc Georges de Wurtemberg, qui avait trouvé le loisir de lire 1500 fois la Bible entière. Ce prince cultiva avec passion la philosophie de Descartes, publia des ouvrages sur l'Apo

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