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et quibusdam aliis. Là, dit le Méphisto du poète, « on > vous dresse l'esprit comme il faut, on vous le chausse » de brodequins serrés, afin qu'il file droit avec circons>pection sur le chemin de la pensée... Ensuite on pas› sera des journées à vous apprendre que, pour les choses qui vous paraissent les plus simples et qui se font en » un clin d'œil, comme boire et manger, une, deux, trois, sont indispensables... Somme toute, tenez>>vous-en au mot, et vous entrerez alors par la porte > sûre au temple de la certitude 1. »

C'est bien un de ces temples que le Docteur Angélique édifia. Il demeure sans conteste le Grand Théologien du catholicisme, souverain instituteur de logique, architecte du système encyclopédique poétisé par le Dante et par les peintres du Moyen-Age. Tout s'y tient, tout s'y déduit, avec la symétrie du syllogisme, depuis la fulgurante Triade, le Dieu Père, Fils, Saint-Esprit, dominant l'Empyrée, la Cour du Paradis, la ViergeMère, les Patriarches, les Saints et les neuf chœurs de l'Ordre Angélique, - jusqu'aux cercles de l'Enfer, immense excavation de notre globe. Entre deux, les régions du cinquième corps ou éther, du feu, de l'air, de l'eau, de la terre avec le Purgatoire, notre terre minuscule érigée au centre et en reine de l'univers. Tout s'ordonne autour du chétif ellipsoïde, notre séjour, théâtre d'un grand drame en trois actes: Chute,

1. Faust, trad. Blaze, 1 partie.

Rédemption, Résurrection. Tout y pivote autour du Calvaire, d'où jaillit, avec le sang expiateur, la grâce des sept Sacrements qui sauvent et régénèrent, où trône sous la croix, abritant lui-même et consacrant la série des pouvoirs temporels présidée par César, l'héritier de Pierre, le chef de la hiérarchie sacro-sainte, le Pape, le vicaire du Christ, élevant dans ses mains la chair et le sang du Christ. Comédie divine (au sens dantesque du mot), où l'éternel Tentateur, le Happeur des âmes, bien qu'assujetti à l'omnipotence céleste, joue dans une certaine mesure le rôle de l'Arhiman de Zoroastre, opposant son règne, ses conquêtes, sa hiérarchie diabolique, au règne, aux conquêtes, à la hiérarchie de Dieu.

L'étendue de ce cadre prouve et le génie de celui qui le sut remplir avec tant de précision et d'opulence, et la portée de la religion qu'il embrasse.

Le catholicisme s'y montre comme la synthèse d'une époque. Il forme un vaste ensemble de croyances théologiques et métaphysiques, comprenant tous les aspects de la nature et de la vie. Mais, dans la période qui nous occupe, cette construction doctrinale est ruinée par la Critique. Les vérités que celle-ci lui opposera apparaissent, soit dans les pressentiments d'une philosophie échappant au joug de l'Église, soit dans les découvertes qui l'annoncent, relativement au vrai système cosmique.

Le cardinal de Cusa prélude aux travaux de Copernic. La pensée de la Renaissance se heurte à cet opaque firmament de cristal qui enclôt l'univers mesquin des

scolastiques avant que le savoir exact le brise, elle l'a déjà fendu, et, par des fissures, aperçoit l'infini des mondes.

Un homme se rencontre alors à Florence, au foyer de l'esprit nouveau, pour le combattre, pour lui substituer une réforme du catholicisme, relevant des trois tendances chrétiennes que nous avons distinguées.

Comme Augustin, en effet, Savonarole fut, axant Luther, le champion de la grâce divine.

Comme les franciscains, il aspire au règne de Dieu sur la terre par la réorganisation évangélique de la société.

Comme l'ordre des prédicateurs qu'il illustra, il tient la théologie pour la science des sciences, la science unique en quelque sorte, révélée à l'Église. Les défaillances morales de celle-ci ne sauraient altérer son autorité. Il demeure en ce sens profondément orthodoxe, revendiqué bien à tort par les protestants.

On sait le mépris de Luther pour le développement théologique et légendaire du christianisme, que la réforme protestante voulut ramener à son état primitif.

Elle fixa très arbitrairement cet état par le choix de quelques dogmes composant son Credo à l'exclusion des autres, et dont elle attribua aux premiers siècles la formule précise adoptée par elle. Ainsi la Rédemption, dans sa forme rigoureuse, la Substitution vicaire, qu'elle lui prête avec insistance, ne date que de saint Anselme (onzième siècle), et la Prédestination ne

remonte qu'à saint Augustin. « Ils ont, dit des réprouvés l'évêque d'Hippone, été faits vases de colère pour l'utilité des saints 1. >>

Assurément le prédicateur florentin insista, lui aussi, sur ce dogme de la grâce, sur le mystère du salut personnel, et, par ce côté, il a des affinités étroites avec le protestantisme; mais il reste fidèle à la thèse catholique, en disciple dévoué de l'auteur de la Somme, vantant l'œuvre de l'Église, son autorité, qui, selon l'esprit du Moyen-Age, règle en maîtresse l'ordre social dans son ensemble. Elle doit dominer l'humanité, dont le salut collectif ne dépend pas moins d'elle que le salut de chaque fidèle dans sa relation à Dieu. Et cette Église, dans une vision demeurée célèbre, il se la représente sous une image plastique et colorée, avec ses organes, ses hiérarchies, se développant comme dans une sorte de fresque analogue aux vastes machines où les peintres, depuis Giotto, théologisent à leur mode sur les parois des églises et des cloîtres. C'est le Triomphe de la Croix, titre de son apologétique latine, qu'il appropria lui-même dans une imitation italienne aux besoins de la controverse populaire.

« Posons d'abord devant nos yeux un char à quatre roues, et sur ce char le Christ en appareil de triomphateur, couronné d'épines et tout navré de plaies. En quoi se démontre tout à fait sa passion et mort, par lesquelles il vainquit le monde entier. Et sur son chef qu'il y ait une lumière comme un soleil

1. SAINT AUGUSTIN, Contre Julien, liv. V, chap. IV.

qui ait trois faces en représentation de la Sainte Trinité, de laquelle procède une admirable splendeur qui illumine son humanité avec toute l'Église. Que dans la main gauche du Christ soit la croix avec tous les autres instruments de sa passion, et dans la droite l'Écriture du Vieux et du Nouveau Testament. Ensuite, place à ses pieds le calice avec l'hostie, et d'autres vases d'huile et de baume avec les autres signes des sacrements de l'Église. Sous ce premier degré où est le Christ, soit la très pieuse Mère de Dieu, la Vierge Marie, sous le degré de laquelle on dispose tout à l'entour des vases d'or et d'argent, et de pierres précieuses, pleins de cendres et d'os de morts. Que devant le char soient les Apôtres et les Prédicateurs, si bien qu'ils paraissent traîner le char. Qu'ils soient précédés par les Patriarches et les Prophètes avec une innombrable multitude d'hommes et de femmes du Vieux Testament. Autour du char, comme une couronne, soit une très-grande multitude de martyrs, près desquels il y ait les docteurs de l'Église avec des livres ouverts entre leurs mains, et avec eux une innombrable multitude d'hommes et de filles vierges, ornés de lis. Ensuite, que derrière le char suive une foule immense d'hommes et de femmes de toute condition, savoir: Juifs, Grecs, Latins, Barbares, riches, pauvres, doctes, ignorants, petits, grands, vieux et jeunes, lesquels tous d'un seul cœur louent Christ. Et autour de toute cette multitude, ainsi composée, du Vieux et du Nouveau Testament, plaçons d'innombrables troupes des ennemis et contradicteurs du Christ, assavoir: empereurs, rois, princes, puissants, sages, philosophes, hérétiques, esclaves, libres, hommes, femmes, et gens de toute langue et de toute nation. Après eux soient figurées les idoles renversées et détruites, et les livres des hérétiques brûlés, et toutes les sectes contraires au Christ confondues, et toute autre religion abattue et réprouvée. Ce char ainsi représenté et ordonné devant nos yeux sera comme un nouveau moyen par lequel nous acquerrons une nouvelle philosophie1. »

1. Libro primo della verita della Fede sopra el triumpho della Croce di

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