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Sans cette ressource, le gros sel du dialogue se perdrait trop souvent sous l'euphémisme d'une interprétation, qui n'est, d'ailleurs, pas toujours possible.

« Dès que je vis son âge, je commençai à me plaindre de son visage contrefait, à crier que l'entremetteuse m'avait trompée. Lui alors « Ne pleure pas, petit cœur (animula), nam cujus nunc tortum os fugis, haud multo post rectum nervum experiere; quod fuit. Nihil enim illo tentius passa sum unquam.»

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CHARO: Ite, infelices, in ignem coituræ, ævumque illic miserrimum acturæ... Et toi, l'homme au capuchon, qui es-tu? - Un frère. De quel ordre? - Je n'ai pas changé qu'une fois d'ordre. Pourquoi ? Pour tromper plus facilement. Le jour j'entendais les femmes en confession, la nuit je rigolais dans les tavernes (græcabar in ganeis). »

Voilà, aiguisée par une critique plus sérieuse, la satire contre le froc où se complurent en leurs fabliaux et leurs sirventes les poètes des siècles de foi naïve et passionnée.

Ce contraste du moine raillé et magnifié tout ensemble par le Moyen-Age, avant que l'esprit philosophique discute son utilité', cette opposition, bizarre en apparence, veut être expliquée.

Elle ne peut l'être que par le haut idéal qu'il représente, et parce qu'il devient trop souvent en réalité.

L'ascétisme du cénobite est, par excellence, sous l'empire du mysticisme, l'expression du même génie contemplatif, qui, dirigé par la raison, fait les penseurs

1. Voy. ERASME, Colloquia.

LES MÉDICIS.

II. 10

solitaires, les austères poursuivants de l'idéal. Spinoza, Kant, furent moines de la libre-pensée... On retrouve ce type à tous les siècles, dans toutes les philosophies et dans toutes les religions, depuis l'Inde des Brahmes jusqu'à la protestante Allemagne, depuis les monastères du Thibet jusqu'aux communautés moraves.

Pourtant, même aux âges de foi simple, le moine est en butte aux satires, par le contraste frappant de ses mœurs relâchées ou vulgaires avec la haute idéalité dont il fait profession. Ce grand peuple célibataire, démesurément multiplié à l'époque de la Renaissance, est à la fois très populaire et très discuté aux yeux du monde. On se moque de lui, on ne peut s'en passer, comme instrument des grâces célestes, dont les ordres mendiants trafiquent à bas prix. On attend tous les services de ces hommes sans famille et sans patrie, mêlés à tous et prêts à tout. Ainsi Benvenuto Cellini les méprise profondément, et il recourrait avec une conviction parfaite au premier frocard qui voudrait l'absoudre d'un coup d'épée donné à un chrétien, ou de toute autre peccadille. Celui qui est homme et non pas moine, » dit-il dans ses amusants Mémoires, observe sa foi » dans quelque position qu'il se trouve; or, comme je > suis homme et non pas moine, je ne manquerai ja> mais à la plus simple promesse'. » Et comme Machiavel, dans la Mandragore, les montre intrigants,

1. BENVENUTO CELLINI, Memoires, trad. Leclanché, t. I, p. 263.

entremetteurs d'amour, « beaux débrideurs de messes ▷ et d'oraisons, » ces pères Fatutto!

Nous les retrouverons dans cette œuvre forte qui éclaire d'un jour plus vif les mœurs intimes du temps.

Si Pontano est moins profond, il n'est, d'ailleurs, pas moins mordant.

Caron poursuit l'interrogatoire de son frocard.

Un évêque.

« D'où tirais-tu de l'argent pour tes débauches? - Par fraude, par larcin, j'abusais les femmelettes, je dérobais les trésors du sanctuaire. Tu expieras dans les flammes tes fraudes et tes sacrilèges... Eh! toi, si blanc de peau, et qui marches comme un canard, dis-moi qui tu es? Il est étonnant que tu sois si ventru. - Nullement étonnant, car je me suis appliqué à cela seulement, j'ai colligé pour cela tous les revenus de mon église. Bien plus, je prêtais à usure. N'avais-tu pas assez de ce qui chaque année te revenait de ton église? C'était assez pour mon ventre, l'usure servait au reste... (at fornus serviebat peni); car j'entretenais plusieurs concubines, et je séduisais volontiers avec de l'or les femmes mariées. Malheureux, si faible sur tes pieds, avoir une telle panse à porter! Plus malheureux encore, pour avoir eu ton âme à charge, pour avoir pris pour tes Dieux ton ventre et le reste (cui... venter penisque dii fuerint)! Tout à fait malheureux de ne t'être pas connu toi-même ! D'autant moins as-tu pu connaître Dieu dont tu étais le ministre. Va-t'en donc, misérable! Ta pénitence est trop tardive... Mais toi, qui es-tu, dont le visage est si abattu, la face si pleine de pudeur?-Une infortunée jeune fille. Quelle est la cause d'une affliction si accablante? Plût à Dieu que je manquasse de mémoire ! — Non, je me plais à espérer pour toi. Car, si par contrainte tu as commis quelque péché, tu seras châtiée d'une peine plus légère. - Malheureuse que je suis, j'ai été trompée ! - Qu'as-tu perdu par fraude? Infortunée !... la virginité. - Qui t'a séduite? Un vieillard,

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un prêtre. Par quel artifice? - J'allais souvent aux églises prier Dieu qu'il facilitât mon mariage, qu'il me donnât un époux. Le doyen d'un de ces temples me complimenta, il me dit d'avoir bon espoir, et se montra très bienveillant envers moi. Donc, sitôt qu'il m'eut entendue en confession quelquefois, et qu'il eut reconnu ma simplicité : « Cesse, dit-il, ma fillette, de demander à Dieu un époux : il t'ordonne de ne pas te marier. › Moi alors: « Puisque tu m'y exhortes, ô mon père, je donne et je voue à Dieu ma virginité. » Aussitôt lui, me louant: « Ce que tu as donné à Dieu, chère fille, il est nécessaire que tu l'offres à quelque église. » Et moi : « A quelle église, mon père, l'offrirai-je plutôt qu'à la tienne ? » « Or çà, comme il faut que la possession de cette offrande à mon église, pour qu'elle soit mieux acceptée de Dieu, soit prise en son nom par moi, retiretoi, ma fille, pour revenir près de moi demain matin. Cette nuit, en effet, je prierai Dieu qu'il veuille ratifier et tenir pour juste cette oblation. Toi, dès que tu te seras bien lavée, revêtant une robe neuve (novo induta supparo), retourne vers moi. Car il ne nous est permis de toucher rien que de neuf; surtout, aie soin de venir seule et sans témoin. Avec ceux en effet que Dieu prend de sa main, il ne doit y avoir aucun témoin. » Le matin donc, dès que je fus arrivée auprès de lui, aussitôt il me mena dans une chapelle où était placée une statue de Dieu Tout-Puissant, autour de laquelle brûlait une grande quantité de cierges. Là, dès que nous eûmes fait tous deux notre oraison: «Ma fillette, dit-il, ôte ta chemise et ta robe; car, comme Dieu et tous les habitants du ciel sont nus, il veut qu'on s'offre à eux nu. › Dès que je fus nue, lui me chatouillant les tétins : « Ils sont à mon église, dit-il. » Puis, me caressant de la main le menton : « Cela aussi est à mon église ». Ensuite, effleurant mes joues du bout des doigts « Ma fille, reprit-il, la possession du visage ne peut avoir lieu que par le visage.» Et, après m'avoir embrassée trois fois « Ces lèvres, dit-il, sont à mon église. » Et, après qu'il eut dit ainsi que ma poitrine, que mon ventre étaient à son église, il m'ordonna de me coucher... Infortunée! Alors, palpant mes genoux, ines cuisses: Dieu, dit-il, toi qui as si délicatement,

si élégamment formé ces cuisses mignonnes, ce petit ventre si correct, avec ces petits bras faits au tour, regarde... »

Revenons au latin. Outre qu'on ne peut achever en français, le sacrilège odieux de cette oraison ressortira mieux du texte parodié d'une portion de la messe.

Le prêtre dit à l'Offertoire, après avoir mis le vin dans le calice:

« Deus, qui humanæ substantiæ dignitatem mirabiliter condidisti et mirabilius reformasti, da nobis, per hujus aquæ et vini mysterium, ejus divinitatis esse consortes, qui humanitatis nostræ fieri dignatus est particeps. »

Pontano fait dire à son prêtre :

« Deus... qui tumidula hæc femora castigatulumque ventrem, cum brachiolis his teretibus, tam venuste molliterque formasti, aspice virgunculam tuam et ista possessione lætare. »

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> Ter hæc cecinit, continue-t-il, ibi ut omnia transigeret, id respexit quo mulieres sumus. « Et illud, inquit, filia, manu capiendum est. Verum, ut oris capta est ore possessio, sic tui quoque illud meo hoc est capiendum. » Oh! malheureuse, que n'ai-je alors expiré ! CARON: Comment, depuis, as-tu reconnu qu'il t'avait séduite? - Pendant qu'il jouissait avec ardeur de ma possession (dum ille studiosius fundum colit suum), je devins enceinte, et, enfin, je mourus des suites de l'enfantement. - Ne t'a-t-il pas absoute, à la mort? - Oui. Sois donc sans crainte. Nos juges t'absoudront à leur tour... »

Une société très mêlée, très curieuse, revit dans cette littérature. L'importance de la prostitution, élégante, fastueuse, acceptée presque comme une institution so

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