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» puissance de Dieu. Le rachat du péché fut regardé » comme un mystère de la volonté divine, qui ne s'ac>>complissait pas par degrés dans notre vie, mais qui » s'accomplissait à un instant donné et par une sorte » d'évocation magique. Le prêtre fut ce magicien qui >> faisait sortir la clémence du ciel et la versait sur la > terre. Ainsi le signe, qui avait été inconnu ou fort » négligé dans les plus beaux siècles du christianisme, » devint prépondérant au point de tout éclipser, de >> tout effacer, de tout absorber;... ce signe ou ce sacre>ment n'aurait rien signifié, si sa vertu eût été incer> taine ou douteuse. Dès qu'on faisait intervenir Dieu à >> un instant donné pour guérir l'âme du pécheur, la >> cure devait être radicale... Dieu, agissant ainsi, ne >> devait pas, comme un médecin ignorant, manquer la > guérison. Il fut donc convenu que l'action curative » s'opérait instantanément et spontanément, par l'effet » de cette parole du prêtre : Je vous absous.

>> Que devenaient alors la contrition et le désir de la >> satisfaction? On ne pouvait s'empêcher de reconnaître >> qu'elles étaient réellement les seules causes du sacre>ment. Pourquoi donc ne suffisaient-elles pas ? Pour>> quoi fallait-il le prêtre ? Et, si le prêtre venait à » manquer, Dieu refusait-il la grâce ?

» Il faut voir, à ce sujet, l'embarras des docteurs >> catholiques, lorsque vint plus tard, au temps de la >> Réforme, une critique sérieuse de leur théologie. » Lisez le catéchisme du Concile de Constance : d'un

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» côté il érige en principe que « c'est par la force des >> paroles prononcées par le prêtre que l'âme du pécheur >> est dégagée du lien de ses péchés, qui la tenait captive › auparavant »; mais, immédiatement après cet axiome, il ajoute : « Et il faut bien observer que le prêtre » prononce avec vérité et efficacement ces paroles sur > une personne qui a même déjà obtenu de Dieu le par» don de ses péchés par la force de son ardente contri>tion jointe au désir sincère de s'en confesser. » Ainsi, » d'un côté, la contrition seule peut nous procurer le pardon de nos péchés, mais d'un autre côté Dieu » réitère tout à fait inutilement son opération, unique> ment sans doute pour que le prêtre paraisse toujours >> nécessaire au sacrement. Enfin, pour lier ces contra› dictions, le catéchisme a imaginé cette subtilité : que > la contrition d'une faute, pour être efficace, doit être > jointe au désir sincère de s'en confesser.

» Ainsi la confession fut non-seulement l'instrument »> nécessaire et tout à fait indispensable de toute expiation, mais elle devint encore la partie principale et › prédominante de la pénitence 1. Or cette prédominance ⚫ de la confession sur le repentir a entraîné d'infinis » désordres; car on en a conclu, et on devait en con> clure que, la confession effaçant la faute, le repentir

1. Il n'y a point de crime, quelque horrible et quelque grand qu'il soit, qui ne puisse être effacé par ce sacrement, non-seulement une fois ou deux fois, mais même toutes les fois qu'il sera commis. >>

(Catéchisme du Concile de Constance, article du Sacrement de Pénitence.)

» devait cesser immédiatement après l'absolution'. » Si la logique règne, heureusement elle ne gouverne pas toujours.

Une discipline morale quelconque ne peut, sauf exception, que fortifier les bons instincts de notre

nature.

Mais si, pour rester dans l'Église, pour éviter les flammes éternelles, le repentir sincère est obligé, s'il faut de bonne foi renoncer au péché favori, l'Évangile a raison il n'y a qu'un très petit nombre d'élus. Mais quelle action disciplinante la religion garde-t-elle alors sur la foule? Que devient la religion, que devient l'Église universelle ?

Allons au fond. Faut-il imputer ces conséquences au catholicisme, au christianisme même, ou au monothéisme, au dogme abstrait dont ils dérivent : un Dieu jugeant les hommes, Dieu personnel, aux attributs humains amplifiés?

Deux grandes religions se partagent presque tout le globe: le monothéisme chrétien, l'idéalisme bouddhique. Il faut le reconnaître, la doctrine du salut bouddhique paraît supérieure à la théorie du salut chrétien, justement par l'absence dans la première d'une volonté dirigeante, anthropomorphe, que l'homme dominé dans ses passions, et en quête, au meilleur compte possible, du bonheur éternel, cherche, qu'on me passe le terme, à

1. Encyclopédie nouvelle, P. LEROUX, art. Confession.

mettre de son côté. De là le stratagème casuistique, au défaut d'une renonciation bien rare au péché favori. La loi bouddhique, au contraire, n'est qu'une loi naturelle avec laquelle la destinée humaine tend à s'harmoniser naturellement. Cherchant loin du trouble passionnel le repos définitif, s'élevant plus ou moins dans ses étapes vers le Nirvâna, le fidèle ne se propose pas de modifier un infini vouloir. Il ne craint pas d'offenser Dieu. Le mot damnation n'a pas de sens pour lui.

La difficulté de cette matière, tant controversée, du pouvoir disciplinaire ecclésiastique et des indulgences, gît dans la confusion aisée à faire entre la société chrétienne appliquant une pénalité toute terrestre aux délits de ses membres, commuant ou remettant ces peines, et la même société, qui, intervenant par ses représentants et ses chefs entre le pécheur et la justice céleste, oblige celle-ci à lever ou diminuer les satisfactions dues par le premier dans un autre monde. Dès l'origine de l'Église, on la voit pratiquer la discipline que toute société exerce sur ses membres, se réservant, tout au moins, d'exclure les indignes, tous ceux qui ne remplissent pas les conditions attachées à leur admission dans le corps. Les premières manifestations de ce pouvoir inhérent à toute association apparaissent sous les apôtres, dès que l'Église est constituée1.

Au troisième siècle, cette discipline est en pleine

1. Voy. notamment, II Cor., XI, 6, 7, 8 et 11. Hist. ecclés., liv. II, ch. LIV.

Voy. aussi FLEURY,

vigueur, comprenant : 1° le retranchement du coupable de la société ecclésiastique; 2° la pénitence à laquelle il est soumis; 3° l'exomologèse, ou confession publique qu'il fait de son péché; 4° sa réconciliation, ou le droit de communier, qui lui est restitué par l'imposition des mains de l'évêque et de son clergé '. Le concile d'Ancyre, en 314, reconnaît aux évêques le pouvoir d'abréger le temps et de diminuer les épreuves de la pénitence 2. Le onzième canon du concile général de Nicée (325) confirme ces prescriptions3.

Telle est l'origine de la juridiction disciplinaire que nous verrons se développant; sur ces bases inattaquables, cette discipline est acceptée et même exagérée par la Réforme, qui prétend revenir aux us de l'Église primitive.

« Les péchez publiques, dit Calvin dans son Institution chrétienne, sont ceux qui ne sont pas seulement cognus à un ou à deux tesmoins, mais ont esté commis manifestement, et avec scandale de toute l'Église. J'appelle péchez occultes non pas ceux qui sont du tout incognus des hommes, comme sont ceux des hypocrites (car ceux-là ne viennent point en la cognoissance de l'Église), mais ceux qui sont tellement secrets que quelquesuns les cognoissent. La première espèce ne requiert point qu'on y procède par les degrez que Jésus-Christ met au dix-huitième de saint Mathieu; mais quand il advient ainsi quelque scandale notoire, l'Église doit du premier coup faire son office en appelant le pécheur et le corrigeant selon la mesure de sa faute. »>

1. FLEURY, Hist. ecclés., liv. VI, ch. XLII.

2. Ibid., liv. LX, ch. XVI.

3. Ibid., liv. LX, ch. XXI.

4. CALVIN, Inst. chrétienne, liv. IV, ch. XII.

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