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partageant avec elle, la consacraient d'ordinaire commer une manifestation de Dieu! Qu'eût-ce été si la théocratie, triomphant de toute résistance, eût joint le pouvoir matériel à son prestige sacré?

Grandie sous l'aile des princes, le peuple étant trop au-dessous d'elle pour la comprendre et la féconder, la Renaissance italienne ne pouvait combattre, au moins de face, ces deux puissances. Trop souvent, au contraire, elle devait être entraînée de leur côté, pourvu qu'elles lui fissent sa part. S'accommodant des libertés de l'esprit, réservées à une élite comme un privilège, ne pouvaient-elles pas donner dans leurs rangs une place à ces privilégiés de l'intelligence?

Une révolution inattendue dérangea ces calculs, s'ils existèrent la Renaissance en fut la première victime. Mais peut-être un mouvement si favorable en somme au progrès eût tourné contre le progrès, s'il n'eût pas été repris ailleurs dans des conditions plus propices. Arrêtée par la Réforme, la Renaissance italienne céda le champ à la philosophie, aussi libre qu'elle, mais plus humaine et populaire, qui s'annonçait en France. Insuffisant ou dévié, le mouvement italien ne reste pas moins, par sa base rationnelle, le point de départ d'une émancipation à laquelle la foule devait finalement participer. C'était, du reste, un progrès déjà qu'un changement dans la nature de l'exploitation politique. La Féodalité avait fait son temps. Somme toute, la centralisation monarchique assurait aux peuples une existence meil

leure. Machiavel ne s'est pas trompé en prenant parti pour la tyrannie de Borgia contre les seigneurs à peu près indépendants du domaine ecclésiastique.

Mais il faut voir aussi le mal. On s'explique alors qu'une protestation, bien moins favorable que la Renaissance à la vraie civilisation, se soit produite contre la Théocratie, consacrant le despotisme. En effet, les représentants de la Renaissance pactisaient avec celle-ci, ou ils n'étaient pas assez forts pour la réformer. Cela seul légitimera le Protestantisme. Mais, en attendant qu'il s'insurge à la fois, au nom d'une superstition réduite, mais d'autant plus intense, contre la superstition antique et contre la raison, l'autorité catholique semble prendre à tâche de le justifier.

Le 24 novembre 1499, devant un peuple immense, Alexandre VI, entouré de sa cour, ouvrait le Grand Pardon.

Jamais plus riche trésor ne fut offert aux fidèles. Tout chrétien pouvait gagner ce jubilé sans aller à Rome, pourvu qu'il contribuât aux frais d'une prétendue croisade contre les Turcs 1.

Un trône était dressé devant Saint-Pierre. Rebâtie depuis sur les plans de Bramante, Michel-Ange, Peruzzi et Maderna, la vieille basilique, élevée par Constantin, subsistait encore presque intacte, avec sa façade reproduite dans l'Incendie du bourg de Raphaël.

1. Contin. de l'Hist. ecclés. de FLEURY, liv. CXIX, ch. LXXIII.

Après que le pape s'est reposé quelques instants, le premier Prince assistant au trône pontifical lui présente un marteau d'or qu'il prend de la main droite.

Alexandre descend alors de son siége vers la porte sainte, close d'un mur après chaque Jubilė. Trois fois, en haut, en bas, au milieu, il frappe ce mur en disant : « Aperite mihi portas Justitiæ, etc... Ouvrez-moi les >> portes de Justice, et, quand je serai entré, je glori» fierai l'Éternel. >>

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« LE CHŒUR : C'est ici la porte de l'Éternel: les justes y entreront. Je te célébrerai, ô Dieu, car tu » m'as exaucé, et tu m'as délivré. La Pierre que ceux » qui bâtissaient avaient rejetée, est devenue la princi» pale de l'angle. Cela est advenu par le Seigneur, et >> c'est une merveille à nos yeux 1. »

A ce signal, le mur symbolique est démoli par les maîtres-maçons de la fabrique de Saint-Pierre. Les chants de triomphe éclatent : « — Hæc dies quam fecit » Dominus... C'est ici le jour du Seigneur... Égayons>> nous et réjouissons-nous... Benedictus qui venit in » nomine Domini... 2 »

Ces pompes de la curie romaine, où la majesté des rites principaux, la masse des officiants, masquent les puérilités byzantines du détail, se peuvent voir encore, aux grandes féries catholiques, reportant le spectateur aux beaux jours de la théocratie.

1. Psaume CXVIII, vers. 19-24. 2. Psaume CXVIII, vers. 24-26.

Le nombre des dignités, le costume des dignitaires, des officiers, des gardes, ont peu changé. Entre les plumes de paon des éventails, la tiare aux trois couronnes ruisselantes du feu des pierreries, le long vêtement blanc et or du pontife, dominent toujours, du haut de la chaise gestatoire, les mitres des cardinaux, des évêques, la bure des ordres mendiants. Les chapes d'or tranchent sur les manteaux de velours noir, les cuirasses damasquinées de la maison laïque et militaire. Mais, ce qui devait dépasser en éclat pittoresque ces cérémonies de Saint-Pierre, ce fut la cavalcade d'Alexandre VI du Vatican aux trois basiliques de Sainte-MarieMajeure, Saint-Jean-de-Latran et Saint-Paul.

En tête du cortége s'avançaient quatre trompettes, quatre hautbois, quatre timbaliers;

Douze chevau-légers;

Les porte-manteaux des ministres d'État et des cardinaux. A la croupe de leur monture est leur valise, écarlate, galonnée d'argent et brodée d'or, d'où pendent de chaque côté plusieurs cordons de soie terminés par des houppes, signe armorial de la prélature.

Le long de la cavalcade, l'ordre est maintenu par les anspessades armés de lances garnies d'argent.

Viennent ensuite :

Les massiers des cardinaux, chacun portant sur l'épaule droite une masse d'argent aux armes de son maître; Les gentilshommes et les aumôniers des cardinaux, des ambassadeurs et des princes;

LES MÉDICIS.

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Un groupe de gentilshommes et barons romains.

On voit ensuite quatre écuyers du Pape, son tailleur, tous en cape rouge;

Douze porte-manteaux, vêtus de même, et ayant en croupe des valises de velours rouge brodées d'or;

Des valets d'écurie en casaque de serge rouge menant par la bride les haquenées du roi de Naples couvertes de housses de soie frangées d'or et lamées d'argent.

Suivent d'autres serviteurs tenant en main des mules. caparaçonnées de velours rouge à franges d'or; Deux officiers à cheval;

Le Maître des écuries du Pape, à cheval, suivi d'un grand nombre de ses estafiers à pied;

Six litières couvertes d'écarlate brochée d'or, et de velours rouge garni de pierreries;

Les Nobles romains en habit de gala et superbement montés la crinière des chevaux est ornée de rubans aux couleurs de la livrée du maître, qu'accompagne à pied un nombreux domestique. Pour éviter les conflits de préséance, ces nobles chevauchaient sans ordre.

Voici les Orsini. Ils portent bandé d'argent et de gueules de six pièces, au chef d'argent chargé d'une rose de gueules. Leur chef est Premier Baron romain et Prince du Trône, comme celui des Colonna.

Voici les Conti. Ils portent de gueules à l'aigle échiqueté d'or et de sable.

1. Celles qu'il offrait chaque année au pape, son suzerain, en vertu de sa tenure féodale.

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