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décrète et fulmine pour elle, expropriant le seigneur de Camerino, Jules-César de Varano, meurtrier de son frère Rodolphe. Les Orsini sont là pour exécuter la

sentence.

Du même coup, César emprunte à Guid' Ubaldo d'Urbin ses troupes, son artillerie, alors fameuse, puis dépouille de son duché cet allié désarmé (1502).

Par sa sœur, mariée à Alphonse d'Este, il a prise sur Ferrare; par ses secours bien payés à Bentivoglio, sur Bologne.

Restent les exécuteurs de ces hautes œuvres, les Orsini et leurs alliés. Devenus inutiles, ils étaient une gêne et une proie. Peu intéressantes victimes! leur vie rappelle trop celle de leur bourreau1.

C'est un Oliverotto da Fermo. Orphelin et élevé par son oncle Jean de Fogliano, il sert sous Vitellozzo et se distingue. Après l'expédition de Camerino, qu'il a faite comme lieutenant du général de l'Église, il obtient de son oncle d'entrer en triomphe à Fermo avec ses compagnons d'armes. Là, après quelques jours mis à profit pour un grand projet, il invite son oncle, seigneur, et les premiers personnages de Fermo à un repas. Les

1. Bien que la raison ne voulût pas qu'ils attendissent le duc et qu'ensuite ils se missent sottement entre ses mains, néanmoins la bonne fortune du duc prévalut, ou, pour mieux dire, ce fut la punition méritée qui, finalement, par l'effet de la justice divine, devait atteindre les nombreux forfaits de ces hommes, si bien que leur astuce et leurs fraudes accoutumées ne les sauvèrent pas de la ruse d'autrui. »

(NARDI, Hist. flor., liv. IV, ch. XLVI.)

premiers moments donnés à la bonne chère, aux propos indifférents, Oliverotto détourne la conversation sur les entreprises des Borgia. Les paroles devenant sérieuses, il fait observer que de tels sujets veulent être traités dans l'intimité. Il introduit Jean et quelques autres convives dans une salle retirée. Ils y sont tués par des soldats apostés. Cependant ses bandes envahissent la ville le soudard pille, viole un peu; on arquebuse, on sabre dans la rue, on court la terre (corse la terra)... c'est l'euphémisme officiel de ces mauvais coups! Le palais de la Seigneurie est cerné : le triomphant neveu obtient des magistrats assiégés le plébiscite qui le proclame Prince et sauveur de la patrie1.

Tous les autres sont des sauveurs de même farine, rompus aux coups de main ou aux coups d'État. Oliverotto, dit Machiavel, avait eu pour professeur dans les armes et dans le crime (maestro delle virtu (!) e sceleratezze) Vitellozzo Vitelli: l'élève révèle le maître.

Paul Orsini, seigneur de Mentana, duc de Bracciano, beau-père de Vitellozzo par sa fille Camille, est cousin au troisième degré de François, duc de Gravina, et, à un degré plus lointain, d'un autre Orsini, victime aussi de César, Jean-Baptiste, archevêque de Tarente, cardinal-archiprêtre de Sainte-Marie-Majeure.

Il y a de plus, mêlés à ces tragédies, un Rinaldo Orsini, archevêque de Florence, Orsini le protonotaire, Giulio,

1. MACHIAVEL., Il Principe, cap. VIII.

Mutio, Organti, tout un clan énergique et compacte, discipliné par la même ambition héréditaire, par ces instincts de conservation et de proie, loi des dynasties, comme des espèces animales'.

On a beaucoup disserté sur les origines du Pouvoir : on a recherché dans l'absolu théologique la base du droit divin des rois et des oligarques, dans l'absolu métaphysique celle de la souveraineté populaire. Au fond de ces enquêtes sans issue, où le fondement du droit se dérobait, le Pouvoir est apparu à la Raison moderne comme un phénomène zoologique. Ce point de vue exclut-il une idée plus haute des rapports humains? Permet-il de les regarder sous un autre aspect que celui

1. Généalogie de quelques Orsini cités :

JEAN D'ORSINI surnommé CAIETANO,
(XII° siècle).

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qu'ils offrent tout d'abord? Une compétition d'appétits servie par des forces, violentes ou rusées, et dominée par l'adage fondamental traduit sous mille formes dans l'histoire naturelle et dans l'histoire politique: Væ victis!... Homo homini lupus... Nominor leo...

Attristé par la contemplation des nécessités organiques de l'existence individuelle ou sociale, comment l'esprit retrouverait-il la notion de moralité et de progrès? N'est-ce pas en deux ordres connexes de faits, l'un donné par le développement social, l'autre fourni par la satisfaction que ce développement offre, toujours plus large et plus profonde, à nos sentiments sympathiques? Raisonnant en histoire sur une série de phénomènes où chaque terme actuel répond mieux que le précédent aux exigences de la sensibilité, notre sympathie se prononce de plus en plus pour ce qui tend à la mieux satisfaire, pour le régime industriel contre l'activité guerrière, pour la démocratie contre le despotisme.

La démocratie n'est elle-même qu'une force égoïste. Au point de vue des intérêts, toute puissance a ce caractère. Formée des éléments sociaux les plus nombreux, sous quel mobile la démocratie revendique-t-elle son droit? N'obéit-elle pas dans l'attaque, comme l'autorité (royauté, aristocratie militaire ou industrielle) dans la défense, à un appétit, à un intérêt ?

Mais, à côté de ces forces, la moralité a son domaine distinct et ses organes. Un instinct sympathique adéquat au sentiment de ma personne me lie aux personnes sem

blables ou analogues à la mienne. De là ce respect de la vie qui, poussé à bout, me condamnerait à mourir de faim, justifiant le but donné par le Bouddha à ses disciples Anéantir en soi le crime de vivre, puisque pour vivre il faut tuer.

En ce qu'elles ont de supérieur au calcul d'un gain céleste, les religions populaires exprimèrent jusqu'à ce jour cette force sympathique, base des idées de justice et de fraternité. Elles entrèrent comme facteurs dans les formules complexes de la civilisation, avec une valeur importante, quoique bien inférieure à celle des intérêts ou appétits égoïstes, source des pouvoirs temporels.

Ainsi, la moralité catholique consacra et régla l'ordre social au Moyen-Age, favorisant l'intérêt du plus grand nombre, seul rôle civilisateur d'une puissance spirituelle. L'Église, en produisant Alexandre VI, semblait abandonner ce rôle, au delà même des exigences du temps.

Mais, pour passagère qu'elle fût, une abdication si complète marquait un changement profond. Tout un ordre d'intérêts progressait désormais en dehors du catholicisme ou contre lui. L'intérêt monarchique prévalait dans l'Église sur le sentiment religieux. Le scandale des Borgia n'est d'ailleurs qu'une exception historique, mais où les terribles appétits du pouvoir, ses tendances naturelles et inévitables, apparaissent brutalement. L'histoire vraie d'une dynastie s'offre toujours comme

LES MEDICIS.

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