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Toutefois, grâce à la primeur du genre et de l'imitation, sous cette plume rompue aux élégances antiques, ce lyrisme décoratif garde du naturel. Mais quelle aisance, quel bouquet de fleurs villanesques dans l'adorable cabaletta que voici !

Non mi fuggir, donzella;

Ch' io ti son tanto amico,

E che più t'amo, che la vita e 'l core.
Ascolta, o Ninfa bella,

Ascolta quel ch' io dico:

Non fuggir, Ninfa, ch' io ti porto amore.

Non son qui lupo od orso;

Ma son tuo amatore.

Dunque raffrena il tuo volante corso.

Poi che 'l pregar non vale,

E tu via tidilegui,

El convien ch' io ti segui.

Porgimi, Amor, porgimi or le tue ale 1.

«Des ailes, des ailes!» pv πTĘρv det, comme disent Aristophane et Michelet...

Donne-moi tes ailes, Amour!...

Raffinée, non factice encore, cette poésie amoureuse est le thème favori de la Renaissance. Raisonneuse et passionnée, elle associe, dans un piquant contraste, l'érudition au naturel; elle combine les types opposés de son idéal. Un écrivain, dont l'écritoire semble une palette, tant il a le secret du ton intense et local, qui 1. Orfeo, vers 125-137.

2. ARISTOPH., Oiseaux, vers 1420.

peint avec le mot, exprime avec bonheur cet idéal complexe. Au Moyen-Age, dit M. Paul de Saint-Victor, l'Amour « devient l'enfant de chœur d'un culte idéal et » balance pieusement l'encensoir devant Beatrice et » Laura. La Renaissance lui rend son beau corps païen, > en lui laissant l'auréole mystique dont le christianisme » l'avait entouré. Redevenu sensuel, il reste subtil : › tantôt obscène et tantôt sublime, il passe de la théo›logie à l'orgie, et du rire de Rabelais à la rêverie de >> Platon ». C'est ce qu'on verra dans cette étude, où l'on voudrait résumer, par une revue des manifestations de l'art et de la vie extérieure à la fin du quinzième siècle, les contrastes qui marquent cet âge et le diversifient.

On vient d'assister à la première pièce dramatique écrite et représentée en dehors de toute tradition d'Église. Mais, en 1443, le poète de l'Altercazione, ce poème hétérodoxe, composait et faisait jouer par une association dévote, telle que celle de nos Confrères parisiens de la Passion, un mystère dans le goût du Moyen-Age : — La Rappresentazione di San Giovanni e Paolo composta dal magnifico Laurenzio de' Medici.

Cette naïve littérature a son point de départ en des œuvres rudimentaires d'invention, et pour l'exécution desquelles les chevilles du charpentier jouent un rôle plus important que celles du versificateur qui en assembla la charpente poétique. Tel fut ce mystère de l'Enfer, - comédie divine en action, dont Villani a narré

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le dénouement réellement tragique. Les gens de San Friano, accoutumés, selon le terme de nos aïeux, à jouer de ces momeries », avaient fait publier par la ville Que ceux qui voudraient savoir des nouvelles de l'autre monde se rendissent le jour des calendes de mai de l'an 1304 sur le pont de la Carraja et aux alentours, et ordonnèrent en l'Arno sur barques et petites › nefs certains eschaffeaulx, et y firent semblances et > figures de l'enfer, avecque feux et aultres peines et » martyres, ensemble hommes contrefaicts à démonie > (contrafatti a demonia), horribles à veoir, et aultres qui avoient figure d'âmes nues, et boutaient en iceulx » cruels tourments, avecque moult grands cris et noise » et tempeste, laquelle estoit à veoir et ouïr griefve et » horrible. Et pour ce nouveau jeu se déportèrent à » veoir moult bourgeois, et le pont plein et foulé de » gent, estant alors de bois, chut pour le poids avec la > gent qui estoit dessus, d'où moult de gent y mourut et » se naya dedans l'Arno et moult s'y navrèrent la per>>sonne, tant que d'esbattement fictif torna au vray, >> si que mesmement estoit au rolle d'ordonnance pré»> nuncié. Par ainsy moult par mort dévalèrent à quérir >> nouvelles de l'aultre monde, en grand'plainte et dou> leur par toute la cité, tant qu'un chascun y cuydoit › avoir perdu fils ou frère1».

Les amusements populaires en vogue durant tout le

1. Histoire de JEHAN VILLANI, liv. VIII, chap. LXX.

Moyen-Age, parmi les nations de notre Occident, se pénétrèrent de plus en plus de paganisme sous l'influence des artistes naturalistes. A Florence, ils seront le motif d'une littérature très-riche, les Canti Carnascialeschi,

quand les représentations des mystères et les processions n'auront plus le privilège d'être les seuls spectacles publics. Le théâtre profane vient de naître. La Mascarade va promener ses pompes historiques et païennes, au scandale des ennemis du platonisme et de la Renaissance. Comme moyen de gouvernement, comme une forme de ces distractions qu'il faut au peuple pour le détourner du forum, elle tendra même à devenir une institution choyée par les avisés Médicis. Ces Augustes du comptoir ne perdent jamais de vue la devise césarienne Panem et circenses. Ils remettent leurs dettes à leurs clients et les amusent, double voie pour les assouplir. En attendant qu'il raffinât en poète les réjouissances du Carnaval, Laurent composa, moins pour les lettrés que pour la foule, dont il ménageait les préjugés, le mystère de Saint Jean et saint Paul.

Profanes ou pieux, ces spectacles n'occupaient pas moins que les poètes, les artistes, particulièrement les architectes, alors ingénieurs. Il faut lire dans Vasari la minutieuse description de l'appareil dressé par Brunelleschi pour la mise en scène de l'Annonciation. Un paradis y figure avec groupes d'anges étagés jusqu'au Père Éternel, en ses gloires de carton, de sapin et de coton : les nues sont imitées avec des floques de coton (bambagia).

Tout cela,

qu'on me passe le mot technique,

par des trucs à faire envie aux machinistes des théâtres parisiens de féeries.

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Un jeu de cabestans, de câbles et de ressorts, fait virer au ciel, en trois cercles de girandoles, douze anges aux ailes dorées, aux cheveux d'or crêpés; dévaler huit autres anges dans un appareil 'ingénieux d'intermittentes clartés; s'agenouiller devant la Vierge, Gabriel l'annonciateur, pendant qu'un Dieu le Père, environné d'un troisième groupe d'anges, trône au roulement du tonnerre au sein des « suavissimes musiques et des lueurs infinies » '.

Outre les feste jouées par les Confrères, ou celles que les gentilshommes assistés par des artistes complaisants, artefici galantuomini, donnaient dans leurs maisons, chaque quartier célébrait annuellement sa solennité dramatique, excepté celui de Saint-Jean, qui remplaçait

1. Voy. VASARI: Vita de' Pittori, etc., Brunelleschi, ad finem:

<< Philippe Brunelleschi avait pour cet effet, entre deux solives, de celles qui soutenaient le toit de l'église, accommodé une demi-boule ronde en forme d'écuelle vide, ou de bassin de barbier renversé, laquelle demiboule était de planches minces et légères clouées à une étoile de fer qui faisait tourner le cintre de ladite demi-boule; et elles pesaient vers le centre, qui était en équilibre au milieu, où était un grand anneau de fer, autour duquel tournait l'étoile composée de tiges de fer qui soutenaient la demi-boule de planches. Et toute cette machine était soutenue par une poutre de sapin solide et bien armée de tiges de fer, laquelle était à cheval en travers du toit; et en cette poutre était cloué l'anneau qui tenait suspendue et en équilibre la demi-boule, laqueile, de terre, paraissait vraiment un ciel. Et, comme elle avait, du pied aux bords de dedans, certains appuis de bois assez grands (et non plus) pour qu'une personne y pût mettre les pieds, et à la hauteur d'une brasse, aussi en dedans, une contre-tige de fer, sur chacun desdits appuis se mettait un

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