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christianisme de Michel-Ange porte plutôt l'empreinte que celle de la foi tragique, anxieuse, du disciple de Port-Royal, au mystère sanglant de Golgotha.

Parfois, pourtant, cet élan de l'amant platonicien et platonique vers la Beatrice qui « emparadise son âme », pour parler comme Dante, et le mène à l'idéal suprême par l'idéalisation quintessenciée du type féminin (La forza d'un bel volto al ciel mi sprona1), parfois cette extase un peu alambiquée fait place aux attritions du chrétien étroitement obsédé par la préoccupation de son salut :

« Déchargé d'un importun et pesant fardeau, — Seigneur éternel, et dégagé du monde, tel qu'un frêle esquif, à toi, lassé, je me retourne, - d'une horrible tempête dans un doux

calme.

» Les épines, les clous et l'une et l'autre main percée, avec ton benoît, humble et déchiré visage,

1. MICHEL-ANGE, Rime, son. III.

2.

promettent grâce

Scarco d'una importuna e grave salma,
Signore eterno, e dal mondo disciolto,
Qual fragil legno, a te stanco mi volto
Dall' orribil procella in dolce calma.
Le spine, i chiodi, e l'una e l'altra palma,
Col tuo benigno umil lacero volto,
Prometton grazia di pentirsi molto,
E speme di salute alla trist' alma.
Non miri con giustizia il divin lume

Mio fallo, o l'oda il tuo sacrato orecchio,
Nè in quel si volga il braccio tuo severo.
Tuo sangue lavi l'empio mio costume,

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à beaucoup de repentir,

et espoir de salut à la triste âme.

>> Que la divine lumière ne regarde pas d'après la justice — mon péché, que l'oreille sacrée ne l'entende pas, lui ne se tourne pas ton bras sévère.

que sur

› Que ton sang lave mon existence impie, et plus me munisse, d'autant que je suis plus vieux,--d'une aide attentive et d'un entier pardon. »

Du reste, en dehors et au-dessus de cette préoccupation mystique, au delà de l'orthodoxie et même de l'idée religieuse proprement dite, ce que poursuit l'artistepoète, c'est l'enquête du Beau, l'identification de l'homme à l'idéal « splendeur du vrai », forme supérieure et parfaite impliquée dans les formes incomplètes et inférieures, c'est le grand apprentissage de l'art se confondant avec l'initiation à la Vertu. Virtù! Le sens italien du terme est moins moral qu'esthétique, ou plutôt, dans sa haute visée, la philosophie florentine qui inspire le sculpteur-poète, tend à réaliser la pureté et la bonté morales par l'accomplissement de la vie heureuse vouée à la contemplation du Beau'.

« Après que l'art entier et divin a appris de quelqu'un la forme et les actes, de celui-là, au moyen d'une humble matière dans un modèle simple, il opère le premier enfantement et vivifie son concept.

1.

Poscia ch' appreso ha l'arte intera e diva
D'alcun la forma e gli atti, índi di quello,
D'umil materia in semplice modello

Fa il primo parto, e 'l suo concetto avviva.

› Mais dans le second enfantement en dure pierre vive s'accomplissent les promesses du marteau; — d'où il renaît, et, fait illustre et beau, — il n'y a nul signe de prescription pour sa gloire.

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› Semblable, de moi modèle je naquis, moi, d'abord, - de moi modèle, pour œuvre plus parfaite afin de renaître puis de vous, dame haute et digne.

par

Si je faillis, et que mon imperfection soit corrigée votre pitié, quelle pénitence attendra, de la dédaigner, mon aveugle et vain penser ! »

Ainsi se marquent par un double courant poétique les influences qui dominent le développement moral et intellectuel de Michel-Ange: le mysticisme chrétien de Savonarole, le platonisme de Marsile Ficin et de Politien. Ces deux représentants de la grande école restaurée par Pléthon, présidèrent aux premiers travaux de l'artiste, dans la Maison de Laurent. Le motif du basrelief des Centaures lui fut, paraît-il, indiqué par Politien.

L'empreinte de Savonarole côtoie dans les Rime celle de Marsile, la sombre doctrine du Calvaire s'y oppose

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Ma nel secondo in dura pietra viva
S'adempion le promesse del martello,
Ond' ei rinasce, e, fatto illustre e bello,
Segno non è che sua gloria prescriva.
Simil di me model nacqu' io da prima,
Di ne model, per opra più perfetta
Da voi rinascer poi, donna alta e degna.
Se il men riempie, e'l mio soperchio lima
Vostra pietà, qual penitenza aspetta
Mio cieco e van pensier se la disdegna!

(Sonetto LVII.)

à la conception d'un christianisme idéal, symbolique, élargi autant qu'apaisé par la glose des sages : l'Évangile entrevu à travers le Phédon.

Sous ce rapport, la seconde Renaissance accentuait une évolution plutôt qu'elle n'opérait une révolution véritable. La première Renaissance, dont l'épopée dantesque demeure la suprême expression, se signala par une compréhension toujours plus humaine des mystères étroits qu'elle était tenue de respecter. Le souffle platonicien épand par place, dans les sombres bolges du Tartare, une lumière élyséenne. Sans parler des belles pelouses où les sages païens devisent sans souffrances dans une paix philosophique à peine attristée par l'absence de Dieu, et des limbes où les enfants morts sans baptême sont traités avec une indulgence impuissante, -on le voit trop, à satisfaire le sentiment du poète, plus large que son orthodoxie, à l'aide de quels laborieux détours, plus heureux que Virgile, Caton, Stace et Trajan échappent aux peines éternelles! D'où proviennent ces atteintes indirectes au Dogme? Du besoin que Dante éprouve, dans sa moralité supérieure, de se soustraire, autant qu'il est en lui, à l'empire d'une croyance répugnant à sa pensée intime, à ses profonds et sympathiques instincts. Parfois, si l'on peut s'exprimer ainsi, cette atmosphère ambiante du platonisme enveloppe, au milieu des horreurs des plus bas cercles, des êtres aimés que Dante y rencontre livrés aux plus atroces supplices. Tel Brunetto Latini, son maître, l'auteur du Trésor.

-

L'implacable courroux qui le frappe pour l'éternité n'arrête pas, à l'égard de ce père de son esprit, les témoignages de sa reconnaissance et de son admiration. Et, à l'encontre des solutions catholiques révoltant le plus son équité, comme il sait produire l'objection de la conscience en éveil!

Chè tu dicevi: Un uom nasce alla riva
Dell' Indo; e quivi non è chi ragioni
Di Cristo, nè chi legga, nè chi scriva;
E tutti suoi voleri ed atti buoni

Sono, quanto ragione umana vede,
Sanza peccato in vita od in sermoni;
Muore non battezzato e senza fede:
Ov' è questa giustizia che 'l condanna?
Ov'è la colpa sua, sed ei non crede1?

Le dogme étroit demeure finalement victorieux; mais l'imagination du poète n'en a pas moins sondé les appuis qu'il appartient à d'autres de ruiner sans retour. Pomponace, au nom de l'école d'Aristote, aura cet honneur. Nous suivrons jusqu'à ce point culminant, marqué par son traité de l'Immortalité de l'Ame, la progression philosophique de la seconde Renaissance, dont le terme extrême apparaît déjà dans le scepticisme gouailleur du

1. « Tu disais : Un homme naît à la rive de l'Inde, et là n'est qui raisonne de Christ, ni qui en lise ou en écrive.

» Et tous ses vouloirs et actes sont bons, autant que raison humaine voit, sans péchés en vie et en discours.

» Il meurt non baptisé et sans foi: où est cette justice qui le condamne? où est sa coulpe, s'il ne croit pas? »>

(DANTE, Paradis, c. XIX, tercets 24, 25, 26.)

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