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Il faut bien en revenir au « Maître de l'École

Il maestro di color che sanno.

En dépit de son platonisme, Varchi le fait, sans négliger, comme de juste, le témoignage d'Averroès, « ce grand Arabe, qui, suivant son peu de connaissance, fut le seul, ou presque le seul vrai philosophe depuis Aristote. N'a-t-il pas dit : « L'art n'est rien que la forme » de la chose artificielle existant dans l'âme de l'artiste, >> et qui est le principe efficient de la forme artificielle » dans la matière ?? »

Tel est le concept (il concetto) de son poète.

« Ainsi le premier principe, nous prétendons exprimer de la sorte la raison efficiente de toutes les choses qui se disent et qui se font, est cette espèce, ou cette forme, ou cette image, ressemblance, idée, exemple, exemplaire, similitude, intention, concept, modèle, ou autre chose qui se puisse ou doive dire, comme serait le simulacre ou fantaisie, lequel gît dans la vertu fantastique, par quoi nous entendons la puissance imaginative de celui qui veut ou les faire ou les dire. Circoscriva (circonscrit). Circoscrivere signifie proprement en notre langue ce qu'il signifie dans le latin, d'où il est tiré, à savoir entourer, enserrer et clore. Aussi, circonscrite s'appelle une chose quand elle est enfermée et enveloppée de tout côté, et en somme con

1. « Quel grandissimo Arabo il quale, per quel poco che possa conoscere io, fu solo, o con pochissimi, vero filosofo dopo Aristotele. » (Lezione del VARCHI, sopra il primo sonetto di Michelagnolo Buonarroti. Edizione Biagioli, p. 332.)

2. « Ars nihil aliud est quam forma rei artificialis existens in anima artificis, quæ est principium factivum formæ artificialis in materia. >> (Lezione del VARCHI, p. 349.)

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tenue par une autre, comme est contenu l'espace d'un cercle par la ligne qui le circonscrit et le serre tout à l'entour et se nomme circonférence. Et comme toutes les choses circonscrites ont nécessairement des limites et sont finies, Dante, voulant montrer l'infinité de Dieu et prouver qu'il n'est en aucun lieu particulièrement, s'exprime ainsi : « O notre père qui es aux non circonscrit1... » Et, bien que ce verbe, autant qu'il m'en souvienne à présent, n'ait pas été employé par notre Pétrarque, il le fut cependant par le Pétrarque vénitien dans sa grande Canzone. Il y dit à la fin (il n'y a que huit jours qu'il me la récitait ici même, mais dans un but très différent): Toi, roi du ciel, que rien ne circonscrit 2. »

cieux,

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«Tu, re del ciel, cui nulla circonscrive. »

1. Purgat., ch. XI, terc. 1.

2. Lezione del VARCHI, ec., loc. cit., p. 349, 350.

CHAPITRE XXX.

LÉON X.

Bembo est « ce Pétrarque vénitien », — un autre platonisant, celui-là, et des meilleurs, mais que, comme son compagnon Bibbiena, on ne peut séparer de Jean de Médicis. Entre ces deux satellites, l'astre de la seconde Renaissance, le fils du Magnifique, couronné pape sous le nom de Léon X, se présente à la postérité. La figure de Raphaël s'harmonise à la sienne aussi naturellement que la rude physionomie de Michel-Ange s'accouple au type abrupt de Jules II.

Il faut voir le fin myope au palais Pitti de Florence, tel que l'a représenté le peintre d'Urbin. La loupe en main, la tête serrée dans sa barrette, le patron de la Renaissance déchiffre un manuscrit. Seraient-ce les cinq premiers livres des Annales de Tacite, qu'au prix de cinq cents sequins Ange Aremboldo vient de lui apporter de l'abbaye de Corwey en Westphalie ?... Un sourire plisse les lèvres charnues du pontife... Gourmet en jouissance, gourmet intellectuel, amoureux de l'art et de la vie !... Dégustateur et prudent! Chercheur et politique! En lui s'achève, se couronne dans ses

facultés-maîtresses toute une génération de dilettanti subordonnant le goût et l'ambition du pouvoir aux appétences de l'amant du Beau, du curieux alléché qui veut connaître et savourer.

Le corps est replet, le teint couperosé : alangui, légèrement tuméfié par la lymphe, le galbe distingué des traits s'émousse sous l'exubérance un peu molle de la carnation. On devine, à ces splendeurs d'une obésité qui s'accuse, la résultante équilibrée non sans labeur d'un tempérament complexe, où les flairs de l'homme d'État et de calcul se compliquent des caprices raffinés du penseur, de l'artiste érudit.

Sous bien des rapports, de tels hommes offrent dans leur tempérament et, pour ainsi parler, dans leurs distinctions même l'aboutissant des générations qui les ont produits. La transmission héréditaire entre pour une part bien plus notable que chez d'autres dans la constitution de leur génie. Plus larges, plus brillantes que celles de leurs auteurs, leurs facultés sont à beaucoup d'égards le résultat d'une sélection continue, l'expression la plus intense d'une virtualité de race et de famille. L'originalité de l'homme s'éclipse dans une certaine mesure derrière l'originalité collective dont il procède et qu'il résume. Si ce concours de la race n'est pas étranger à la formation de quelques grands génies dans les sciences ou dans les arts, ne doit-il pas, en raison de leur office moins spécial, se manifester plus fréquemment dans une autre catégorie d'illustres les protec

teurs des travaux intellectuels, les Mécènes ? Dans le développement de ces derniers, l'étude exclusive et concentrée a moins de part qu'une sorte d'intussusception générale, de pénétration constante de leur esprit et de leurs habitudes par un milieu d'élégance et de supériorité. Tels, dès le début de ces études, nous ont apparu les Médicis depuis Cosme l'Ancien jusqu'à Laurent. Intellectuellement, le Magnifique est celui de tous, sans excepter Léon X, qui dut le plus à lui-même : il méritait d'associer à son nom la gloire de la seconde Renaissance. Pourquoi donc ce rôle est-il légitimement acquis au Pontife son fils ? C'est qu'en outre de la situation prépondérante qu'il occupe, la nature plus effacée et passive de son génie propre, si compréhensif et si fin, l'universalité contemplative et un peu paresseuse de celui-ci fait de lui comme le dégustateur suprême, partant l'initiateur le moins personnel, l'arbitre équitable entre tous des efforts d'une élite d'artistes et de penseurs. Il faut à ces patronages le scepticisme de haut goût d'un Épicurien un peu blasé, mais toujours amusable. C'est le cas de Léon X, et l'originalité par bien des points naïve de ce Mécène légèrement lymphatique.

Ce délicat, malgré son atticisme, il n'est pas à ses heures insensible à des jouissances d'esprit moins raffinées, bien qu'assez innocentes. Ses bouffons parasites le délassent de ses philosophes parfois, parmi les concerts des instrumentistes, et les subtils devis des dialecticiens, ils entremêlent des jovialités à la Panurge.

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