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rarchies, sont en contact permanent. Elles traitent l'une avec l'autre sur les bases d'une égalité civique favorable à l'équilibre des rapports sociaux. Issu du comptoir, ne reniant pas sa noblesse marchande et les Palle de son blason roturier, Léon X demeure un vrai Médicis.

Nous touchons à la partie scabreuse de ce portrait, si ondoyant, si complexe, mais dont les détails intimes sont malaisés à détacher d'un ensemble de documents incomplets, tronqués, contradictoires.

Appelons les témoins. Bayle les interroge avec une impartiale sagacité. Mais il ne saurait partager l'optimisme de quelques-uns '. A ce point de vue des mœurs, toutefois, à part certaine déviation qui, étant donnée l'opinion des contemporains, a droit à plus d'indulgence que la moralité moderne n'en accorde en pareils cas, la conduite du Pape ne semble pas avoir dépassé les limites d'une facilité qui ne scandalisait guère alors dans un ministre de l'Église. Roscoë, toujours candide, Audin, dans sa naïveté plus contestable, nous paraissent un peu osés de surmonter, à la suite d'André

1. On ne peut pas accuser Paul Jove d'avoir épargné l'encens à Léon dixième; mais, d'un autre côté, on doit convenir qu'il s'explique assez nettement sur les vices de ce pape pour ne laisser pas en peine un lecteur intelligent. Les plaisirs, dit-il, où il se plongeait trop souvent, et les impudicités qu'on lui objectait, ternirent l'éclat de ses vertus. Il ajoute qu'un naturel plus facile et plus complaisant que corrompu le fit tomber dans ce précipice, n'ayant eu auprès de lui que des gens qui, au lieu de l'avertir de son devoir, ne lui parlaient que de parties de plaisir.

» L'original est plus nerveux que l'abrégé que j'en donne.» (Jov., in Vit. L. X.)

Fulvio' et de Mathæus Herculanus, le triple diadème de Léon X de la couronne d'innocence.

Paul Jove ne participe point à cette glorification. Il accorde la chasteté de Léon cardinal. Mais, tout en objectant les calomnies dont les mœurs des grands sont trop souvent l'objet, il ne craint pas d'avancer que Léon, pape, n'échappa point au reproche infamant d'un amour déshonnête pour quelques-uns de ses nobles camériers italiens 3

Ici,

incedo per ignes

-se pose une question délicate. Entre ces hommes et dans ce milieu, des Grecs de la belle époque eussent trouvé pour leurs mœurs et leurs goûts de toute nature plus que de la tolérance. Tout, sensations, habitudes, raffinements individuels et sociaux, rapproche le lettré de la Renaissance de l'Hellène des gymnases et des académies. Aux lignes pures de la Vénus idéale, aux charnelles splendeurs de la

1.

Quid referam castos vitæ sine crimine mores?

2. « Equidem cum multa et maxima et admiratione summa dignissima libenter commemorarim et meminerim, super omnia tamen est cæteris eximiis virtutibus adjecta vis, quæ adeo circumfusas undique sensibus voluptates perdomuit, perfregitque, ut non extra libidinem modo, sed, et quod raro ulli contigit, extra famam libidinis, tam in pontificatu, quam in omni ante acta vita se conservarit, jugiterque conservet. »>

(Math. HERCULAN., ap. Fabronium, in Vita Leonis decimi, in adnotationibus, p. 84.)

3. Non caruit etiam infamia, quod parum honeste non nullos e cubiculariis (erant enim e tota Italia nobilissimi) adamare, et cum his tenerius atque libere jocari videretur. Sed quis, vel optimus atque sanctissimus princeps, in hac maledicentissima aula lividorum aculeos vitavit? et quis ex adverso tam maligne improbus ac invidia tabe consumptus, ut vera demum posset objectare, noctium secreta scrutatus est? »

Callipyge, aux suaves contours de l'Anadyomène, ruisselante encore et perlée des baisers d'Amphitrite, s'associaient, dans leur imagination, les corps nus des éphèbes développant dans la poussière ensoleillée des palestres l'énergie pugillaire des raccourcis, la grâce rythmée des attitudes. Et, parmi ces visions évoquées par l'érudition des humanistes, la noble attache qui liait deux jeunes guerriers, Patrocle à Achille, sinon Harmodius à Aristogiton, ce tableau d'un couple fidèle dormant sous la même tente, s'abritant dans le combat derrière le même bouclier, en un mot (et contenu dans ses bornes honnêtes, tel que Platon le recommande aux sages, aux héros, comme meilleur que l'affection pour la femme), l'Amour grec offrait à ces émules de la Grèce ses périlleux attraits.

Mais, de Patrocle à Antinoüs, la pente est glissante et rapide. Bathylle est au bout. Dans l'atmosphère du mysticisme catholique, l'anormale ardeur célébrée par le vieillard de Téos semble s'être exaspérée au contraste apéritif d'une spiritualité aux chutes d'autant plus lourdes dans le sensualisme qu'elle aspira toujours à se plus affranchir des sens. Bathylle est de retour, frais épanoui de toutes les promesses de ses quatorze ans : il est là, sous le linon et les dentelles de l'habit de chœur, aux pieds des porporati, des chanoines fleuris, jetant de sa voix flûtée et grasseyante, au milieu des vapeurs d'encens et des harmonies sacrées, ses motets coquettement béats, ses répons aigus comme une note de fifre. Par une

interversion assez bizarre, pendant que ces effets se produisent, le type féminin s'est transformé en sens contraire le rêve poétique de la Renaissance, si bien interprété par notre Germain Pilon, c'est l'Amazone, aux formes sveltes et allongées, endurcies par les fatigues de la guerre ou de la chasse, sans cesser pourtant d'être élégantes, et dont le type d'héroïne exerça dans ses variations la verve brillante d'Arioste.

Aussi, comme ils rivalisent, le bel adolescent féminisé, et l'héroïne, la virago (au sens primitif du terme). Bradamante alterne avec Adonis dans le culte des dévots d'Amour.

L'enchanteur de Ferrare exalte à leurs yeux ce type de la guerrière. Pleine de caprices et de rayons, gaie comme une trouée du soleil à travers l'épaisseur des ramures, dans les bois où galopent les paladins, sa muse, à la fois radieuse et inspirée, affranchie des terreurs religieuses, libre à l'égard des traditions chevaleresques dont elle prolonge en se jouant le fier et retentissant écho, traduit les plus hauts, les plus délicats instincts de 'époque. Elle marque l'épanouissement d'une aristocratie par malheur éphémère; car elle était trop isolée de la masse pour exercer une influence durable sur la diffusion des lumières et des élégances. Son action n'en fut pas moins décisive pour vivifier et unifier, pour sublimer, si l'on peut dire, en une sorte d'utopie de la vie heureuse et harmonique les efforts des sages, des lettrés, des artistes, en labeur du divin idéal.

A la suite des aimables recluses du Décaméron (la même préoccupation se transmet), que poursuivent les nobles dialogueurs des Asolani de Bembo, du Cortegiano du comte Baldessar Castiglione?

Ce qu'ont trouvé, si l'on en croit notre Alcofribas, maître des abstracteurs de quintessence, les moines et les nonnains de l'abbaye de Thélème.

Aussi Léon X, malgré ses faiblesses et ses infirmités pour un tel rôle, unit de fait, et malgré qu'il en ait, à sa papauté officielle le pontificat de cette religion des gens d'esprit, qui se glissent alors et s'abritent sous le catholicisme, comme une façon de franc-maçonnerie. Aucune réaction n'interrompra plus jusqu'au dix-huitième siècle, où ils sortirent de terre, leur sape discrète et continue.

Ce génie caché, inconscient à demi de sa propre émancipation (comment se seraient-ils avoué à eux-mêmes toutes leurs témérités, ces protégés de la curie romaine, vivant de ses abus ?), ce génie respire d'un bout à l'autre des stances si connues de l'Orlando furioso. Nous n'avons qu'à y renvoyer ceux qui douteraient qu'une semblable tendance dirigea et Luigi Pulci, dont l'œuvre presque oubliée réclamait une analyse complète, et le chantre de Roland, dont la fantaisie ironique voile les mêmes audaces sous une forme achevée, partant plus maîtresse d'elle-même, et qui ne dit que ce qu'elle a charge d'exprimer. Il suffit ici de signaler l'épopée héroï-comique d'Arioste comme le symbole poétique par excellence de la Renaissance italienne, à ce moment.

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