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» nonça que l'affirmative lui semblait vraie, mais que » la négative était plus propre à donner de l'embonpoint. >

Cette pointe voltairienne ne paraît pas hors de place dans l'âge de ce mi-Arouet d'Érasme. Elle s'accorde d'ailleurs parfaitement avec la situation tenue par l'école d'Aristote dans ce débat qui va occuper la prochaine session du concile de Latran. Ne verrons-nous pas bientôt Pomponace, le plus éminent des théoriciens de Padoue, soutenir que l'âme est mortelle d'après les données de la raison, immortelle de par l'autorité souveraine de la Révélation?

Assurément, les penseurs qui soutenaient cette thèse dualiste penchaient au moins, s'ils ne s'y arrêtaient pas tout à fait, pour la mortalité de l'essence intellective de l'homme. Affirmerait-on que certains ne la soutinssent pas comme un pur jeu d'esprit compatible avec l'orthodoxie la plus sincère? La raison humaine, même aujourd'hui, a de ces abîmes d'équivoques et de contradictions.

Venons au protecteur des arts plastiques, à l'ami de Sanzio, sans oublier le poète. Latiniste accompli, et dont les lettres ne déparent pas les recueils épistolaires de Sadolet et de Bembo, il a peu cultivé la Muse, - adorée (c'était de famille). On cite de lui des impromptus improvisés à table, et ces iambes d'un style ferme et précis, inscrits à Florence sur le socle d'une statue de Lucrèce :

In Lucretia statuam.

« Je succombe de mon gré, ayant ce fer fixé dans mon sein: il me plaît d'avoir fait cela de ma main; nulle héroïne n'accomplit cette action plus promptement pour l'honneur de sa virginité. Il me plaît de regarder mon propre sang et de l'invoquer par ces âpres exécrations.

» O sang plus corrosif en moi que le venin colchique, par lequel le chien du Styx ou l'hydre féroce semblent torturer mes membres par une atroce peine, coule, peste, et retourne en vieux poison sors, amer virus, à moi odieux et funeste, parce que tu as fait ce corps élégant et aimable.

> Et cependant, Lucrèce n'avertit-elle point ses concitoyennes d'être toujours douées de pudeur et de chasteté, et de garder leur foi entière à leurs maris? Car c'est la grande louange du peuple de Mavors, que les femmes se réjouissent de leur chasteté, et s'étudient à plaire aux hommes plutôt par cette gloire que par la beauté et la grâce. Ainsi il m'a plu de confirmer ceci par ma mort, même cruelle: - L'âme pure doit être aussitôt arrachée à la garde d'un corps 'souillé 1. »

1.

Libenter occumbo, mea in præcordia
Adactum habens ferrum; juvat mea manu
Id præstitisse, quod viraginum prius
Nulla ob pudicitiam peregit promptius;
Juvat cruorem contueri proprium
Illumque verbis execrari asperrimis.

Sanguen mi, acerbius veneno Colchico,
Ex quo canis Stygius, vel Hydra præferox
Artus meos compegit in pœnam asperam,
Lues flue, ac vetus reverte in toxicum;
Tabes amara, exi, mihi invisa et gravis,
Quod feceris corpus nitidum et amabile.
Nec interim suas monet Lucretia
Civeis, pudore et castitate semper ut
Sint præditæ, fidemque servent integram
Suis maritis, cum sit hæc Mavortii
Laus magna populi, ut castitate feminæ

Il faut joindre à ce spécimen de ses talents littéraires et quelques vers latins bien frappés, souvent composés in promptu, et les épîtres, les brefs de lui recueillis entre ceux de ses secrétaires.

Mais on n'aurait ainsi que la moindre part de son œuvre dans le champ des lettres, où Léon X apparaît surtout comme instigateur. Il préside avec amour au travail de fouille et de récolement par lequel se reconstitua le trésor des productions antiques ensevelies dans les archives des couvents. Son activité réellement catholique, universelle sur ce point, rayonna du sud au nord comme celle d'un nouveau saint Grégoire. Mais ce n'est plus la foi qu'à l'instar des missionnaires de ce grand fondateur de la Catholicité, ses envoyés ont charge de répandre. Ces découvreurs, patients Colombs d'une autre Atlantide, à demi submergée, ils vont sondant, sous l'alluvion des âges, les mystères du palimpseste, les dépôts oubliés de l'érudition et de la poésie païennes. Aussi bien, pour compléter leur écrin littéraire, pour quelques pages de Cicéron ou de Quintilien, ils dispensent au besoin, avec une prodigalité grosse de périls prochains, les valeurs de la banque romaine, la grande et la petite monnaie des Indulgences.

Et ce n'est pas seulement sous la forme du Livre que

Lætentur, et viris mage ista gloria

Placere studeant, quam nitore et gratia?
Quin id probasse cæde vel mea gravi

Lubet, statim animum purum oportere extrahi
Ab inquinati corporis custodia.

s'opère cette résurrection, sous le patronage de Jean de Médicis.

L'édifice antique sous son double aspect, l'austère majesté du peuple-roi, l'exquise sobriété de l'art grec,

ces colosses de pierre profilant sur le ciel bleu leurs sombres assises thermes, arcs triomphaux, aqueducs, noires substructions des égouts marquées du cachet utilitaire et gigantesque d'une persévérante édilité, et, à côté, dans ce Vélabre, plein de terreurs nocturnes, sorte d'ossuaire architectural où la marée montante des siècles a stratifié ses couches, l'élégance hellénique de la rotonde de Vesta ou du temple de la Fortune Virile, - ce tragique ensemble signalé par Pétrarque, et qui émouvait déjà la vague intuition de Rienzi, Rome païenne, soulevant avec la Grèce, son institutrice et sa captive, le couvercle de son sépulcre, Rome se révélait peu à peu à ses adorateurs.

Cependant, au-dessus de cette Josaphat d'un monde, émergeaient les Déités de la Fable, les types célèbres de la statuaire antique, l'Apollon du Belvédère, et l'œuvre, décrite par Pline, d'Agésander de Rhodes et de ses fils Athénodore et Polydore. Félix de Frédis, en 1506, a découvert dans sa vigne ce drame de marbre du Laocoon, et les poètes romains l'ont salué de leurs hymnes dans une fête solennelle.

«Que célébrerai-je d'abord par mes éloges, s'écrie Sadolet, le malheureux père ou sa double postérité, ou les serpents au terrible aspect, s'enroulant dans leurs replis ondulés, ou la

LES MÉDICIS.

II. 23

queue et les fureurs de ces dragons, et les blessures qu'ils infligent, et ces douleurs, qui, dans un marbre mort, semblent vivre d'une vraie vie? »

Vulneraque et veros, saxo moriente, dolores!

Ce culte trouva son pontife. Par une association féconde, Léon X, au début de son règne, rencontrait, pour réaliser sa pensée rénovatrice, le génie synthétique et exquis du vrai représentant dans l'art de la seconde Renaissance à son zénith.

Tout semble dit sur Raphaël, non moins grand, bien que d'une grandeur plus discrète, plus apaisée, que celle de Michel-Ange. Par là, sans doute, par ce côté plus discipliné, plus impersonnel, de sa nature, le peintre des Stanze se prêtait mieux que celui de la Sixtine à mener, en quelque sorte des hauteurs de son imcomparable esprit, le chœur triomphal des interprètes du Beau. Il avait su, dit Vasari, établir une telle harmo» nie entre les artistes de son école, que jamais le » moindre démêlé, la moindre jalousie, ne vint troubler » la durée de cette union. Ce rare accord était produit >> par son talent et son caractère... et par ces qua»lités heureuses qui lui gagnaient tous les cœurs, au » point que, non seulement les hommes, mais les ani >> maux eux-mêmes l'affectionnaient. »

Cette unité dans le caractère et dans le talent justifient la préférence qu'il obtint sur Michel-Ange de la part de Jean de Médicis.

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