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Il s'offrait naturellement au choix spontané du pape comme artiste favori, comme instaurateur et guide de son œuvre de régénération plastique.

Les rapports de Léon et de l'Urbinate, sous ce double aspect, peuvent se résumer en deux dates.

La première,

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1513, le montre saisi par la pensée du nouveau règne, prêtant l'essor de son génie à l'apothéose de son protecteur. Il peint dans une chambre du Vatican, en face de sa fresque: Héliodore chassé du temple, Saint Léon arrêtant la marche d'Attila. Éblouis par le glaive flamboyant de l'Ange, le Fléau de Dieu et ses cavaliers, à l'armure d'écaille, reculent devant le saint pontife, qui n'est autre que le portrait équestre de Léon X. Il s'est placé lui-même derrière son maître, en porte-croix.

En 1516, un bref le nomme, sur la recommandation de Bramante mourant, architecte en chef de Saint-Pierre et surintendant des antiquités et des fouilles archéologiques de Rome. « Comme il m'a été rapporté, lit-on >> dans ce document, que les marbriers emploient in» considérément et taillent des marbres antiques sans › égard aux inscriptions qui y sont gravées, et qui sont >> des monuments importants à conserver pour l'étude › de l'érudition et de la langue latine, je fais défense... » de scier ou de tailler aucune pierre écrite sans votre » licence, sous peine d'une amende de cent à trois cents » écus d'or. »

Nous avons le rapport où Rappaël expose ses vues sur

sa mission. L'érudit apparaît en cette pièce, non moins que l'architecte-ingénieur (au sens le plus technique), et, par-dessus tout, l'adepte enthousiaste et hardi du culte professé par Léon X plus que le catholicisme rigide. Il s'y montre comme son coreligionnaire et, pour ainsi parler, son ministre au département du Beau.

C'est en dirigeant ces fouilles que le Sanzio vit un des premiers les peintures des thermes de Titus, dont il sut si bien s'inspirer.

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Il est beaucoup de gens, dit-il, Très Saint Père, qui mesurent à leur petit jugement les grandes choses écrites des Romains, touchant leurs armes, et de la cité de Rome, touchant l'art merveilleux, les riches ornements, et la grandeur de ses édifices, estimant ces choses plutôt fabuleuses que vraies. Il n'en est pas ainsi pour moi. Car, considérant d'après les restes qui se voient encore des ruines de Rome, la divinité de ces génies antiques, je n'estime pas hors de raison de croire que bien des choses nous paraissent impossibles, qui leur étaient très faciles. Aussi, ayant été fort studieux de ces antiquités, et n'ayant pas mis peu de soin à les rechercher minutieusement et à les mesurer avec diligence, et, lisant les bons auteurs, à confronter les œuvres et les écrits, je pense avoir obtenu quelque notion sur l'architecture antique. Ce qui, d'un côté, me procure un très grand plaisir à raison de la connaissance d'un objet si excellent, et, de l'autre, une très grande douleur, voyant, en quelque manière, le cadavre de cette noble patrie, qui a été la reine du monde, ainsi misérablement lacéré. C'est pourquoi, si pour chacun est un devoir la piété envers les parents et la patrie, je me tiens obligé de consacrer toutes mes chétives forces, afin que, le plus qu'il se peut, reste vivant un peu de

l'image et comme de l'ombre de celle qui, en vérité, est la patrie universelle de tous les chrétiens, et, pour un temps, a été si noble et si puissante, que déjà les hommes commençaient à croire qu'elle seule sous le ciel était supérieure à la fortune et, contre le cours naturel, exempte de la mort et destinée à durer perpétuellement. Mais il semble que le temps, comme jaloux de la gloire des mortels, et ne se fiant pas seulement à ses propres forces, s'accorda avec la fortune et avec les profanes et scélérats Barbares, lesquels, à la rongeante lime et envenimée morsure de celui-ci, ajoutèrent la fureur impie, et le fer, et le feu, et tous les moyens qui suffisaient pour la ruiner. Aussi ces fameuses œuvres, qui, aujourd'hui plus que jamais, seraient florissantes et belles, furent par la rage scélérate et le cruel assaut d'hommes malfaisants, ou plutôt de bêtes sauvages, brûlées et détruites. Cela toutefois ne vint pas au point qu'il ne restât presque la structure (machina) du tout, mais sans ornements, et, pour ainsi dire, les os sans la chair. Mais pourquoi nous plaindrions-nous des Goths, des Vandales et d'autres tels perfides ennemis, si ceux qui, comme pères et tuteurs, devaient défendre ces pauvres reliques de Rome, ceux-là mêmes se sont longuement appliqués à les anéantir? Combien de pontifes, Très Saint Père, qui avaient le même office possédé par Votre Sainteté, mais non le même savoir, ni la même noblesse et grandeur d'âme, ni cette clémence qui la fait semblable à Dieu, combien, dis-je, de pontifes se sont appliqués à ruiner les temples antiques, les statues, les arcs de triomphe et autres édifices glorieux! Combien ont souffert que, seulement pour recueillir de la terre pozzolana, ils fussent attaqués dans leurs fondements! Ainsi, un peu de temps après, ces édifices sont tombés à terre. Combien de chaux a été faite avec les statues et les ornements antiques! Aussi, oserai-je le dire? - toute cette Rome neuve, qui maintenant se voit, pour vaste qu'elle soit, et pour belle, pour ornée de palais, églises et autres édifices qui la couvrent, elle est toute construite avec la chaux des marbres antiques, et je ne puis me rappeler sans compassion

que, depuis que je suis à Rome (et il n'y a pas onze ans), tant de chefs-d'œuvre ont été ruinés1 !... »

Il reste à apprécier Jean de Médicis comme chef du catholicisme, et comme prince temporel au moment où cette qualité, depuis la vraie fondation du royaume terrestre de l'Église, devient pour quelque temps prépondérante.

Le propre de l'homme et du milieu qu'il représente, c'est qu'ils n'imposent pas tout d'abord ce double examen. Tant la mission intellectuelle de Léon éclipse à première vue son rôle politique et ecclésiastique, subordonné, dans ses goûts comme en fait, aux jouissances qu'il rencontra dans l'active protection des travaux de l'esprit !

Ce n'est pas qu'il soit demeuré étranger aux intérêts du pouvoir spirituel liés de si près à la prospérité matérielle du domaine romain. Il termine le cinquième concile de Latran ouvert par Jules II : il réconcilie à l'Église les derniers cardinaux dissidents du conciliabule de Pise. Il signe, en 1516, avec François Ier, le célèbre concordat qui modifie si profondément la constitution semi-républicaine de l'Église gallicane, au profit, et du roi qui, investi du droit des chapitres, nommera désormais les évêques, et du pape qui jouira sans conteste de nombreuses taxes et de nombreux revenus. Chacune des par

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1 VASARI, V. di Raffael. Ch. CLÉMENT, Id. AUDIN, Vie de Léon X. ROSCOE, id., t. IV, Append., p. 474. - FRANCESCONI, Discorso all' Acca- · demia Fiorentina; Firenze, 1799: Raffaello d'Urbino a Papa Leone X.

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ties, -on l'a dit, donna ce dont elle n'avait pas la disposition légitime. Mais Léon provoqua, par un scandaleux abus des indulgences vénales, une révolution religieuse qu'il ne songea pas plus à prévenir qu'il n'était capable de l'arrêter, une fois déclarée. A cet égard, il mourut à propos (à quarante-quatre ans), pour sa gloire, pour l'unité de son rôle supérieur qu'il garda jusqu'au bout. Entre la Réforme, iconoclaste et anarchique, et le Papisme systématique, adverse à la société moderne, et qui va s'édifiant d'Adrien Vl, son successeur, à Pie IX, il n'y aura plus de place pour un Léon X.

Un catholicisme transformé, ou plutôt neutralisé par le scepticisme discrètement progressif de ses chefs, ayant pour cardinaux (il en fut question), sinon un Copernic, un Érasme, du moins un Raphaël, sauvait l'Europe d'un déchirement funeste. Laissant la seconde Renaissance porter ses fruits naturels d'émancipation successive, sans manquer d'un Voltaire (je le vois possible sous la pourpre du Sacré-Collège), elle épargnait au monde Calvin et Loyola.

En tant que gouvernant temporel, Léon X manqua de grandeur. Il resta le Médicis des Ricordi, trop absorbé par de mesquins calculs domestiques, et bien au-dessous de Jules II comme Italien.

Sous ce rapport, la personnalité du membre le plus en vue de cette famille présente une lacune, aux dépens du patriotisme si marqué dans l'instigateur de la Sainte Ligue. Au moins le but d'expulser le Barbare est-il trop

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