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vait moins d'une règle doctrinale que d'une sociabilité, d'une sorte d'urbanité supérieure et de raffinement esthétique.

Ils sont, dans le sens prêté à ce mot par le dix-septième siècle, des honnêtes gens rebelles à tout fanatisme : d'où la faiblesse de la seconde Renaissance en face de la Réforme qui, elle, était une foi. Malgré leur compréhension du rôle qui leur échoit comme civilisateurs, visible chez les néo-platoniciens de Florence, chez les aristotéliciens de Padoue et leur chef, l'illustre Pomponatius, cette infériorité des philosophes à l'égard des théologiens devait durer jusqu'au dix-huitième siècle, où ils prirent dans l'instinct des masses un indispensable appui. Il n'y a guère plus de cent ans que la foi, base de la moralité vulgaire, tend à se dégager tout à fait du surnaturel, c'est-à-dire à se fondre dans la notion et le sentiment de l'humanité. Mot nouveau sous cet aspect, ou plutôt renouvelé, après mille ans de discipline chrétienne. Employé dans son acception la plus large par les grandes écoles rationalistes du paganisme (homo sum, humani nihil a me alienum puto), il avait cessé d'être entendu sous le long régime du Moyen-Age, remplacé par celui de catholicité. Occupé de son salut personnel, sous l'autorité de l'Église, le croyant ne reconnaissait son semblable que dans le croyant.

L'esprit, avant le sentiment, devait se venger, soit par un scepticisme légitime, ou par un monstrueux dédain de la règle morale. Ainsi s'explique la décadence

du pouvoir spirituel, soit qu'elle apparaisse dans les cruautés et les priapées des Borgia, soit qu'elle se traduise par le dilettantisme amène et épicurien de Léon X. Ce que tour à tour la Papauté présente alors de répulsif et d'attrayant résulte de la même cause: le divorce entre la foi affaiblie, mais toujours régnante, des foules et l'émancipation relative de ses conducteurs religieux.

En attendant que le protestantisme, à la veille d'éclater, provoque, avec la résistance catholique assumée par les Jésuites, un double recul de la Raison devant la Croyance mystique 1, la curie romaine s'aveugle sur ses forces réelles par l'effet d'une longue possession de l'omnipotence sur les âmes.

Le pape n'est presque plus qu'un prince italien envahi par des ambitions de famille.

Léon rêve un instant le trône de Naples pour son frère Julien. Son Égérie ne ressemble pas à Mathilde, l'ardente inspiratrice du grand conquérant spirituel Grégoire VII... C'est la grande dame bourgeoise, issue du comptoir florentin, la sœur chérie du pontife, Madeleine Cibo, exploitant pour les siens les faiblesses avunculaires!

Dernier représentant légitime des Médicis, Laurent II finit par absorber à son profit l'ambition dominante de Léon.

1. Voy. RANKE, Hist. de la Papauté aux seizième et dix-septième siècles, I et passim.

Lui assurer le duché d'Urbin devint le mobile de la

politique pontificale.

Jean de la Rovère, neveu de Sixte IV et frère du cardinal Julien de la Rovère, qui fut Jules II, avait épousé, en 1473, Jeanne, sœur de Guid' Ubaldo de Montefeltro, duc d'Urbin. Le fils qu'il eut de cette princesse succéda à son oncle maternel. Ce La Rovère, greffé aux Montefeltro, race littéraire et militaire, hérita des heureuses dispositions de ces guerriers, protecteurs des lettres et des arts. La dynastie et la petite cour d'Urbin ont mérité les éloges enthousiastes du comte Baldessar Castiglione, dans cette langue exquise et harmonieusement colorée du Cortegiano, où se côtoient bonhomie et grâce aristocratique.

« Au penchant de l'Apennin, presque au milieu de l'Italie, vers la mer Adriatique, est située (comme chacun sait) la petite cité d'Urbin, laquelle, bien que placée entre monts, et moins riante que peut-être quelques autres villes qu'on voit en maints lieux, a pourtant à un tel point le ciel favorable, que le pays d'alentour est très fertile et plein de fruits, de manière que, outre la salubrité de l'air, il s'y trouve une grande abondance de toutes choses servant à la vie de l'homme. Mais, entre les grandes félicités qu'on lui peut attribuer, celle-ci à mon sens est la principale, que, dès longtemps jusqu'à ce jour, elle a été gouvernée par d'excellents seigneurs, quoique dans les calamités universelles des guerres de l'Italie elle en ait été entre temps privée. Mais, sans chercher plus longuement, nous pouvons de notre dire faire bon témoignage à cause de la glorieuse mémoire du duc Frédéric, lequel en ses jours fut la lumière de l'Italie; les témoins ne manquent pas, vrais et explicites, et encore en vie, de sa prudence, humanité, justice, libéralité, de

son âme invaincue et de sa discipline militaire, desquelles surtout font foi ses nombreuses victoires... »

Mais traduire, c'est outrager ce style adorable à l'allure continue, bien sonnante, sans enflure, délicate, sans miévrerie... Beau fleuve déroulant au ras de ses rives ses méandres paisibles égayés par les reflets d'un ciel chatoyant et chaud!

Nè mancano veri ed amplissimi testimonj, che ancor vivono, della sua prudenza, della umanità, della giustizia, della liberalità, dell' animo invitto, e della disciplina militare; della quale precipuamente fanno fede le sue tante vittorie, le espugnazioni de' luoghi inespugnabili, la subita prestezza nelle espedizioni, l'aver molte volte con pochissime genti fugato numerosi e validissimi eserciti, nè mai esser stato perditore in battaglia alcuna; di modo, che possiamo non senza ragione a molti famosi antichi agguagliarlo. Questo tra l'altre cose sue lodevoli, nell' aspero sito d'Urbino edificò un palazzo, secondo la opinione di molti il più bello che in tutta Italia si ritrovi; e d'ogni opportuna cosa sì ben lo fornì, che non un palazzo, ma una città in forma di palazzo esser pareva; e non solamente di quello che ordinariamente si usa, come vasi d'argento, apparamenti di camere di ricchissimi drappi d'oro, di seta, e d'altre cose simili ma per ornamento v' aggiunse una infinità di statue antiche di marmo e di bronzo, pitture singularissime, instrumenti musici d'ogni sorte; nè quivi cosa alcuna volse se non rarissima ed eccellente. Appresso con grandissima spesa adunò un gran numero di eccellentissimi e rarissimi libri Greci, Latini, ed Ebraici, i quali tutti ornò d'oro e d'argento, estimando che questa fosse la suprema eccellenza del suo magno palazzo 1. »

1. Del Cortegiano, lib. I, p. 16-17.

Guid' Ubaldo, son fils, et la femme de celui-ci, Élisabeth, des Gonzaga de Mantoue, obtiennent les mêmes éloges. Et Castiglione narre avec non moins d'amour et de charme les divertissements, les doctes entretiens, des beaux-esprits, des cavaliers et des belles dames, qui se réunissaient autour du duc et de la duchesse... Ne dirait-on pas le prélude inédit de quelque conte du Décaméron?

«Toujours on y trouvait madame Emilia Pia, laquelle, pour être douée d'un si vif esprit et jugement, comme vous savez, paraissait la maîtresse de tous... Là donc, les suaves raisonnements et les honnêtes facéties avaient cours, et sur le visage de chacun se voyait peinte une expansive hilarité, de manière que cette maison se pouvait nommer la propre demeure de la gaieté; et je ne crois pas que jamais en autre lieu on ait goûté quelle est la douceur qui dérive d'une compagnie aimable et chérie, comme on le vit là en un temps. Sans parler de l'honneur qu'il y avait pour chacun de nous à servir un tel seigneur,... un suprême contentement gagnait l'âme de chacun, chaque fois que nous nous retrouvions en présence de madame la Duchesse; et il semblait qu'elle fût une chaîne qui tous en amour nous tint unis, tellement que jamais ne fut concorde de volonté ou amour cordial entre frères plus grand que celui qui là régnait entre tous 1. »>

Cette chaîne d'amour » n'achève-t-elle pas le tableau, platonicienne réminiscence que Marsile eût avouée, et qui semble, dans les bosquets du château d'Urbin, un écho des jardins de Careggi?

1. Del Cortegiano, loc. cit.

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