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Oh! dis-le.

CALANDRO.

FESSENIO.

On ferme les yeux, on tient les mains ouvertes, on plie les bras, on reste immobile, immobile, coi, coi, on ne voit, on n'ouït chose qu'autre fasse ou dise.

CALANDRO.

J'entends, mais puis comment fait-on pour revivre?

:

FESSENIO.

C'est un des plus profonds secrets de ce monde, et presque personne ne le sait sois sûr que je ne le dirais jamais à un autre, mais à toi me plait le dire. Mais vois, sur ta foi, mon Calandro, à ne le révéler à personne.

CALANDRO.

Je le jure, et même, sì tu veux, je ne le dirai pas à moi

même.

FESSENIO.

...La différence du vivant et du mort gît en ce que le mort ne remue pas, le vivant se meut au contraire... Fais ce que je te dirai, tu ressusciteras.

Dis.

CALANDRE.

FESSENIO.

Le visage haussé au ciel, on crache en l'air, puis de tout le corps on se donne une secousse, puis on ouvre les yeux, on parle, on agite ses membres : alors la mort s'en va, et l'homme redevient vivant 1.

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Bouffonnerie fantasque, à la Shakspeare, si j'ose dire! (comparez ce type de Calandro à Polonius, le niais solennel, au sentencieux juge de paix Cerveau-Vide du drame des Joyeuses Commères). L'exubérance de la charge n'en diminue point la portée philosophique. Par le relief monstrueux qu'elle leur prête, elle permet de pénétrer à fond certains côtés de notre nature, les gouffres latents de la bêtise humaine, toujours exploitable, bien qu'à divers degrés.

Mais nous ne voudrions pas trop lire entre les lignes de cette œuvre curieuse. Pourtant, la marque y paraît sans conteste de la pensée ouverte, scrutatrice, — dirai-je déniaisée ? de la seconde Renaissance à l'endroit des superstitions, des croyances populaires, des entités encore régnantes de la scolastique.

Tandis que Calandro est porté dans son véhicule par deux facchini, des douaniers interviennent pour visiter au nom du fisc le panier. A la vue de l'homme, ils s'informent C'est un cadavre de pestiféré que nous

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portons en terre, s'écrie le valet. » La brigade fuit épouvantée. Alors, Calandro:

- Qu'était-ce que cette créature si laide qui s'enfuyait?

FESSENIO.

Qu'est-ce que c'était? Tu ne l'as pas reconnue ?

Non.

CALANDRO.

FESSENIO.

C'est la mort, qui était avec toi dans le panier.

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Oh! oh! Je ne l'ai pas vue avec moi là-dedans.

FESSENIO.

Mon cher, tu ne vois pas aussi le sommeil quand tu dors, la soif quand tu bois, la faim quand tu manges, et encore, si tu veux me dire vrai, la vie, quand tu vis: pourtant, elle est avec toi1.

Bibbiena fut le fidèle compagnon de Jean de Médicis, qui le fit cardinal à son avènement. Comment croire qu'il mourut empoisonné par les ordres du Saint-Père (9 novembre 1520)? La vie entière de celui-ci répugne à ce soupçon. Un écrivain qui ne se fait pas faute d'accueillir de semblables accusations, Paul Jove, dit seulement qu'il aspirait à succéder à Léon. Cette ambition contrariant les vues du pape, Bibbiena, dans sa dernière maladie, se persuada qu'un œuf qu'il venait de manger contenait du poison. Il n'accusait pas le pape; la malignité de quelques-uns l'accusa pour lui. Il était né le 4 août 1470 à Bibbiena, dans le Casentin.

1. Calandria, acte III, sc. III.

Lettré moins assidu que Bembo, il fut plus que ce dernier mêlé aux affaires. On ne saurait les isoler tous deux de l'élégant secrétaire des brefs, Sadolet, évêque de Carpentras, le rédacteur des bulles contre les protes

tants.

Sadolet est auprès du pape ministre de la théologie, comme Bembo des lettres profanes, et Bibbiena de la politique temporelle.

Bembo, lui (il ne fut cardinal qu'en 1539), touche à tout, et dans ses attributions variées auprès du pape, et dans sa vaste correspondance avec les maîtres de la terre et les princes de l'esprit.

Génie très libre, vrai type du dilettante, ce politique et ce penseur abonde en échappées où apparaissent la distinction de ses goûts, son culte désintéressé du beau dans la nature et dans l'art.

Notre Seigneur (le pape) va très bien, écrit-il. Il est maintenant à la Magliana, on croit que demain il ira chasser trois ou quatre jours à Palo. Quant à moi, avec le Navagiero, avec le Beazzano, avec Messer. Baldassar Castiglione et Raphaël, j'irai demain revoir Tivoli que je vis déjà une autre fois, il y a vingtsept ans. Nous verrons le vieux et le neuf, et ce qu'il y a de beau dans cette contrée 1. »>

Ces quelques lignes révèlent l'homme de la seconde Renaissance, l'honnête homme selon la nature succédant

1. BEMBO, Lettres, liv. II: Au cardinal de Santa-Maria-in-Portico, à Fiesole.

au chrétien sincère ou hypocrite. On montre encore à l'Ambrosiana de Milan une mèche des cheveux de Lucrèce Borgia, duchesse de Ferrare, attachée à une lettre de Bembo. Cet amour, s'il fut réel, de l'auteur des Asolani pour la fille d'Alexandre VI, vaut plus à réhabiliter celle-ci que les arguments colligés par le candide Roscoë à la suite de son histoire de Léon X. Le plus élégant des humanistes du Vatican résume en lui tous les attraits de cette rapide et unique période, grand seigneur et poète, protecteur des arts et philosophe, amant heureux de la belle Morosina, sa compagne et sa

muse.

Da que' bei crin, che tanto più sempre amo
Quanto maggior mio mal nasce da loro,

Sciolto era il nodo che dal bel tesoro

:

M'asconde quel, ch' io veder temo e bramo,
El cor, ch' indarno or lasso a me richiamo,
Volò subitamente in quel dolce oro,
A se come augellin tra verde alloro,

Ch' a suo diletto va di ramo in ramo;
Quando ecco due man belle oltra misura,
Raccogliendo le treccie al collo sparse,
Strinservi dentro lui, che v' era involto.
Gridai ben io: ma le voci fé scarse
Il sangue, che gelò per la paura :
Intanto il cor mi fu legato e tolto.

De ces beaux cheveux que tant plus j'aime

Que mon mal naît d'eux plus grand,

Le nœud se défait : si bien que ce beau trésor

M'abscond ce que je désire, ce que je crains de voir.

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