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piquante ressemblance avec Marsile, le protégé du Magnifique, - et d'une humeur gaie et railleuse, qui, au dire de ses biographes, lui permettait dans la dispute d'échapper aux objections embarrassantes '.

Il faut, abordant ce Pomponace, étudier le contradicteur du platonisme, comme nous en avons étudié le défenseur dans Ficin. Le style du philosophe aristotélicien paraît tout d'abord, dans sa sécheresse, plus rebutant que la période amplifiée et relativement élégante de Marsile. Mais Pomponace rachète vite cette infériorité par sa concision, sa marche rapide et sûre.

Pomponace raconte ainsi, dans un préambule, l'origine de son traité De l'immortalité de l'âme :

« Frère Jérôme, natif de Raguse, de l'ordre des prédicateurs, tandis que je souffrais du mauvais état de ma santé, me faisait de fréquentes visites; car il est plein d'humanité et d'amitié pour nous. Un jour, qu'il vit que j'étais moins tourmenté par le mal, il s'adressa ainsi à moi avec une contenance très modeste : " Très cher maître, les jours précédents, lorsque d'abord tu traitas devant nous du ciel, et que tu fus parvenu à ce passage où Aristote s'efforce de démontrer par plusieurs arguments qu'il tourne inengendré et incorruptible, tu dis que, bien que ne doutant aucunement que la thèse du divin Thomas d'Aquin sur l'immortalité des âmes ne soit vraie et en soi très ferme, tu pensais cependant qu'elle ne s'accordait nullement avec les dires d'Aristote. C'est pourquoi, si cela ne t'importunait pas, je désirerais savoir de toi deux choses: La première, ce que, mis

1. BAYLE, Diction., art. Pomponace. PAUL JOVE, Éloges, liv. LXXI,

p. 164.

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à part les révélations et les miracles, et te tenant dans les limites naturelles, tu penses sur ce point; la seconde, quelle opinion tu attribues sur cette matière à Aristote. »

» Et moi, m'apercevant que tous les assistants avaient au plus haut point le même désir (car il y avait là beaucoup de monde), je répondis: «- Très cher fils, et vous autres, bien que vous ne me demandiez pas peu de chose (cette recherche, en effet, est très haute, tous les illustres philosophes y travaillèrent), puisque cependant vous ne demandez qu'une chose qui est en mon pouvoir, c'est-à-dire ce que je pense, il est en effet facile de vous le découvrir. Bien mieux, c'est avec empressement que je le ferai. Si d'ailleurs mon opinion ne te satisfait pas, tu consulteras de plus compétents sur ce point. J'aborde donc ma thèse, prenant Dieu pour guide. »

Pomponace établit d'abord, d'après Aristote, que l'homme n'est pas simple, mais qu'il est multiple de nature. Il est placé entre la mortalité et l'immortalité (medium inter mortalia et immortalia collocari). Par ses opérations, végétative et sensitive, qui ne peuvent s'exercer sans un instrument corporel et caduc, il tient à la mortalité. Par cela qu'il comprend et qu'il veut, actes accomplis sans instruments corporels, il tient à la nature immatérielle, indivisible, et conséquemment immortelle. Mais, dans l'homme, entre la pure matière et l'esprit immortel, la raison, il y a l'âme sensitive, matérielle, l'animalité ; l'homme est donc triple, ou double, si l'on ne considère l'âme végétative et l'âme sensitive que comme des subdivisions. Selon que la raison ou la sensation prévaut en lui, il s'élève au Dieu ou descend à la bête, étant proprement l'homme dans l'état intermé

diaire, entre la raison, dont il ne perd pas tout à fait l'usage, et les passions, auxquelles il ne s'abandonne pas tout à fait 1.

De quelle façon l'Immortel et le Mortel, qui sont opposés et ne peuvent être affirmés du même, seraient-ils attribués à l'âme humaine?

Comme spécimen de méthode, il est curieux de présenter avec toutes ses divisions et subdivisions la thèse du professeur de Padoue dans ce petit livre si curieux et si rare De immortalitate animæ.

Ou bien il n'y a qu'une seule et même nature, mortelle et immortelle en même temps, ou bien il y a une nature mortelle et une autre immortelle.

La première hypothèse s'entend de trois manières : 1o On la nature humaine est simplement immortelle, et en quelque chose (secundum quid) mortelle;

2o Ou vice versa elle est simplement mortelle, et en quelque chose (secundum quid) immortelle;

3o Ou, par participation, et secundum quid, mortelle d'un côté, immortelle de l'autre.

La seconde hypothèse se peut comprendre de trois façons:

1° Le nombre des natures mortelles et des immortelles sera égal au nombre des hommes existants: ainsi, il y aura dans Socrate une nature immortelle et une ou deux mortelles, et ainsi des autres hommes;

1. PETRI POMPONATII MANTUANII, Tractatus de immortalitate animæ; MDXXXIV, petit in-18; cap. 1, p. 5 et 6.

2o Il n'y aura pour tous les humains qu'une seule nature immortelle; mais, les natures mortelles étant afférentes à chaque homme en particulier, il y en a autant ou deux fois autant qu'il y a d'hommes;

3o Réciproquement, dans le troisième cas, il n'y aura pour tous qu'une seule nature mortelle, et autant d'immortelles qu'il est d'individus.

Deux hypothèses, présentant chacune trois cas, ou, en somme, — six explications, entre lesquelles il faut choisir 1.

De ces six explications, deux doivent être éliminées tout d'abord.

Nul, en effet, n'a jamais prétendu :

1° Que l'immatériel puisse être multiple, tandis que le matériel serait unique;

2° Qu'une même chose puisse être également mortelle et immortelle.

La première thèse est inadmissible, une chose corporelle unique ne pouvant se trouver en tant d'autres localement et subjectivement distinctes.

La seconde l'est pareillement; rien (Aristote le prouve) ne pouvant être également constitué de deux contraires, il faut nécessairement que l'une prévale sur l'autre 3.

Distinguant l'âme intellective de l'âme corruptible,

1. De Immortalitate animæ, cap. II, p. 7 et 8.

2. De Calo, tex. comm. 7 et 2; de Gener., 47 et 10; Metaph., 23. 3. POMPONAT., De Immort. anim., cap. III, p. 8 et 9.

Averroès, et Themistius avant lui, ont posé la première comme immortelle et unique en tous les hommes, la seconde comme périssable et multiple.

Telle est l'opinion des averroïstes, et Pomponace se déclare tout d'abord leur adversaire.

Il s'abrite sous l'autorité de Thomas d'Aquin.

Il tire à lui l'Ange de l'École.

C'est qu'il est bon d'avoir pour soi le grand ruminant de la Théologie, le bœuf muet de Sicile,

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muet !... non de plume, du moins, l'argumentateur formidable, le tisserand de syllogismes que Dante associe à Béatrix dans le ciel, pour symboliser la Dogmatique orthodoxe,

Qui va du centre au cercle, et du cercle au centre,

Dal centro al cerchio, e sì dal cerchio al centro1.

Ainsi se meut l'eau dans un vase rond,

Selon qu'elle est frappée en dehors ou en dedans.

Muovesi l'acqua in un ritondo vaso,

Secondo ch'è percossa fuori o dentro 2.

Il tire à lui l'Ange de l'École.

Que dit cet oracle?

Entre autres passages de la Somme auxquels Pomponace renvoie, citons ces arguments 3:

1. DANTE, Divin. Com., Par., c. xiv, t. 1.

2. Ibidem.

3.

Quamvis hæc opinio tempestate nostra sit multum celebrata, et fere ab omnibus pro constanti habeatur eam esse Aristotelis, mihi tamen videtur quod nedum in se sit falsissima, verum inintelligibilis, et monstruosa, et ab Aristotele prorsus aliena... Et... de ejus falsitate nihil

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