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choses attestant son imperfection et sa matérialité, car elles sont les conditions de la matière 1. »

Pomponace déplore l'infériorité de l'organisme humain par rapport à celui d'un grand nombre d'animaux. Seulement, de par sa doctrine, il méconnaît que cette infériorité d'organisme est bien rachetée par une supériorité, organique également celle de notre appareil cérébronerveux 2.

La suprématie d'intelligence qu'il constate en l'homme tenant comme son infériorité musculaire à une même unité organique, il n'est pas vrai que notre corps soit si imparfait (imbecillissimum) comparativement à celui de presque toutes bêtes. Mais Pomponace, qui ne croit pas à la personnalité de l'âme humaine distincte du corps, croit cependant à son existence en tant qu'entité. Erreur impliquée par sa métaphysique, mais qui n'altère pas à d'autres égards la profonde vérité de son observation pessimiste.

L'homme est sujet ou maître. Si sujet, qu'il considère son funeste lot (pessimam suam sortem). De mille gouvernants, il s'en trouve à peine un de vertu médiocre. Le pouvoir est d'ordinaire aux ignorants et aux fous... Si l'homme est maître,... sa condition de tyran est pire que celle de sujet. Quicunque igitur tantum magnifacit hominem, non consideret ea quæ non experitur, sed ea quæ scit et ante oculos habet 3. »

1. De Immort. animæ, cap. XII, p. 90.
2. De Immort. animæ, cap. XII, p. 90.
3. De Immort. animæ, cap. XII, p. 90-91.

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Cependant ce pessimiste, ce sensualiste obstiné, connaît la vraie grandeur de l'homme. Il la met dans une région supérieure aux vulgaires instincts, dans le contentement désintéressé de la conscience, dans ce sentiment de résignation aux choses, d'harmonie avec elles et avec soi, qui mène à accomplir le Bien pour lui-même, sans désir d'une récompense, sans appréhension d'une peine extérieure.

<< Sive animus mortalis sit, sive immortalis, nihilominus contemnenda est mors: neque aliquo pacto declinandum est a virtute quicquid accidat post mortem 1. »

La conclusion du livre atteint des hauteurs morales et rationnelles que la conscience moderne n'a pas dépassées. Notre auteur énumère les huit objections qui peuvent être opposées à la mortalité de l'âme. Avant de les réfuter successivement, il ne se dissimule pas le péril qu'il encourt.

« Il me paraît ardu et dangereux (onerosum) de répondre à ces divers arguments. Et cela surtout parce que c'est une opinion commune que l'âme demeure après la mort. Or, comme il est écrit au second livre de la Métaphysique, il est difficile de parler contre la coutume... Je tenterai pourtant de le faire, selon mes forces 2. »

Première objection. « Si l'âme humaine est mortelle, il n'y a point pour l'homme de terme final par

1. De Immort. animæ, cap. XIV, p. 119. 2. De Immort. animæ, cap. XIV, p. 104.

lequel il soit homme, et ainsi il ne sera pas susceptible de félicité 1. »

Chaque chose parfaite, répond Pomponace, a sa fin, qui est la raison de son bien propre (boni ratio). Il faut donc lui assigner pour fin, non ce qui en soi-même est un bien majeur, mais ce qui par nature convient à cette chose même et lui est proportionné. Cela est proprement le bien de cette chose.

Sentir vaut mieux que ne pas sentir, et ne convient pourtant point à une pierre: cela ne peut être son bien. Car, ayant le sentiment, elle ne serait plus une pierre. De même, l'homme ne serait plus un homme, si on lui attribuait pour fin celle de Dieu et des intelligences supérieures 2.

Le genre humain est comparé à un seul individu dont les membres, nécessaires les uns aux autres, ont chacun leur fonction ".

Cet homme collectif a comme l'homme individuel ses membres exerçant respectivement leur office pour l'utilité commune, et se prêtant une assistance mutuelle sous la même loi de différence limitée (inæqualitas commensurata).

Ces membres ou organes sont, selon la division principale, les deux classes, spéculative (ou philosophique),

1. Si anima humana est mortalis..., tunc non dabitur ultimus finis hominis qua homo est, et sic non erit FELICITABILIS. » De Immort. animæ, cap. XIII, p. 96.

2. De Immort. animæ, cap. xiv, p. 104-105.

3. De Immort. animæ, cap. XIV, p. 105.

LES MÉDICIS.

II. 27

factive (ou industrielle). Cœur (nous dirions cerveau) de l'humanité, un petit nombre de sages constitue la première classe: ils tiennent des Dieux le génie théorique qu'ils appliquent à l'étude et à l'avancement des sciences et des beaux-arts. La seconde classe exerce les arts et métiers nécessaires à l'entretien et à l'amélioration de la vie physique.

Il va de soi que ces deux catégories. spéculative et factive, ne correspondent pas seulement à cette division en deux classes. On ne peut concevoir un homme qui n'ait à un certain degré l'intelligence factive et la spéculative. Seule, la prédominance de l'une de ces facultés détermine la classe où se range celui qui la possède.

Il est une troisième catégorie de l'intellect. Pratique ou morale, elle répond, non à une fonction spéciale de l'humanité, mais à l'idée, à la nature de l'homme, à sa fonction générale, à ses devoirs dans la famille, dans la société. Tous doivent cultiver également la vertu.

« Un homme est dit bon ou mauvais, d'après ses vertus ou ses vices. On ne dit pas, au contraire, d'un bon métaphysicien ou d'un bon maçon qu'ils sont des hommes bons, mais qu'ils sont, l'un, un bon métaphysicien, l'autre, un bon maçon 1. »

La vertu, non la science ou l'habileté factive, est la fin de l'homme.

Or la plus haute satisfaction, le bonheur,

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1. De Immort. animæ, cap. XIV, p. 110-111.

pour

tout être, étant d'atteindre sa fin, l'homme vertueux arrive au bonheur.

Mais le propre de la vertu humaine est d'adhérer aux conditions de son être. Ces conditions impliquent la mortalité. Il n'est donc pas vrai que l'homme vertueux et mortel ne réalise pas sa fin: le bonheur 1.

Seconde objection.

« La mortalité de l'âme humaine

étant donnée, l'homme dans aucune circonstance, même la plus urgente, ne devrait choisir la mort. »

En se vouant à la mort pour la patrie, pour ses amis, donc de la félicité.

on monte au faîte de la vertu,

Saint Thomas dit bien que, si l'âme était mortelle, l'homme devrait tout faire pour éviter la mort. Mais je crois qu'il faut interpréter ses paroles. Un si sage théologien n'a pu prétendre qu'en ce cas mieux vaudrait commettre tous les forfaits que subir le trépas. Il veut dire que les hommes, ne connaissant pas l'excellence de la vertu et la laideur du vice, perpétreraient tous les crimes plutôt que de périr; aussi l'espoir d'une récompense et la crainte d'une punition leur ont été donnés pour refréner leurs cupidités criminelles 3. »

Thomas n'a pu vouloir dire cela. Pomponace lui prête généreusement sa propre pensée.

"

-Les bêtes manifestent parfois par leurs actes que, dans l'hypothèse de la mortalité des âmes, l'immolation

1. De Immort. animæ, cap. XIV, p. 111-117.

2. Stante animi humani mortalitate, homo in nullo casu, quantumcunque urgentissimo, deberet eligere mortem. » (De Immort. animæ, cap. XIII, p. 99.)

3. De Immort. animæ, cap. XIV, p. 119.

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