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olfactif; bien plus, que les plaies touchées ne sentent pas par le tact ce qui les touche. Car, si une mouche effleure notre chair, aussitôt nous le sentons. En outre, comment ces remèdes sont-ils si promptement au pouvoir des démons eux-mêmes, qu'ils soient transportés presque instantanément de l'extrême. orient dans l'occident extrême, et réciproquement? Ces démons portent-ils donc avec eux des boîtes, des besaces, ou des sacs pleins d'emplâtres ou de liquides, comme les chirurgiens et les apothicaires? S'il en est ainsi, il est surprenant qu'ils ne soient pas vus par tout le monde, et qu'on ne dise pas aussi que les démons fascinent nos sens 1. >>

Enfin, conclusion décisive :

Puisque, ajoute Pomponace, nous pouvons expliquer ces faits par des causes naturelles (quoniam per causas naturales nos possumus hujusmodi experimenta salvare), et qu'il n'y a pas de raison qui nous force à croire qu'ils s'opèrent par les démons, on suppose en vain les démons. Il est en effet ridicule et tout à fait insensé d'abandonner ce qui est manifesté et peut être prouvé par la raison naturelle, et de rechercher ce qui est immanifeste et ne peut être démontré avec aucune vraisemblance?. »

Aucun agent ne peut agir sans contact (neque sine contactu possit agere).

Nous voici en pleine physique métaphysique, s'il est permis d'associer les deux termes. Mais nous allons voir Pomponace, justifiant cette alliance de mots, déduire de quelques définitions, en dehors de l'observation et par la pure logique, la loi hypothétique des phénomènes natu

1. P. POMPONAT., De Incantat., cap. 1, p. 18-19. 2. P. POMPONAT., De Incantat., cap. 1, p. 19-20.

rels. Pour fantastique que cette méthode nous paraisse, il faut tenir compte à celui qui l'emploie de ses divinations rationnelles, de toutes les erreurs qu'il ne partage pas avec les prétendus physiciens de son temps.

Écoutons une de ces théories... Aussi bien, outre l'intérêt spécial qu'elle offre pour saisir l'enchaînement d'un système, cette citation donne une idée des exercices dialectiques qui, dans l'enseignement des écoles, représentaient notre physique expérimentale.

« Les herbes, les pierres, les minéraux, les extraits de divers animaux, et universellement tout ce qui concourt à l'art médical, et, bien plus, à presque toutes les opérations humaines, altèrent les corps, ou immédiatement, altérant manifestement par des qualités manifestes les corps sur lesquels ils agissent, ou médiatement, parce qu'ils sont convertis en vapeur, et, ainsi convertis, ils altèrent ensuite les corps, ou quelquefois ils les altèrent par une altération occulte et invisible. Comme exemple de la première altération, on trouve le feu qui échauffe, l'eau qui refroidit, et semblablement agissent beaucoup de composés des éléments, soit qu'ils soient des médicaments simples, soit qu'ils soient composés, selon la manière de parler des médecins. L'exemple de seconde altération est la rhubarbe, qui ne purge la bile que si elle a été activée par la chaleur naturelle et convertie en vapeur.

» Exemple de la troisième altération : l'aimant. Il n'attire le fer ni par une qualité de la première espèce (telle que celle du feu), ni par une qualité de la seconde espèce (telle que celle de l'eau), ni parce que l'aimant est changé en vapeur, mais par une qualité insensible qui est ignorée, ainsi que l'enseigne l'expérience quotidienne des faits semblables apparaissent presque à l'infini..... On suppose que les choses opérées selon le troisième mode n'appartiennent pas à un seul genre, mais

qu'elles tiennent à des genres presque infinis. Car l'aimant attire le fer le diamant résiste à son opération. Le saphir fuit les charbons, échauffe les yeux; et il y a presque une infinité de vertus occultes, desquelles Albert, dans son second traité des minéraux (chap. prem., 11, 17 et ailleurs), dit beaucoup de choses et admirables. Beaucoup d'autres choses sur ce sujet sont énumérées par Marsile Ficin, au chapitre premier du livre quatrième de sa Théologie de Platon. »

Voilà Marsile invoqué comme autorité par le disciple d'Aristote. Mais les actions occultes qu'il cite sont bien autrement prestigieuses que celles qu'énumère Pompo

nace.

« L'herbe hiérobotanon favorise le pronostic médical; La cornaline arrête le flux du sang;

L'onyx allume la colère;

Le corail dissipe les vaines terreurs, repousse la foudre et la grêle, etc. 2 »

On se rappelle les théories de la Théologie platonique. Mais il est curieux de vérifier à leur source les croyances communes aux chefs des deux écoles adverses.

Toutefois, par la tendance plus positive de son esprit, par un plus fréquent recours à l'expérience, dont il méconnaît moins la vraie portée, l'aristotélicien Pomponace se rapproche bien plus que Marsile des conditions. de la science, telle que nous la comprenons. Il doit cette supériorité au maître qu'il continue, aussi bien qu'à son bon sens sagace, dont les divinations sont d'autant plus

1. De Incantat., cap. II, p. 21-23. 2 MARSILE FICIN, t. I, p. 124.

remarquables que la base de ses connaissances naturelles est incomplète ou chimérique. Il n'en tire pas moins parti pour réduire bien en deçà de ce que supportait l'orthodoxie de son temps l'action des forces divines, angéliques ou démoniaques.

Sous sa terminologie archaïque de l'homme microcosme et de l'univers macrocosme agissant sur lui, se retrouve notre notion de la connexité des phénomènes. Il y a bien entre les deux philosophies, quant à la dépendance de ces phénomènes, des différences capitales; mais, en fin de compte, la même loi est reconnue par l'intuition vague et par l'observation. Le fait biologique ou social, par exemple, dépend du fait astronomique, mais par des intermédiaires dont la méconnaissance fut la cause des erreurs astrologiques.

Sous cette réserve, il est vrai de dire avec Pomponace que tout genre d'action s'exerçant dans un ordre de phénomènes influe directement ou indirectement sur tous les autres ordres.

Notre auteur croit du reste, avec Pline et Albert le Grand, qu'il y a des herbes et des pierres qui attirent ou repoussent la grêle et la pluie 1.

Mais ces erreurs, si étranges pour nous, n'altèrent pas le fond du système dirigé avec une remarquable vigueur logique contre la notion des causes surnaturelles. Sur cette conception du Microcosme reproduisant en soi

1. POMPONAT., De Incantat., cap. III, p. 24.

toutes les forces du Grand Monde repose une sorte d'idéalisme naturaliste ainsi formulé: «L'âme sensitive, recevant les espèces de toutes les choses sensibles, est en quelque sorte toutes ces choses sensibles, et l'âme intellective, recevant les espèces de toutes les choses intelligibles, est en quelque manière toutes les choses intelligibles. Aussi, comme tout ce qui est ou sensible, ou intelligible, l'âme humaine comprenant l'une ou l'autre chose, savoir, le sens (sensum) et l'intellect (intellectum), est elle-même toute chose '. »

Il est bon de rappeler les trois cas de guérison extraordinaire, point de départ de ces dissertations:

1° Un enfant délivré d'horribles brûlures; 2° un autre, d'un érysipèle; 3° un blessé, de la plaie duquel un fer est extrait; le tout par des incantations.

Ces trois cures ont eu lieu par des causes purement naturelles. C'est ce qu'on appelle aujourd'hui le magnétisme animal. Dans les deux cas de l'enfant guéri d'une brûlure et de celui qui est délivré d'un érysipèle, notre philosophe ne voit qu'un traitement par réfrigérants, appliqué en vertu du principe contraria contrariis. Et, à l'appui de cette médication qui, bien qu'elle n'ait lieu qu'en vertu d'une science occulte, n'en est pas moins administrée par un contact, il cite toutes les actions surprenantes accomplies par une force, nous dirions par un fluide, depuis la fascination des serpents jusqu'aux

1. POMPONAT., De Incantat., cap. III, p. 28.

LES MEDICIS.

11.- - 29

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