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tours des baladins imitant les cris des animaux, ou ramenant par une contraction insensible leur chevelure de l'occiput sur le front. Force qui permet aux rois de France de guérir les écrouelles.

Ce passage est très curieux par la naïve crédulité mêlée à la vigueur logique et à la négation du surnaturel.

Le principe d'identité revient toujours. A propos de la puissance de l'attention fixant par l'habitude la force imaginative et cogitative, Pomponace affirme que la chose imaginée et désirée peut être produite réellement, secundum reale, par les vertus de l'imagination et de la pensée. Tout se tient, le physique au sensible, le sensible à l'intellectuel.

La foi de l'opéré en l'opérant augmente la puissance de celui-ci. C'est ce qu'assurent nos magnétiseurs. On croirait les entendre: «Avicenne, dit Pomponace, attribue les effets physiques produits par l'âme à la subordination de la matière. Selon nous, l'âme opère par des vapeurs transmises 2. »

Plus subtiles que les remèdes ordinaires, ces vapeurs pénètrent plus intimement: elles soulagent des douleurs dont les onguents et les emplâtres ne sauraient atteindre le siége caché. Si les philosophes, ces Dieux terrestres 3, pénètrent seuls la raison de ces secrets, d'ignorants em

1. POMPONAT., De Incantat., cap. iv, p. 51. 2. POMPONAT., De Incantat., cap. IV, p. 52. 3. POMPONAT., De Incantat., cap. IV, p. 53.

piriques guérissent parfois, en les appliquant, des maux rebelles à la médecine ordinaire.

Notre philosophe fait d'ailleurs dans ces prétendus phénomènes la part de la supercherie. Il explique par une impulsion insensible de celui qui le tient l'agitation d'un crible qui semble se mouvoir de lui-même, à l'ordre d'un enchanteur placé à distance. Voilà déjà nos tables tournantes.

Mais il est moins dangereux de faire danser des tables qu'il ne l'était de faire valser des cribles. Témoin ce Reazzo, dont Pomponace avait vu les expériences à Mantoue et à Padoue, et qui ne se tira des griffes de l'Inquisition qu'en prouvant qu'il n'y avait d'autre diablerie dans l'affaire que l'habileté de ses doigts 1.

Pomponace pourtant ne nie pas que de pareils phénomènes, non plus que l'expérience du miroir magique où des figures apparaissent tout à coup d'elles-mêmes, ne puissent parfois s'accomplir en réalité par des causes naturelles. Mais ils sont d'ordinaire le résultat d'une illusion 2.

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Notre auteur s'enhardit: il aborde les prodiges consacrés par la légende catholique.

On retrouve, anticipée, l'argumentation du Vicaire Savoyard à propos des miracles de Moïse reproduits par les magiciens de Pharaon, dont les moyens d'action rentrent, en vertu de l'analyse précédente, dans la classe

1. POMPONAT., De Incantat., cap. IV, p. 56.

2. De Incantat., cap. iv, p. 60.

des phénomènes naturels. Cette assimilation se poursuit pour les miracles des prophètes de l'Ancien Testament, pour ceux du Christ lui-même; elle s'applique aux visions de sainte Catherine de Sienne et aux fameux stigmates de saint François d'Assise attribués à la même puissance productrice de l'imagination qui imprime dans le ventre de la mère des signes au fœtus '.

Mais le docte Naudé suppose à tort que la résurrection de Lazare est attribuée par Pomponace aux forces naturelles. Le passage invoqué est formellement contraire à cette appréciation: - Bien que quelques faits rapportés, tant dans l'histoire de la religion de Moïse que dans celle de la religion du Christ, puissent être superficiellement (superficialiter! admirez la prudence!) rapportés à une cause naturelle, il y en a beaucoup cependant qui ne sauraient être ramenés à une telle cause. Il en est ainsi de la résurrection de Lazare mort depuis quatre jours et en putréfaction, de l'aveugle de naissance rendu voyant, du rassasiement de tant de milliers d'hommes avec cinq pains et deux poissons *. »

Quand on s'impose la tâche de suivre consciencieusement en ses détours la pensée de Pomponace, on ne voit

A De Incantat, cap. v, p. 64–69.

2. De Incantat., cap. 11, p. 81.

Fa tête de lexemplaire du De Incantationibus servant à notre étude, on at cette note en caractères du dix-septième siècle, écrite évidemment par un lecteur sandalise: Pomponace a voulu rendre une raison naturede du miracle de Lazăre ressascle

pas toujours ce qu'il y entre de prudence dans l'affirmation d'un ordre surnaturel, et si ce mot surnaturel a même bien pour lui le sens qu'il a pour nous. Tantôt, du point de vue de la raison pure, il semble n'admettre aucun prodige, et ce n'est qu'en vertu de la Révélation qu'il croit au miracle; tantôt il distingue entre les forces naturelles de l'imagination, de la volonté produisant certains faits rares, et le pouvoir prophétique qui ne saurait venir d'aucune de ces influences, mais qu'il faut attribuer à Dieu, aux anges, ou aux démons; car il n'y a dans l'accomplissement de la prophétie nulle dépendance entre le signe et la chose signifiée.

Qu'une corneille annonce la victoire de Marius ou de César: comment le peut-elle, sinon par un miracle? Nul ne prétend qu'une prédiction soit une cause, et, d'autre part, il n'y a nulle similitude entre une victoire et un oiseau '.

Quant à la résurrection des morts, il était facile à Pomponace (et il n'y a pas manqué), exceptant les miracles de cette catégorie dont la vérité se fonde sur l'affirmation des Écritures et de l'Église, de rechercher l'explication normale de tels faits en tous les cas où l'autorité de la Révélation n'est pas engagée. Il s'en présente une naturelle. Les prétendus ressuscités n'étaient pas morts, mais en léthargie. La sainte ruse de ceux qui prétendirent les ramener à la vie, quand ils

1. De Incantat., cap. vII, p. 100, 101, 102.

les réveillaient seulement, est justifiée par une explication dont la malignité atteint, quelle que soit l'apparence contraire, d'autres religions que le paganisme. Ces fraudes pieuses, que notre auteur légitime au nom de l'intérêt bien entendu du vulgaire (expedit in religione civitates falli), il ne les attribue pas évidemment dans sa pensée aux seuls pontifes de Zeus ou d'Isis 1.

Ces audaces, qu'il subjugue sous l'autorité de l'Église, Pomponace les abrite sous celle.d'Aristote.

Ce maître des maîtres admet-il les puissances surnaturelles? C'est un problème à débattre, la foi n'y étant pas intéressée.

Et, au nom du Stagirite, il développe dans un interminable chapitre une longue chaîne d'arguments, qui tous reviennent au principe si bien nommé dans la langue parfois si expressive de l'utopiste Fourier: l'économie de ressorts. Le plan de l'Univers exclut l'intromission des démons ou des anges partout où un phénomène s'explique par l'action des intelligences célestes s'exerçant de sphère en sphère en vertu d'une loi générale de transmission. Supposer une volonté arbitraire en concours avec une influence normalement déterminée, c'est contrarier celle-ci, c'est comme si l'on donnait deux âmes au même homme, au même animal, « veluti si uni homini vel uni asino duas animas daremus 2. »

Le libre arbitre objecté se défend comme il peut par

1. De Incantat., cap. VIII, p. 102-106.

2. De Incantat., cap. x, p. 111.

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