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accessoires dans ses tableaux de sainteté, retraçant ainsi avec une prédilection marquée les traits de ses inspirateurs et de ses amis, les platoniciens, disciples de Marsile.

Léonard de Vinci (1452-1519) s'appropriera tous ces éléments techniques d'un art idéaliste, mais bien moins platonicien que catholique. Son génie encyclopédique, dont les produits principaux sont postérieurs à cette période, la résumerait seul dans la science comme dans les arts. Sa pensée dépassa peut-être les audaces du platonisme, ou, pour le moins, les poussa jusqu'au bout.

Le pinceau qui, rompant avec ce qui restait de la tradition hiératique des peintres byzantins de Jésus, humanisa avec tant de grandeur dans la Cène de Santa-Mariadelle-Grazie le type divin du Christ, concevait celui-ci comme un Platon. S'il ne douta pas des mystères de la religion naturelle, il niait, Vasari l'affirme dans sa vie de Léonard, — toute religion révélée.

« Ses caprices furent tels (ce passage de l'Histoire des peintres en a été retranché dès la seconde édition), ses caprices furent tels qu'en philosophant des choses naturelles, il s'appliquait à en reconnaître les propriétés par une observation assidue du mouvement du ciel, du cours de la lune et de la marche du soleil. Ces études le jetèrent dans l'hérésie, et il finit par se détacher de toute religion, estimant la qualité de philosophe supérieure à celle de chrétien. »>

Le panthéisme idéaliste de Léonard n'est-il pas révélé par son œuvre ?

Fascinant, plus que voluptueux, l'œil de sa Joconde est plein d'incantations. Il semble refléter en son abîme les magies de la nature interrogée sans peur. De la bouche, une indéfinissable ironie provoque l'énigme que le regard scrute avec curiosité.

On s'oublierait devant ces œuvres, particulièrement devant les portraits peints par les maîtres, et où, par une fusion involontaire, triomphe des idéalistes supérieurs, le génie de l'artiste et le type du modèle (ajoutez son costume, ses attributs professionnels, l'esprit de son temps), se pénétrant l'un l'autre, sont pour qui sait voir une page d'histoire et de philosophie.

En sculpture, où le buste et la statue en pied n'ont pas cette puissance d'assimilation réaliste, attachez-vous pour cette époque à la porte de Lorenzo Ghiberti, à l'est du Baptistère. Le bas-relief, tel que ce maître l'a compris, fut une innovation au point de vue technique. Jamais dans l'antiquité la perspective n'avait été transportée avec le même bonheur dans un domaine qui lui semble étranger. Mais, outre ce tour de force, et le paysage qu'on s'étonne d'admirer à ce point dans un basrelief, ce qui frappe, c'est le caractère synthétique de ces compositions moins légendaires qu'historiques, c'est, - expression suprême d'une tendance que le catholicisme organique du Moyen-Age portait en lui, - la foi religieuse se transformant en inspiration philosophique pour glorifier la vertu et la beauté humaines; c'est la pensée, consciente ou non, mais fatale, poussant les

artistes qui bâtissent et ceux qui décorent les églises à y symboliser par l'architecture, la peinture, la statuaire, les traditions générales de la patrie et de l'humanité.

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Le catholicisme, -on ne saurait trop le redire, tendait à devenir un pur symbolisme de la civilisation occidentale, quand le génie chrétien, avec Savonarole et Luther, réagit contre le mouvement de la Renaissance. Mais cette impulsion, qui aura sous Léon X toute son intensité, n'a pas encore trouvé d'opposition à Florence. Elle développe une remarquable liberté d'esprit dans l'interprétation du dogme. Dans l'art, elle approprie les sujets sacrés, que les poètes, les peintres, les sculpteurs, ont mission de rendre, aux besoins nouveaux de l'intelligence s'émancipant.

Devenues les temples de l'idéal où nous avons vu Marsile prêcher à ses frères en Platon », les églises offrent à représenter à l'artiste, auxiliaire de ce culte de plus en plus naturaliste et rationalisé, des sujets historiques, moraux, ou simplement pittoresques, pour lesquels les motifs orthodoxes ne sont qu'un prétexte obligé, une convenance imposée par la tradition, où volontiers il introduit, dans les scènes de la Bible et du Nouveau Testament, parmi les saints et les prophètes, les représentants de l'école philosophique en renom. Ainsi, le Ghirlandajo, dans sa fresque du chœur de Sainte-Marie-Nouvelle, Zacharie dans le Temple, met avec les Tornabuoni, ses patrons, son ami Politien et Marsile Ficin, le chanoine. Chaque fois que le lieu le

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permet, la peinture historique, par un parallélisme constant, associe la tradition gréco-latine à celle de la Judée. Dans la salle du Change de sa ville natale, le Pérugin peint d'un côté Fabius Maximus, Socrate,

Numa, Camille, Trajan, Léonidas, Horatius Coclès, Fabius, Sempronius, Périclès et Cincinnatus; de l'autre Isaïe, Moïse, Daniel, David, Jérémie, Salomon, et les Sibylles Érythrée, Libyque, Tiburtine, Delphique, Cuméenne.

De là l'invasion de la mythologie païenne dans les sujets sacrés, principalement en poésie, et jusque dans la langue cicéronisée des prédicateurs.

Nous avons dit déjà comment le Saint-Esprit devenait le Souffle ou le Zéphyr Céleste, le Diable le Sycophante, la Vierge Diane, et le Christ Esculape ou Apollon. Nous avons donné la traduction du pastiche dans lequel Érasme avait composé de leurs locutions habituelles le Credo des prêtres humanistes romains 1.

Les conditions matérielles qui commandent plus

1. Pages 241-242 de notre premier volume.

Optimi maximique Jovis interpres ac filius, servator, rex, juxta vatum responsa, ex Olympo devolavit in terras, et, hominis assumpta figura, se pro salute Reipublicæ sponte devovit Diis manibus, atque ita concionem, sive civitatem, sive Rempublicam suam asseruit in libertatem, ac Jovis optimi maximi vibratum in nostro capite fulmen restinxit, nosque cum illo redegit in gratiam, ut persuasionis munificentiæ ad innocentiam reparati, et a sycophantæ dominatu manumissi, cooptemur in civitatem, et in Reipublicæ societate perseverantes, quum fata nos evocarint ex hac vita, in Deorum immortalium consortio rerum summa potiamur. »

Ciceronianus, sive de optimo dicendi genere Dialogus. DESIDERII ERASMI ROTT. Opera omnia; Lugduni Batavorum, 1703, t. I, p. 974, etc.

impérieusement aux arts plastiques défendirent mieux les sculpteurs et les peintres contre cette invasion des formes de l'érudition païenne dans l'interprétation des sujets sacrés.

Au point de vue mythique, ils n'en admirent guère d'autres que les types dont le mélange avec les person. nages de la légende chrétienne était dès longtemps consacré les Sibylles, par exemple. Mais un écueil, contre lequel les réformateurs piagnoni vont s'élever avec énergie, menaçait la pureté héréditaire des grandes figures de la légende sous l'influence de l'école naturaliste, aux physionomies sacrées transmises par la tradition se substituèrent, pour représenter la Vierge, le Christ, les Saints, des portraits de personnages profanes, parfois scandaleux, comme au Vatican où Alexandre VI adora, sous les traits de Marie, les charmes de Giulia Farnèse. Parmi les artistes de cette époque les plus émancipés au point de vue religieux, on est surpris de compter le Pérugin. Il s'éprit un moment d'enthousiasme pour la réforme de Savonarole; mais, après le supplice du grand prédicateur, ses convictions chrétiennes ne tinrent pas longtemps contre les lumières philosophiques qui s'imposaient à tous les hommes supérieurs :

« Il était sans religion, dit Vasari, et on ne put jamais lui faire croire l'immortalité de l'âme. Toutes les raisons qu'on lui donnait de ce dogme se brisaient contre ce caractère de porphyre! >>

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