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et sacré dans le ciel, et nous t'élèverons une statue comme à Bélus.

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Émile, et vous, Marcellus, Scipion, et toi qui délivras le peuple esclave et affranchis le Capitole d'un joug si pesant, gardez sans envie dans Rome la gloire de vos triomphes. Car tu fus, ◊ mon Laurent (Lauro), le principe de la gloire qui t'élève au sommet, qui apporte honneur, victoire et renommée à la haute et digne Maison des Médicis. »

Après ces carrousels, forme adoucie du tournoi chevaleresque, se placeraient, s'ils n'étaient pas mentionnés dans l'analyse de l'Orphée, les débuts de l'opéra moderne. N'oublions pas le feu d'artifice tiré en 1450 aux frais du grand Cosme par Bartolomeo Capolini, une des plus vieilles illustrations de la pyrotechnie.

1. Par POLITIEN; voy. page 17 et suiv.

CHAPITRE XXI.

TRIOMPHES ET CHANTS CARNAVALESQUES.

On s'est un peu étendu dans la description détaillée de ces spectacles et de ces fêtes. C'est que ce ne sont pas de simples réjouissances patriciennes ou populaires, mais comme la traduction animée d'un état particulier des esprits, dans une cité vivant d'une vie esthétique intense, à laquelle nul n'est étranger à aucun degré de l'échelle sociale. Satisfaire à ce besoin devient là, comme jadis à Athènes, une préoccupation des hommes d'État. Dans cette pensée sans doute, à l'instar du dramaturge grec, qui est en même temps le metteur en scène et le régisseur des interprètes de son œuvre, le Magnifique mène par la ville des chœurs de masques exécutant des chants Carnascialeschi. Il est le créateur du genre, l'inaugurateur de cette poésie folle et barbouillée de lie,

comme la muse de Thespis, agreste et même un peu poissarde, ou parfois plus que grivoise.

Noi abbiam con noi Raccelli,

Lunghi, e teneri da ghiotti;

Se la coda in man ti tieni;

Sù, e 'ngiù, quel guscio meni'.

Il faut renoncer à traduire et beaucoup laisser à deviner. Il suffirait de ce spécimen pour se rendre compte des licences de ces chansons; elles empruntent aux produits des jardins et des champs, aux procédés des divers métiers, des allusions qu'il faut tenir dans l'ombre en indiquant aux connaisseurs la source d'où l'on n'ose les tirer que très parcimonieusement. Si ce fruit défendu les allèche, il est bon de les prévenir que la cueillette n'en est pas aisée parmi les branchages épineux qui les protègent. Je ne sache pas de texte italien dont il soit moins facile de pénétrer pleinement le sens que ces couplets écrits dans un idiome rustique ou dans l'argot professionnel des diverses troupes d'artisans qui les chantent : pâtissiers, fileuses d'or, cordonniers, revendeuses, fabricants d'huile, gaufriers, de retraits.

Forsechè vi parrà strano

A gustar quest' arte nostra ;
Se ci guarderete in mano,
Pur' assai vi si dimostra.

jusqu'aux cureurs

1. Tutti i Trionfi, Carri, Mascherate, o canti Carnascialeschi andati per Firenze dal tempo del Magnifico Lorenzo de' Medici fino all' anno un volume in-8° avec cette seule indication: In Cosmopoli, Canto delle Foresi di Narcetri.

1559.

1750.

Les galants vidangeurs abondent en fleurettes aux

dames :

Ha ciascuno il suo piombino,

Grande, e grosso, e benentrante ;
Quando al luogo sei vicino,

E che 'l Tondo è lì davante;

Tu vel metti in uno stante,

Poi lo cavi, e lo riponi.

Et les mendiants, les ermites, les muletiers, le chœur alterné des vieux maris et des jeunes femmes, le dialogue des fillettes et des cigales.

LES CIGALES.

Ce que veut notre nature,
Belles filles, nous faisons.
Mais souvent c'est votre faute

De le répéter; il faut
Faire les choses et puis
Savoir les tenir secrètes.

Qui fait vite esquivera
Le péril de trop parler.
Que vous sert faire mourir
Autrui pour le seul délai?
Donc, sans tant parlementer,
Faites pendant que pouvez.

LES FILLETTES,

Or que vaut notre beauté?
Si se perd, elle vaut peu :
Vive Amour et Privauté!
Meurent envie et Cigales.
Qui veut dire mal, le dise;
Nous ferons, et vous direz.

La naïve malice de ces stances, si sveltes dans l'original, défie le traducteur. Il a pu heureusement cette fois citer en français; il le devait même pour l'honneur du genre, qu'il ne faut pas juger absolument sur les trop fréquentes obscénités qu'il comporte. L'état social les autorisait toujours parce qu'il dépassait l'horizon intellectuel du Moyen-Age, l'esprit de l'époque n'était pas encore devenu insensible ou hostile aux jovialités obèses et pimentées, provoquées par le régime moral de la civilisation catholico-féodale.

L'ivresse et la licence avaient leur jubilé, étalées en mascarades, en pompes idolâtres rappelant les Bacchanales. C'était la fête de la chair, le carnaval prenant à l'avance sa revanche des rigueurs du carême, l'exaltation des sens avant celle de l'âme; car, à l'issue du Moyen-Age, inspiré ou possédé, le croyant se livre encore aux virtualités qui le dominent, à l'ange ou au démon dont il croit sentir le souffle en lui. Dans sa logique enfantine, en subordonnant la puissance infernale à la céleste, il fait la part de celle-là par la débauche grossière: l'intervention divine sauve à temps le pécheur.

De là le caractère monstrueux, démoniaque, de la volupté au Moyen-Age. La beauté déserte ses personnifications. L'Amour, la divine Aphrodite, devient une forme de la dévotion; Beatrice, une sainte adorée. Mais la licence bestiale venge la chair méconnue, étalant de sacriléges priapées dans les frises des cathédrales. Le clergé cependant, si jaloux de ses droits, ne protestait

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