- naval. Laurent, à cet égard, fut le promoteur d'une révolution véritable et, pour ainsi parler, l'introducteur du régime mythologique exclusif dans le domaine des arts. Cette domination sans partage, rendue aux divinités de la Grèce, si elle doit un jour amener la poésie artificielle et énervée des Settecentisti, ciseleurs de concetti, elle aura d'abord sur le développement esthétique une action fécondante, spécialement dans la peinture. Elle fournit à celle-ci la personnification symbolique des divins types du beau et des passions humaines représentées par des dieux, déterminant une décisive rupture avec les lignes raides et comme hiératiques des figures, avec l'ordonnance encore trop symétrisée des groupes. Suivez à cet endroit le progrès. Mantegna, par exemple, ce Masaccio des Lombards, garde dans son interprétation du mythe grec quelque peu de la raideur et, pour ainsi parler, de la symétrie syllogistique de Dante et de Cimabue. Ses gracieuses figures de Dieux atteignent l'idéal de la seconde Renaissance. La composition, les draperies, tiennent encore au concept de la première, à son interprétation de la nature et de l'antiquité sous l'empire de l'ascétisme chrétien; mais il touchait au but, quand il n'y frappait pas par son style historique incomparable. Sous le rapport du costume, d'un convenu presque exact, il est bien de son époque et rompt avec les travestissements du MoyenAge. Sous la lorica romaine ondule la poitrine de ses LES MEDICIS. II. - 5 guerriers aux jambes nues, armés parfois de cime terres. Parmi les Vénitiens, après les Bellini, même influence s'exerce, qui, dans les Vénus et les Nymphes de Titien, couchées ou folâtrant sur le fond chaud et doré d'un opulent paysage, doit aboutir à la reproduction solide et attrayante du nu, sans rigidité ni mollesse. Sous cette inspiration de l'antique et de la vie vraie (la décadence efféminée suivra bien plus tard), l'empreinte du Moyen-Age s'effaçait dans l'interprétation des formes il s'y opérait, pour parler la langue de notre siècle, une sorte de réhabilitation de la chair qui rattachait directement l'art moderne à celui de l'antiquité. Ainsi la poésie fixait à l'avance le thème et comme le canon des chefs-d'œuvre de la peinture au seizième siècle, préparant, après la plastique animée déroulée aux yeux des Florentins dans les Mascarades du Magnifique, l'Olympe de Jules Romain à la Farnésine, et, à Venise, les Bacchanales des coloristes succédant aux grands dessinateurs, et où se voient ces femmes forcenées, » furieuses, enragées, ceinctes de dragons et serpens > vifs en lieu de ceinctures, les cheveux voletans en l'air avec fronteaux de vignes vestues de peaux de » cerfs et de chevreuils, portans en main petites >> haches, tyrses, rancons, et hallebardes, en forme de > noix de pin et certains petits boucliers legers son>> nans et bruyans quand on y touchoit, tant peu > fust, desquels elles usoient, quand besoin estoit, › comme de tabourins et de tymbons...,» et Silène sur son âne, et les trois couples de « jeunes pards », tirant le char où trône le jeune Dieu, avec ses cornes aiguës, coiffé de la mitre cramoisine sur sa belle couronne de pampres et de raisins '. Original écho des poètes mythologiques de la pléiade laurentienne, notre Rabelais rappelle, avec sa verve gauloise, la splendide description donnée par Politien dans son poème de la Giostra di Giuliano: Da l'altra parte la bella Arianna Con le sorde acque di Tesèo si duole Per picciol ventolin palustre canna : 1. RABELAIS, Pantagruel, liv. V, chap. XXXIX. 2. « De l'autre côté, la belle Ariane, avec les sourdes eaux de Thésée se plaint — et du zéphyr et du sommeil qui la trompe; — de peur tremblant, comme a coutume par un petit souffle de vent le roseau paludéen : il semble que réellement ces paroles soient imprimées en elle : Toute Con vene grosse nere e di mosto umide Lorsqu'il mena par les rues de sa cité le TRIOMPHe de BACCHUS ET D'ARIANE, Laurent semblait reproduire dans ces pompes mythologiques les splendeurs de cette poésie de Politien. C'était comme un renouveau de l'antiquité restaurée par eux et célébrant sa jeunesse éternelle par la voix de la jeunesse florentine1: Quelle est belle, la Jouvence! Elle s'enfuit cependant! bête est moins que toi cruelle; - tout homme plus que toime serait fidèle. » Vient sur un char, de lierre et de pampre couvert, Bacchus que deux tigres mènent, et avec lui il parait que foulent l'épaisse arène haute voix. Tel se les Satyres et les Bacchantes, qui crient à voit onduler; tels, il paraît qu'ils bronchent; boit; tels, il semble qu'ils rient; -tel fait d'un cor, et tel des mains gobelet ; -- tel avec une cymbale tel a pris une nymphe, et tel se roule à terre. » Sur l'àne Silène, de boire toujours avide, noires et de moût humides, -- avec veines grosses, semble décomposé, assoupi et alourdi; les yeux il a de vin rouges, enflés et fumeux: — les nymphes hardies le petit âne épouvanté piquent avec le thyrse; et lui, avec les mains bouffies aux crins se prend; et, pendant qu'ainsi elles l'attisent, tombe sur le cou, et les satyres le redressent. >> - il POLIZIANO, Per la Giostra di Giuliano de' Medici, fratello di Lorenzo il Magnifico, seguita l'anno 1465; libro primo, ad finem. Qui le veut, sera content : Lui, c'est Bacchus; elle, Ariane; Ces joyeux petits satyres, Ils ballent, sautent, cependant. Qui veut être joyeux, le soit : Chi vuol' esser lieto, sia: Quest'è Bacco, e Aríanna, Belli, e l'un dell' altro ardenti; Perchè 'l tempo fugge,e 'nganna, Sempre insieme stan contenti: Queste Ninfe, e altre genti Sono allegre tuttavia. Chi vuol' esser lieto, sia: Di doman non c' è certezza. Questi lieti Satiretti, Delle Ninfe innamorati, Per caverne e per boschetti Di doman non c'è certezza. |