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par Savonarole. La situation de la République à l'égard de la France favorisa cette révolution. Fidèles aux traditions florentines, les piagnoni, parti du tribun-prophète, inclinaient à une alliance avec le monarque très chrétien, proclamé par l'apôtre de Saint-Marc le fléau de Dieu pour châtier l'Italie, son envoyé pour la régénérer.

Lié par un traité au roi de Naples, Pierre, d'un autre côté, hésita, n'osant rompre ce pacte; et finalement il fournit une raison plausible à l'expulsion de sa famille. Car il céda tout à coup à Charles VIII, lui remettant les trois forteresses de Serezana, de Serezanello et de PietraSanta, « qui étaient les clefs de l'État '. » Il promit de lui livrer Pise et Livourne.

Ce refus de s'allier avec la France, comme le demandaient les piagnoni, aboutissait ainsi à une soumission absolue, blessante pour l'amour-propre, hostile aux intérêts des Florentins.

La ruine momentanée de la famille dominante devait être la conséquence de cette fausse politique.

Comme on le voit fréquemment dans les dynasties (à certains égards, les descendants de Pierre I", fils du grand Cosme, en formaient une), les haines publiques accumulées contre Pierre II, et, par contre coup, contre ses frères, se compliquaient d'une compétition de cadets. Dès ce moment, la branche puînée des Médicis, issue

1. GUICHARDIN, liv. I", chap. III.

de Laurent, frère de Cosme le Père de la Patrie, branche qui affectait le plus grand zèle pour le parti populaire, est mise en relief par des circonstances dont elle profite avec une perfide habileté. Sa fortune éclipse d'abord, elle balancera plus tard, celle de ses aînés, jusqu'à ce qu'elle parvienne, avec Cosme, premier grand-duc de Toscane, à fonder une véritable dynastie.

Laurent, frère de Cosme l'Ancien, avait eu pour fils Pierre-François, duquel étaient issus les représentants de sa race à l'époque où nous sommes parvenus : les deux frères Laurent et Jean. Riches et très remuants, ces deux jeunes hommes complotaient, par l'intermédiaire de Cosme Ruccellaï, avec Ludovic Sforce et Charles VIII, la chute de Pierre, leur cousin au troisième degré. Flatteurs de la démocratie, aux passions de laquelle ils étayaient leurs calculs dynastiques, ils échangèrent, après la révolution, leur nom de Medici en celui de Popolani.

La cession de Pise souleva Florence contre celui qui trahissait malencontreusement ses intérêts.

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Le règne de Savonarole commençait. Après la domination des Médicis, longue fête des arts, de l'érudition et de la philosophie, que nous venons de décrire, on assiste au curieux intermède d'une démocratie mystique, réagissant avec violence, à la voix d'un moine, contre l'esprit de la civilisation moderne, en son centre alors le plus actif.

De sa chaire de Saint-Marc, le prophète triomphe dou

loureusement: «Elle est venue, l'épée du Seigneur. » Ecce gladius Domini super terram. Ce n'est pas moi, » c'est Dieu qui vous annonce ces malheurs, et voici » qu'ils sont venus et qu'ils fondent sur vous. Vous le » savez, quand je vous disais Hæc dicet Dominus, » vous ne le croyiez pas. Maintenant vous êtes bien for>>cés de le croire, puisque vous le voyez. »

Trahie par son chef, la République n'avait de secours qu'en son apôtre.

Le droit antique réglait toujours la situation des cités conquises. Florence se croyait dominatrice légitime des Pisans, qui venaient de secouer son joug, grâce au traité de cession conclu entre Pierre de Médicis et Charles VIII. Savonarole fut désigné pour défendre auprès de celui-ci l'indépendance de la Cité, ses droits sur Pise, sa sujette.

Il y eut grande rumeur dans cette ville, ivre de cet affranchissement subit, lorsqu'on vit entrer à la suite du roi l'orateur qui remuait l'Italie. Le prince n'était pas inexorable; mais ses conseillers, souverains sur ce faible esprit, hésitaient à l'engager. Il y a là un renard politique, Briçonnet, jouant double jeu entre Rome et son maître pour un chapeau rouge. C'est avec cet évêque de cour, un «homme de pape», pour parler comme SaintSimon, que le frère Girolamo va se débattre dans les rêts diplomatiques.

L'habileté ne manquait pas au dominicain, mais il n'eut pas à se tirer des replis d'une négociation: Char

les VIII ne lui accordait qu'une audience publique. Gardant le ton d'un prophète qui sacre un champion de Dieu, Savonarole s'en tint à appeler sur Florence la protection du roi très chrétien. « Venez, sire, dit-il, venez › confiant, venez joyeux, venez triomphant; car vous » êtes l'envoyé de celui qui triompha pour le salut de › l'humanité sur l'arbre de la croix. Écoutez-moi, » prince de par la Très Sainte Trinité, Dieu le Père, › Dieu le Fils, Dieu le Saint-Esprit, et de par toute la » cour céleste, je vous somme de faire miséricorde, à > l'exemple de notre divin maître, à cette Florence, où, › malgré de nombreux péchés, Dieu conserve des ser> viteurs fidèles. Le serviteur de Dieu qui vous parle >> vous exhorte à défendre les veuves, les orphelins, les › pauvres, et surtout la pudeur des épouses du Christ. › Rappelez-vous votre Sauveur sur le gibet pardonnant > à ses bourreaux, et Dieu étendra votre royaume, › ô roi, et il vous donnera la victoire. »

Le dimanche 9 novembre 1494, Pierre de Médicis, de retour à Florence de son ambassade, se rend au Palais Vieux pour faire accepter par la Seigneurie le traité qu'il vient de conclure avec Charles VIII. Il espère séduire les magistrats, les intimider peut-être : car il a fait venir près de la cité Paul Orsini et ses troupes.

Mais il échoue dans ses calculs. Deux fois Pierre essaya de pénétrer dans le Palais deux fois il en fut repoussé.

L'insurrection éclate au bruit des cloches sonnant

a martello: les prisonniers sont délivrés, le peuple s'empare des armes qu'il peut trouver. Malgré l'appui du bargello et des soldats d'Orsini, malgré l'appel du cardinal de Médicis au souvenir si longtemps populaire de ses ancêtres, son frère ne peut résister à l'orage. Il est contraint à s'enfuir de la ville, pour errer et mourir quelques années après en exil (1503), après trois vaines tentatives de restauration à main armée. Le cardinal dut quitter Florence, déguisé en franciscain. Révolution décisive, qui, sans mettre obstacle à la haute fortune. encore réservée aux Médicis, coupait court pour jamais aux combinaisons politiques de Cosme le Grand et de Laurent, son petit-fils. Car, autant qu'on peut le saisir, leur plan de domination, reposant sur une transformation progressive et sans secousses de leur autorité non définie, n'aurait pas sensiblement modifié, au moins en apparence, les institutions républicaines de l'État.

Les deux frères semblèrent se partager les destinées adverses de la famille.

A Pierre, la fatalité qui arrêta le développement normal de la politique paternelle.

A Jean, le futur Léon X,-l'éclat de cette papauté couronnant la gloire des Médicis, l'éclatant patronage des lettres et des arts restaurés, le triomphe des siens. rétablis à Florence, après la chute de la démocratie mystique par laquelle ils avaient été chassés.

Pierre vécut en banni, combattit en partisan : il chanta en poète les regrets et les espérances de sa maison.

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