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Je ne puis faire que mes yeux ne se mouillent, quand je pense à ce que je suis, à ce que j'étais; je n'espère plus avoir de joie dans aucun nid, comme dans celui où je naquis.

› Certes, je déplus trop à Fortune : qui sait cela en connaît bien la vérité. J'ai souffert en paix, et je ne me désespère plus, quoique j'aie le visage tout pâle de colère.

› Je ressemble à la nef dans la haute mer, quand, par fortune, le mât plie sous l'autan; je change les voiles et suis prêt à sombrer.

› Si je ne péris pas encore, j'arriverai au port. Fortune sait ce qu'elle sait bien faire. Elle guérit en un moment celui qui est presque mort.

» Je suis hors de mon jardin; le proverbe dit : Écoute cette bonne parole, que qui ne meurt pas, quelquefois revient1. »

Il servira sous La Trémoïlle, dans l'armée française battue et mise en fuite par l'Alviane sur les bords du Garigliano (1503), et doit périr, après avoir échappé à ce désastre, dans une galère qui fera naufrage devant Gaète.

1.

Non posso far che gli occhi non m' inacqui,

Pensando quel ch' io sono, e quel ch' io ero;
D'aver diletto mai più non spero,

In alcun nido com' in quel ch' io nacqui.
Per certo ch'a Fortuna troppo spiacqui,

E ch' il cognosca credi che 'l sia 'l vero;
Soffert' ho in pace, e già non mi dispero,
Con tutto che con l'ira il viso imbiacqui.
Io m'assomiglio al legno in alto mare,
Chè per fortuna l'arbore sta torto,
Cangio le vele e sto per annegare.
Se non perisco ancor, giugnerò in porto.
Fortuna sa quel ch' ella sa ben fare,
Sana in un punto chi è quasi morto.
Io son fuor del mio orto;

Dice il proverbio: odi parola adorna,
Che chi non muor qualche volta ritorna.

La vie de Jean durant cette période n'est guère moins accidentée. Il voyage d'abord en Allemagne, dans les Pays-Bas et en France, avec son compagnon fidèle, Dovizi, le futur cardinal de Bibbiena. Au moment de passer en Angleterre, il est arrêté et enfermé dans la citadelle de Rouen, sur un soupçon du gouverneur de Normandie. Son frère Pierre, qui est au camp de Louis XII en Italie, le fait mettre en liberté. L'odyssée de Jean s'achève à Rome, où il passe le règne d'Alexandre VI dans l'étude des lettres et des antiquités, entouré d'une cour d'artistes et d'écrivains.

-

Cependant la terrible artillerie de Charles VIII roulait sur les dalles de Florence, accompagnée et servie par «six cents bastardeurs, trois cents maistres de fonte, deux cents maistres accoutreurs, six cents charpentiers, onze cents maistres charbonniers, deux cents maistres cordiers, quatre cents charretiers conduisant huit mille chevaux ». Il faut lire dans le Vergier d'honneur d'André de la Vigne la consciencieuse description par le menu de cette armée et de l'entrée triomphale qu'elle fit à Florence le 17 novembre 1494 1.

<< S'ensuyt comment après que les seigneurs tant de l'église que de la ville, marchans, bourgoys et aultres méquaniques furent entrés, les bendes du roy commencèrent à marcher, qui fut la chose la plus singulière qu'on vit jamais pour entrée de ville. »

1. Voy. P. Jove,

--

Roscoë, Léon X, t. I;

André de la Vigne, etc.

Après cette rubrique enthousiaste, le poète, fidèle à son programme, entreprend et poursuit jusqu'au bout un dénombrement homérique des corps divers précédant le roi de France.

Monté dessus son courcier dit Savoye,

Le bon seigneur vertueux et plaisant,
Plus qu'aultre né des humains honoré,
Armé estoit d'un harnois plus luysant
Qu'un diamant, en plusieurs lieux doré.

Et premièrement les coulevryniers :

Quant Florentins avec leurs instrumens,
Furent entrez vestus d'abitz propices,
Premierement vindrent les Allemans,
Lancequenetz, Foussignerans, Souysses,
Portans plastrons, braceletz, escrevisses,
Et mesmement tous les coulevryniers,
Plus barboillez que poures charbonniers,
De manyer leur salpestre et pouldre,
Et quant il fault ruer sur les paniers

A doubter sont plus que tonnerre ou fouldre.

La bende des picquiers.

Apres marcherent les bendes des grans picques
Moult frisquement à grans pas furieux.

La bende des albardiers.

Apres marcha la bende aux albardiers
Entremeslez de grans joueurs d'espées,

Tous acoustrez en chaulse et en pourpoint,
LES MÉDICIS.

11.

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D'une parure et des couleurs royalles.

A son costé chascun la courte dague,
De fin drap d'or chaulses escartelées,
La chesne au col, et au bonnet la bague,
Les grans perruques jusqu'au dos avalées,
Neyves plumes de pailletes feuillées,

Et sur leurs bras grans devises de perles,
A beaux oyseaux comme pigons et merles,
D'orphaverie à roleaux enlacez.

Les capitaynes.

En tel estat passerent bien six mille,
Tous deux à deux et à grans pas divers;
Desquelz fut chief comme le plus habille
Monsieur de Cleves et conte de Nevers,
Escartelé de tort et de travers,

De fin drap d'or semé de pierrerie,

A grosses houppes de fine orphaverie,

Marchant à pied aussi droit comme ung jon,

Avecques luy l'escuyer d'escuyrie,

Lornay aussi, le bailly de Dyjon.

Ils y sont tous :

Les archiers d'ordonnances.

Vindrent soubdain atout leurs ars bendez,
La belle trousse à flesches de deffences,
Hommes bien pris, bien formez et fondez...

Les hommes d'armes.

Sur leurs chevaulx d'or et d'argent clochetes,
Orphaveries par despit mesurées,

Chanfrains dorez, plumes à grans brochetes
De paille d'or assez desmesurées,

D'asur d'acre (d'acier ?) grans bardes asurées,
Estincelantes au souleil radieux;

Et parmy eulx clairons melodieux,
Trompes, cornetz, et tabourins de guerre.
Brief il sembloit que deesses ou dieux

Fussent des cieulx descendus sur la terre.

Le gaulois naïf du bon André n'est pas sans charme : la prose rimée de cet historiographe d'antichambre atteint parfois l'expression pittoresque des vieux enlumineurs déroulant en marge des manuscrits les belles chevauchées des seigneurs et des dames. C'est ainsi qu'Albert Dürer gravera, quelques années après, d'un burin expressif, précis comme un inventaire, le cortège de Charles-Quint entrant à Bologne pour y être sacré par Clément VII. Et l'on songe au défilé des Suisses du baron Madruce, qu'un autre peintre, le chantre de la Légende des siècles, évoque au bruit des fanfares, dans leur uniforme bariolé, avec leurs longues piques et leurs morions de fer ou leurs toques emplumées. Tels passent :

La bende des deux cens arbalestriers.

A leur costé l'espée longue et large,
La courte dague pour son homme aborder
Le grant bauldrier avecques le guyndage
Pour à deux coups l'arbaleste bender,
Et pour à poinct plusieurs coups desbender.

Petis chappeaux, deschiquetez, coppez,
Trouez, percez, fretaillez, entrouvers,

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