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ce que les instructions et les ordres donnés avant le départ de l'escadre, étaient mal observés : il écrivit, au commandant, une lettre très détaillée, contenant des observations fort raisonnables sur le but qu'avait voulu atteindre le gouvernement, en organisant l'expédition ; mais cette lettre fut mal accueillie: « il exprime » (dans ses Mémoires) d'une ma» nière douloureuse, ses regrets sur » le peu de précaution que l'on avait » pris pour assurer, dans tous ses » points, le succès de l'expédition; » et il donne des avis bien salutaires > aux naturalistes qui seraient tentés » de s'engager dans de semblables » voyages, et sur les choses et les » moyens qu'ils doivent commencer » par exiger s'ils veulent en tirer quelque honneur. » La relâche. d'Amboine dura vingt-huit jours, qui furent employés par Riche avec le zèle, le dévoûment pour la science, qui l'ont constamment et exclusivement animé. On trouve, dans ses Mémoires, quelques bonnes observations sur les révolutions commerciales qui peuvent résulter des établissements européens dans la Nouvelle-Hollande: mais les discussions de ce genre occupaient, dans son esprit, un rang bien inférieur à celui des recherches scientifiques. Le sol d'Amboine, à trois degrés et demi environ de latitude méridionale, doit être bien pénible à parcourir pour les Européens, surtout aux approches de l'époque de l'année où les rayons du soleil y tombent presque perpendiculairement sur l'horizon. Ventenat fut attaqué d'une dysenterie, qui, en deux jours, le mit sur le bord de la tombe il ne périt pas; mais il fut condamné à l'inaction pendant tont le temps de la relâche. Riche, qui

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eut le bonheur de conserver l'usage de ses facultés, «< fait une peinture » vive de toutes les difficultés dont » les recherches d'histoire-naturelle >> sont hérissées dans ces climats >> brûlants, et il témoigne son ardente >> reconnaissance pour ceux des habi>> tants d'Amboine qui lui en ont al» légé quelques unes par leurs se>> cours et leurs conseils; en effet, les >> nombreuses observations dont il a enrichi son journal, en cet endroit, » prouvent qu'il y a eu plus de faci» lité qu'ailleurs; elles roulent tou»jours principalement sur les ani» maux marins. Il réservait, pour » les décrire à loisir, en mer ou en » Europe, les plantes et les insectes » qui pouvaient se conserver: il ne » se doutait guère des empêchements » que le sort lui réservait. Il donne » l'anatomie complète du calao » (buceros), qui manquait aux na»turalistes, et celle d'une nouvelle

espèce de tortue, qu'il appelle tes» tudo Amboinensis. » On quitta Amboine, le 13 octobre 1792, avec le projet de reconnaître la partie sudouest et sud de la Nouvelle-Hollande, et les côtes qu'on soupçonnait joindre la terre découverte, en 1672, par Nuyts, à la terre de Van-Diemen (1). Le 5 décembre, on était au cap Leuwin, extrémité occidentale de la terre de Nuyts: quatre jours après, l'escadre, qui avait longé la côte, se trouva dans le danger le plus itaminent de destruction complète; heureusement un pilotage, aussi habile que courageux, dirigé par M. Legrand, enseigne de vaisseau, con

(1) Si l'escadre, après avoir, jusqu'au 2 janvier suivant, longé les côtes sud de la Nouvelle-Hollande, n'eût pas été forcée de prendre le large, et de faire route du nord au sud, elle aurait pu, en continuant sa route vers l'est et le sud-est, rencontrer le détroit qui sépare la Nouvelle-Hollande de la terre de Van Diemen, et qui ne fut découvert que six ans après (V. FLINDERS).

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duisit l'Espérance, à travers des rescifs, dans un mouillage commode et sûr, où la Recherche parvint aussi à s'introduire, et qui fut nommé port de l'Espérance. « On resta pendant » quelques jours, dans cet endroit, » où les naturalistes purent s'occuper >> avec succès de l'objet de leur mis»sion. Richey décrivit plusieurs ani» maux marins; il fit des observa» tions anatomiques, importantes, » sur les phoques et les cétacés; il » vit, entre autres, que le cœur des » premiers n'a point le trou de Bo>> tal ouvert, comme on s'obstine à » le répéter depuis si long-temps. Ce >> fut pendant ce mouillage, que son » zèle pour les recherches pensa » faire périr dans les horreurs du » désespoir; il était allé à terre, le » 14 décembre, à dix heures du ma>> tin, avec quelques officiers de l'Es»perance, et MM. La Billardière et >> Ventenat: on se dispersa, en se » donnant rendez-vous au canot, » pour le soleil couchant; l'heure du > retour arrivée, Riche ne se trouva point on l'attend deux heures, » dans l'inquiétude et dans l'effroi; >> et la nuit arrivant à grands pas, » on est obligé de retourner aux » vaisseaux, en le laissant seul sur » cette terre inconnue, où il pouvait » aisément devenir la proie des fé» roces habitants. On lui laissa, » sur la plage, un bon feu, des pro» visions, des vêtements, son fusil et » un mot d'écrit. On envoie le len» demain MM. Laignel et Lagrange » à sa recherche: ils reviennent à » deux heures, sans succès. A quatre >> heures, douze hommes partent » pour tenter un nouvel effort; mais » déjà l'on désespérait du succès, » parce qu'on avait trouvé sur la » plage son mouchoir et un de ses » pistolets, et qu'on jugeait, d'après

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» cela, qu'il était devenu la proie des » sauvages. Comme cette tentative » devait être la dernière, on donna >> au canot des vivres pour deux >> jours; et le général fit tirer le ca» non et lancer des fusées pendant » toute la nuit, afin de donner un » moyen de ralliement au malhéu»reux naturaliste. L'eau commen>>çait à manquer; le trajet qu'on avait » à faire était long : déjà les équi>> pages murmuraient de ce retard. » Le général, balançant entre l'idée » d'abandonner ce malheureux et in» téressant jeune homme, et le dan>> ger de compromettre le salut de >> l'escadre confiée à ses soins, se pro>>posait d'appareiller, si le canot re>> venait sans avoir rencontré Riche: » il ne pouvait même rien se repro» cher, car il aurait été très-vraisem» blable qu'il serait mort de faim >> pendant le temps qui s'était écou» lé, quand même il n'aurait pas été >> rencontré par les naturels. Enfin, » le 16, sur les trois heures, on vit >> arriver le canot, rapportant, con>> tre toute espérance, ce martyr de » l'histoire naturelle, à moitié mort » de fatigue et de faim. On juge ai» sément de la joie de ses camarades >> dont les instances auprès du géné»ral avaient principalement contri» bué à faire différer le départ. La » Billardière, surtout, s'y était em»ployé avec grande force: il avait >> représenté que Cook avait attendu

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d'observations, il avait trouvé une vallée entièrement couverte de troncs d'arbres pétrifiés, dans lesquels on distinguait tout ce qui caractérise le bois un Grec, suivant son expression, aurait cru voir, dans cette forêt, un effet du regard d'une des Gorgones. L'eau d'une fontaine, qu'un heureux hasard lui fit rencontrer, et quelques sommités de laitron, furent, pendant deux jours, ses seuls moyens de subsistance. La nuit du 15 au 16 arrivant sans qu'il eût aperçu d'autres êtres animés que trois kangurous, il s'étendit par terre, avec la fièvre, la gorge brûlante, la poitrine oppressée et douloureuse; cependant l'excessive fatigue l'emporta sur la douleur, et il s'endormit. Le 16, dès qu'il aperçut la mer, tout changea de face à ses yeux, « et il se mit à recom» mencer sa collection, autant que »sa faiblesse le lui permit. A son » arrivée, il ne pouvait plus parler, >> il ne ressentait plus la faim qui »> l'avait tant tourmenté la veille; il » versa des lármes de reconnaissance > en apprenant tous les soins qu'on » s'était donnés pour le retrouver, » et tout l'intérêt que son malheur » avait excité. »> On appareilla le 17 décembre 1792; et le nom de Cap Riche fut écrit sur la carte du voyage. Lorsque l'escadre cut longé, pendant quelque temps, la côte de la Nouvelle-Hollande, elle se trouva, par le défaut d'eau et le dérangement du gouvernail de l'Espérance, forcée de reprendre le large, en abandonnant une portion du circuit de la Nouvelle-Hollande, où elle aurait pu faire des découvertes (Voyez la Note ci-dessus). Elle revint à la baie des Tempêtes, terre de Van-Diemen, d'où elle était partie au mois d'avril précédent, et où elle movilla, le 21 janvier 1793, fermant ainsi un cir

cuit de route qui embrassait, avec la Nouvelle - Hollande et la NouvelleGuinée, une foule d'îles voisines de l'équateur. De nouvelles observations météorologiques confirmèrent Riche dans l'idée (que d'autres phénomènes lui avaient donnée, l'année précédente), de la ressemblance de la pointe de Van - Diémen avec le Cap. On partit, le 21 février, de la baie de l'Aventure; et se dirigeant au nordest, on eut connaissance, le 11 mars, du cap nord de la Nouvelle-Zélande : les naturalistes eurent le chagrin de ne pouvoir aborder cette terre qui leur promettait de si nombreuses découvertes; le temps pressait: on espérait avoir, aux îles des Amis, quelques renseignements sur La Perouse, et l'on s'y rendit. Cet espoir fut malheureusement trompé; mais la relâche ne fut pas sans utilité pour les naturalistes et surtout pour les botanistes: ces derniers y trouvèrent des pieds d'arbre à pain, qui depuis sont arrivés sains et saufs en France, par les soins de M. Lahaye. On mit à la voile pour quitter Tongatabou, le 23 mars 1793; on relâcha à la Nouvelle-Calédonie: M. Huon, capitaine de la fregate l'Espérance que Riche montait, mourut dans les premiers jours de mai. Après avoir quitté cette terre habitée par des anthropophages, l'escadre parcourut une foule d'îles situées à l'est de la Nouvelle-Guinée, faisant des relèvements précieux pour la géographie, mais s'abstenant des relâches qui intéressaient les naturalistes; ce qui causait à Riche un chagrin qu'il manifeste en plusieurs endroits de son Journal. Son nom, dans ces mers, fut encore donné à une île située vers la pointe orientale de la Nouvelle-Guinée. Cependant le scorbut gagnait l'équipage: le général

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d'Entrecasteaux lui-même, qui en était attaqué, mourut à bord de la Recherche, le 20 juillet 1793, la frégate se trouvant alors presque sous l'équateur. Le 14 août, l'escadre arriva à Waigiou: elle en partit le 17; et, après quelques jours de relâche à Bourro, elle arriva à l'île de Java, devant Sourabaya, le 18 octobre 1793. Ici se termine l'histoire scientifique de l'expédition, et commence une série d'événements qui a fait perdre, en grande partie, les avantages qu'on devait en attendre. De fâchenses divisions réguaient déjà dans l'escadre les nouvelles désastreuses qu'on reçut de France, changèrent les mésintelligences en fureurs de partis; plusieurs autres circonstances, dont le détail serait ici déplacé, mirent l'exaspération au comble: enfin l'on se trouvait dans un pays appartenant à la Hollande, avec qui la France était alors en guerre; et c'est, sans doute, cette dernière circonstance qui servit de motif ou de prétexte à la saisie des collections, journaux, cartes, etc., de l'expédition. Dans cette situation déplorable, dont la durée fut de plusieurs mois, Riche, à qui toute discussion, tous débats étrangers à ses études chéries, étaient insupportables, accablé de douleur de la perte des objets d'histoire naturelle qu'il avait rassemblés, et sentant ses forces s'éteindre graduellement sans aucun profit pour la science, sollicita et obtint avec beaucoup de peine son renvoi il quitta Java, le 3 juillet 1794, et attérit à l'île de France, au commencement du mois d'août. Des amis, qu'il y trouva, le menèrent à la campagne, où les soins les plus empressés furent donnés à sa santé; mais son rétablissement physique avait pour condition indispensable le cal

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mede l'ame; et, ce calme, il était impossible à Riche de le goûter, depuis l'enlèvement de ses collections, qui lui avaient coûté, ainsi qu'à ses compagnons de voyage, de si longues et si cruelles fatigues. Ce souvenir déchirant le poursuivait, le tourmentait à tel point, qu'il prit enfin la résolution de braver les risques d'un retour à l'île de Java, pour recouvrer les richesses scientifiques dont la conservation lui tenait plus au cœur que celle de sa propre vie. En conséquence, il présenta, à l'assemblée coloniale de l'île de France, deux Mémoires dans lesquels il demandait à être envoyé à Batavia sur un parlementaire. Sa demande fut agréée : mais son dévoûment n'eut d'autre. résultat que celui d'aggraver ses maux ; il.revint désespéré de n'avoir pu remplir l'objet de son voyage (2). Depuis son retour, il se trouva forcé de prolonger son séjour à l'île de France, jusqu'à l'année 1797: malgré son état de langueur, il se livrait à la continuation de ses travaux scientifiques faiblesse pouvait le lui permettre. Il résidait presque toujours à la campagne, entretenant une correspondance habituelle avec quelques amis, qui se trouvaient, comme lui, loin de la mère-patrie, et, particulièrement, avec M. La Billardière. Enfin il s'embarqua pour la France, le 13 août 1797 la traversée lui causa beaucoup de fatigue et d'incommodités; et quand il débarqua à Bordeaux, sa santé était tellement délabrée, qu'il regarda comme une précaution indispensable, celle d'aller, avant tout, prendre les eaux au Mont-d'or : il y expira le 5 septem

autant que sa

(2) Les collections d'histoire naturelle, transportées en Angleterre, out postérieurement été renvoyées en France.

bre 1797, à l'âge de trente-cinq ans. Le gouvernement réclama les papiers relatifs à son voyage et à ses observations, qui furent remis, par l'auteur de cet article, au ministère de la marine, et dont on a tiré un parti fort utile dans la relation du Voyage D'Entrecasteaux (V. ce nom ). Il est à regretter que Riche n'ait pas pu, ainsi que l'a fait son collègue La Billardière, mettre en ordre ses manuscrits, et publier, sur les résultats de son voyage, un ouvrage qui aurait été, très-sûrement, accueilli, avec un grand intérêt, par les naturalistes philosophes. Les mêmes réflexions, les mêmes regrets, sont applicables aux diverses branches des sciences naturelles qu'il a cultivées. Il n'avait pas encore fini ses études, à Montpelier, qu'il soutint, pour obtenir le baccalauréat une thèse de Chemiá vegetabilium, dont les développements lui fournirent la matière d'un ouvrage français sur la Chimie des végétaux, qui fut alors très-remarqué, et qui est encore recherché aujourd'hui (3), quoique cette théorie ait fait de grands progrès depuis la fin du siècle dernier. Environ quarante Mémoires ou rapports ont été lus par lui, à la société philomathique, dont trente au moins subsistent encore en manuscrit, indépendamment des rédactions et des lectures qu'il a faites en qualité de secrétaire: nous citerous, comme comprises dans cette dernière classe les Notices sur Lyonnet, Audirac et Howard. La société d'Edimbourg, dont il était membre, a aussi plusieurs de ses productions. « Les Mémoires que »les sociétés auxquelles il était agré

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(3) Avignon, 1786, in-8°., avec le texte latin de la thèse.

>> gé, conservent encore dans leurs » archives, portent l'empreinte d'un » génie élevé, qui embrasse, dans » toute leur généralité, les questions qui l'occupent, et qui en fait aper» cevoir toutes les faces. C'est ainsi » qu'il se montre, surtout dans ses » Mémoires sur la classification » des êtres naturels par leurs par » ties intérieures, et, sur un sys» tème naturel des larves: on y voit, > en même temps, l'observateur la>> borieux, qui n'était pas arrêté, dans » son travail, par sa mauvaise santé, >> et qui savait consacrer aux objets, » en apparence les plus minutieux, » tout le temps et toute l'attention » dont ils étaient dignes; tels sont » ses Mémoires sur les animaux mi»croscopiques, et sur les coquilla»ges pétrifiés des environs de Paris. >> On aperçoit, dans d'autres ouvra»ges, le physicien ingénieux, le métaphysicien profond, l'écrivain » élégant, etc. (Supplément aux » Eloges de Cuvier). » Ces dernières qualités se manifestent, surtout, dans les compositions dont nous possédons les manuscrits, et où l'on trouve, avec les recherches scientifiques, plusieurs morceaux philosophiques et littéraires, qui, en général, ne sont que des ébauches, mais où règnent la saine raison, le goût, et une douce sensibilité. M. Cuvier, qui avait publié, en 1798, un Éloge de Biche, dans la Notice des travaux de la société philomathique, l'a donné de nouveau dans le Recueil de ses Éloges académiques, 1819, deux vol. in-8°.

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P-NY.

RICHE (... . .LE), jurisconsuite et littérateur, était né, vers 1730, probablement à Paris, d'une famille de finance (1). On peut con

(1) Selon le P. Dunand (V. ce nom), Le Riche serait né à Baume-les-Dames; mais il nous apprend

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