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Je terminerai par un passage fort curieux de Cicéron sur les Sorts, qui étaient aussi, pour les anciens, une espèce d'oracle et de sibylle :

<< Dicendum aliquid de Sortibus. Quid sunt quæ vulgo adpellantur Sortes? Idem propemodum quod micare, quod talos jacere, quod tesseras. Quibus in rebus, temeritas et casus, non ratio, nec consilium valet. Tota res est inventa fallaciis, aut ad quoestum, aut ad superstitionem, aut ad errorem. Videamus nunc clarissimarum apud Romanos Sortium quæ tradatur inventio. Numerium Suffetium Prænestinorum monumenta declarant, honestum hominem et nobilem, somniis crebris, ad extremum etiam minacibus, quum juberetur certo in loco silicem cædere, visis perterritum, inridentibus suis civibus, id agere cœpisse. Itaque perfracto saxo, Sortes erupisse in robore insculptas priscarum litterarum notis. Is est hodie locus septus religiose, propter Jovis pueri, qui lactens cum Junone, Fortunæ in gremio sedens, castissime colitur a matribus. Eodemque tempore, in eo loco, ubi Fortunæ nunc sit ædes, mel ex olea fluxisse dicunt, aruspicesque dixisse, summa nobilitate illas Sortes futuras, eorumque jussu ex illa olea arcam esse factam, eaque conditas Sortes, quæ hodie, Fortunæ monitu, tolluntur. Quid igitur in his potest esse certi, quæ, Fortunæ monitu, pueri manu, miscentur atque ducuntur? quo modo autem istæ positæ in illo loco? quis robur illud cecidit, dolavit, inscripsit? Sed hoc quidem genus divinationis vita communis jam explosit. Fani pulchritudo et vetustas, prænestinarum etiam nunc retinet Sortium nomen, atque id in vulgus : quis enim magistratus, aut quis vir illustrior, utitur Sortibus ? Ceteris vero in locis, Sortes plane refrixerunt; ob quod Carneadem Clitomachus scribit dicere solitum, numquam se fortunatiorem quam Præneste vidisse Fortunam. » (De Divinat., lib. 11.)

« Parlons un peu des Sorts. Qu'entend-on ordinairement par Sorts? c'est à peu près un jeu de Moure 1, de dés ou d'osselets.

Jouer à la moure, c'est-à-dire deviner à l'improviste combien celui contre lequel on a joué, a levé ou baissé de doigts, mouvement rapide comme l'éclair, bien exprimé par le mot micare. Selon ce jeu, les anciens achetaient et vendaient beaucoup de choses, comme l'on ferait aujourd'hui à la courte paille. Ce jeu très-ancien est encore maintenant fort en usage en Italie et en Hollande, parmi le petit peuple, qui le joue, à tout moment, dans les rues,

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Là, c'est toujours la témérité, le hasard ; jamais la raison, la prudence qui domine. Tout ce manège est le résultat de l'intrigue, qui s'en sert, ou pour le gain, ou pour la superstition, ou pour le préjugé. Examinons maintenant quelle fut, selon les traditions, la source des Sorts les plus célèbres chez les Romains. Les archives de Préneste font connaître que Numerius Suffetius, personnage aussi vertueux que distingué, à la suite de songes fréquens, et même, sur la fin, accompagnés de menaces, qui lui prescrivaient de couper un caillou dans un lieu désigné, épouvanté de ces visions, se mit en devoir, au milieu des railleries de ses concitoyens, de remplir cet ordre bizarre. Mais tout à coup, lorsque la pierre est brisée, on voit s'échapper des Sorts gravés sur du bois de chêne, en caractères fort anciens. Le lieu où s'opéra ce prodige est aujourd'hui entouré d'une haie religieuse, à côté du temple 1 de Jupiter enfant, qui, à la mamelle avec Junon, et assis sur le sein de la Fortune, reçoit des mères le culte le plus chaste. A la même époque, dans l'endroit où est aujourd'hui le temple de la Fortune, du miel coula, dit-on, d'un olivier; les aruspices prononcèrent que ces Sorts seraient très-fameux; et, sur leur ordre, on fit de cet olivier une cassette, et l'on y renferma les Sorts, que l'on tire maintenant d'après l'inspiration de la Fortune. Mais quelle certitude peuvent offrir des Sorts dus à l'inspiration de la Fortune, mêlés et tirés par la main d'un enfant ? comment ont-ils été placés dans ce lieu ? qui a taillé, poli, gravé ce chêne? Déjà depuis longtemps le bon sens a ridiculisé cette sorte de divination. La beauté, l'antiquité du temple, conservent encore quelque célébrité aux Sorts de Préneste, mais dans le vulgaire seulement. Quel ma

avec de grands éclats de rire. On trouve, dans Cicéron, une phrase qui, outre le morceau traduit ici, fixe, d'une manière bien précise, le sens du mot micare; c'est celle-ci : Dignus est quocum in tenebris mices : « Il est si probe, que vous pouvez jouer à la moure avec lui dans les ténèbres, » c'està-dire, Vous pouvez vous fier entièrement à lui.

▾ A côté du temple de Jupiter enfant. Tel est le sens de propter Jovis pueri. Cette expression, assez rare dans la langue latine, devient plus fréquente, dans les auteurs, et plus intelligible avec ad. Ainsi l'on voit dans Tite-Live: Habitabat ad Veneris Cloacinæ; il demeurait près du temple de Vénus Cloacine (des égouts); et dans Horace (sat. 9, lib. 1, v. 35): Ventum erat ad Vestæ, «< nous étions arrivés près du temple de Vesta. »

gistrat, en effet, ou quel homme un peu marquant aurait recours aux Sorts? Partout ailleurs les Sorts ont beaucoup perdu de leur crédit aussi Clitomachus attribue-t-il ce mot à Carnéade, que Pulle part il n'a vu la Fortune plus fortunée qu'à Préneste. » (Traduction nouvelle. N. A. D.)

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CHAP. XIV. Vibius Accuéus saisit un étendard, et le lance au milieu des retranchemens..... T. Pedanius, en cette occasion, fait le même trait de courage que Vibius; et pourtant, sans ce passage de Tite-Live, passage fort peu connu du reste, le nom de ces deux héros échappait à la postérité. L'histoire a été moins ingrate envers notre grand Condé; elle a conservé et reproduit plus d'une fois le trait de ce guerrier lançant son bâton de maréchal dans les murs de Fribourg, afin d'inspirer à ses soldats l'ardeur toute martiale dont il était lui-même animé.

CHAP. XVIII. Il l'appelle ennemi trop fidèle aux lois de l'hospitalité. Le texte porte: hospitalem hostem, et les traducteurs ont entendu ainsi : Ennemi violateur des lois de l'hospitalité. Je ne pense pas que ce soit le sens : le Campanien Badius ne peut appeler le Romain Crispinus ennemi violateur des lois de l'hospitalité, puisque, précisément en cette circonstance, Crispinus vient de lui prouver qu'il est esclave des droits de l'hospitalité, en lui disant qu'il ne veut pas se mesurer, en combat singulier, contre un homme qui a été son hôte et son ami, qu'il a reçu, qu'il a soigné chez lui, à Rome, lorsqu'il était malade. Je crois que hospitalem hostem est ironique dans la bouche du Campanien, pour forcer Crispinus à se battre avec lui; il faut donc conserver cette ironie dans la traduction: Ennemi trop fidèle aux lois de l'hospitalité.

CHAP. XXVI. D'abord l'intempérie de la saison et le mauvais air...... Ce mauvais air règne encore aujourd'hui dans la HauteItalie, à l'époque des grandes chaleurs, et surtout de la Canicule. Il est certains momens où l'on conseille aux étrangers de ne pas aller à Rome, à Naples et en Sicile, afin d'éviter la mal'aria, qui est pour eux une sorte de contagion. L'on ne passe guère à Rome qu'au mois de septembre; il y aurait quelque danger à s'y rendre au mois de juillet et d'août principalement. La peste a disparu, mais la mal'aria subsiste toujours.

CHAP. XXVII. Épicyde, qui voyait tout à coup s'évanouir une si belle espérance..... Tite-Live dit : A tanta repente destitutus

spe. Cette préposition a ne s'emploie ordinairement, en latin, qu'avec les noms de personnes ou d'objets personnifiés, jamais avec les noms de choses. On dira bien a Fortuna destitutus, parce que la Fortune est personnifiée; mais ici, l'espérance ne l'est pas, et ne peut l'être, puisque le mot spe est précédé de l'adjectif tanta. On trouve dans Tite-Live une expression bien plus bizarre encore, c'est egredi urbem : rien ne justifie, ou du moins ne semble à nos yeux justifier cette locution: la préposition e, qui entre dans la composition du verbe, indique l'ablatif urbe, au lieu de l'accusatif urbem. Pourquoi donc Tite-Live seul dit-il egredi urbem? Ne serait-ce pas là Patavinitas quædam, comme on lui en a fait le reproche?

CHAP. XXXI. Tous les travaux, tous les dangers qu'il avait eus à supporter si long-temps sur terre et sur mer, autour des murs de Syracuse, étaient à ses yeux faiblement compensés par la prise de cette ville. Je crois avoir suivi le véritable sens; toutefois, je n'oserais l'affirmer. On lit dans le texte : Omnium sibi laborum periculorumque circa mænia syracusana terra marique tam diu exhaustorum, nequaquam tantum fructum esse, quam capere Syracusas potuisse. La fin de cette phrase est fort obscure. Nardi, dans sa traduction italienne, une traduction anglaise, et Guérin, en français, font dire à Marcellus qu'il regardait la prise de Syracuse comme le prix le plus glorieux de ses travaux et de ses périls. Mais Crévier fait observer que tout le discours de Marcellus respire la sévérité; aussi Rollin a-t-il traduit : « Que, pour lui, il ne regardait pas l'honneur d'avoir pris Syracuse comme une récompense qui égalât les travaux et les périls qu'il avait essuyés durant un si long et si rude siège. » J'ajouterai une réflexion à l'appui de la version de Rollin et de l'observation de Crévier, c'est que Marcellus ne peut parler dans le même sens que les députés syracusains, qui lui ont dit (chap. XXIX): « La gloire d'avoir pris la première, la plus belle des cités grecques, vient de vous être accordée par les dieux. » Malgré tous les commentaires, malgré toutes ces observations, le nequaquam tantum fructum esse, quam capere Syracusas potuisse n'en reste pas moins, si le texte est pur en cet endroit, une énigme digne du Sphinx: mais où trouver un OEdipe pour la deviner?

LIVRE XXVI.

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