Immagini della pagina
PDF
ePub

canien; quiconque enverrait avant lui cette victime aux enfers, se couvrirait d'une gloire immortelle, et trouverait une noble consolation à son trépas. » Il dit, enveloppe son bras gauche de son manteau, car ils n'avaient pas inême pris leurs boucliers, et charge l'ennemi. Il se livre une lutte plus opiniâtre qu'on n'eût pu l'attendre d'un si petit nombre : les Romains, à découvert, et enfermés dans le creux d'un vallon, sont accablés des traits qu'on leur lance d'un lieu plus élevé. Gracchus reste presque seul, et les Carthaginois s'efforcent de le prendre vivant : mais il a aperçu le perfide Lucanien au milieu des ennemis; pour le joindre, il s'élance avec tant de fureur, qu'on n'aurait pu l'épargner sans laisser périr un grand nombre de combattans. Lorsqu'il fut sans vie, Magon l'envoya aussitôt à Annibal, et le fit exposer avec les faisceaux captifs devant la tente du général carthaginois. Telle est la tradition la plus exacte : Gracchus périt en Lucanie, dans un endroit appelé le VieuxChamp.

XVII. Si l'on en croit d'autres historiens, l'évènement se passa sur le territoire de Bénévent: Gracchus s'était éloigné du camp, avec ses licteurs et trois esclaves, pour se baigner dans les eaux du Calore; il fut surpris, nu et sans armes, par les ennemis cachés derrière les saules du rivage, n'eut à leur opposer que les pierres du fleuve, et tomba sous leurs coups. D'autres prétendent que, sur l'avis des aruspices, il s'éloigna à cinq cents pas de son camp, pour expier, en un lieu pur, les prodiges dont j'ai parlé; là, il fut enveloppé par deux escadrons de cavalerie numide, placés en embuscade : tant on est peu d'accord sur le lieu et sur le genre de trépas d'un homme si recommandable et si célèbre. Même diversité d'opinions

neris quoque Gracchi varia est fama. Alii in castris romanis sepultum ab suis, alii ab Annibale (et ea vulgatior fama est) tradunt in vestibulo punicorum castrorum rogum exstructum esse; armatum exercitum decucurrisse cum tripudiis Hispanorum, motibusque armorum et corporum suæ cuique genti adsuetis, ipso Annibale omni rerum verborumque honore exsequias celebrante. Hæc tradunt, qui in Lucanis rei gestæ auctores sunt. Si illis, qui ad Calorem fluvium interfectum memorant, credere velis, capitis tantum Gracchi hostes potiti sunt; eo delato ad Annibalem, missus ab eo confestim Carthalo, qui in castra romana ad Cn. Cornelium quæstorem deferret; is funus imperatoris in castris, celebrantibus cum exercitu Beneventanis, fecit.

XVIII. Consules, agrum campanum ingressi, quum passim popularentur, eruptione oppidanorum et Magonis cum equitatu territi et trepidi, ad signa milites palatos passim revocarunt : et, vixdum instructa acie fusi, supra mille et quingentos milites amiserunt. Inde ingens ferocia superbæ suopte ingenio genti crevit, multisque præliis lacessehant Romanos: sed intentiores ad cavendum consules una pugna fecerat, incaute atque inconsulte inita. Restituit tamen his animos, et illis minuit audaciam, parva una res; sed in bello nihil tam leve est, quod non magnæ interdum rei momentum faciat. T. Quin

sur ses funérailles : les uns disent qu'il fut inhumé dans le camp romain, et par ses soldats; les autres, et c'est la tradition la plus accréditée, racontent qu'Annibal lui fit élever un bûcher à l'entrée de son camp; les troupes y défilèrent en armes; les Espagnols exécutèrent leurs danses nationales; chaque peuple qui composait l'armée carthaginoise, y fit les évolutions et les exercices de son pays, et Annibal lui-même honora cette cérémonie funèbre de toute la pompe, de tous les éloges d'un ennemi généreux. Tel est le récit des auteurs qui placent le fait en Lucanie. Suivant ceux qui font tuer Gracchus sur les rives du Calore, la tête seule tomba au pouvoir des Africains. A peine Annibal l'eut-il reçue, qu'il la fit porter, par Carthalon, au camp romain, et remettre au questeur Cn. Cornelius ce dernier célébra, dans le camp, les funérailles de son général, et les habitans de Bénévent assistèrent, avec l'armée, à la cérémonie.

XVIII. Les consuls, qui étaient entrés sur le territoire de Capoue, étendaient çà et là le ravage, lorsqu'une sortie des habitans et de Magon, en tête de sa cavalerie, les frappa d'une telle frayeur, d'une telle épouvante, qu'ils rappelèrent sous les drapeaux leurs soldats épars; mais, mis en déroute avant d'avoir pu établir leur ordre de bataille, ils perdirent plus de quinze cents hommes. Ce succès ne fit qu'ajouter encore à l'orgueil de cette nation naturellement présomptueuse; c'étaient chaque jour de nouvelles escarmouches contre les Romains; mais les consuls étaient sur leurs gardes : une action trop légèrement hasardée avait commandé la prudence. Toutefois un évènement de peu d'importance releva le courage des uns, et abattit l'audace des autres;

ctio Crispino Badius Campanus hospes erat, perfamiliari hospitio junctus: creverat consuetudo, quod æger Romæ apud Crispinum Badius ante defectionem campanam liberaliter comiterque curatus fuerat. Tum Badius, progressus ante stationes, quæ pro porta stabant, vocari Crispinum jussit: quod ubi est Crispino nunciatum, ratus conloquium amicum ac familiare quæri, manente memoria, etiam in discidio publicorum foederum, privati juris, paullum a ceteris processit. Postquam in conspectum venere, << Provoco te, inquit, ad pugnam, Crispine,» Badius: «< conscendamus equos, submotisque aliis, uter bello melior sit, decernamus. » Ad ea Crispinus, << nec sibi, nec illi, ait, hostes deesse, in quibus virtutem ostendant: se, etiamsi in acie obcurrat, declinaturum, ne hospitali cæde dextram violet; » conversusque abibat. Enimvero ferocius tum Campanus increpare mollitiem ignaviamque, et se digna probra in insontem jacere, hospitalem hostem adpellans, simulantemque parcere, cui sciat parem se non esse; si parum, publicis fœderibus ruptis, diremta simul et privata jura esse putet, Badium Campanum T. Quinctio Crispino Romano palam, duobus exercitibus audientibus, renunciare hospitium. Nihil sibi cum eo consociatum, nihil fœderatum hosti cum hoste, cujus patriam ac penates publicos privatosque obpugnatum venisset. Si vir esset, congrederetur. » Diu

car souvent, à la guerre, les plus petits incidens entraînent les plus grandes conséquences. T. Quinctius Crispinus avait pour hôte et pour ami intime un Campanien, nommé Badius : leur liaison était devenue plus étroite encore, parce qu'avant la défection de Capoue, Badius, malade à Rome, avait reçu dans la maison de Quinctius tous les soins de l'hospitalité la plus généreuse et la plus affable. Badius, en ce moment, paraît aux postes avancés, et fait appeler Crispinus. Le Romain, qui s'attend à une entrevue amicale et affectueuse, et dont la mémoire a, malgré la rupture publique des deux peuples, conservé le souvenir d'une liaison particulière, s'éloigne des siens, et s'avance à la rencontre de Badius. Lorsqu'ils sont en présence : « Crispinus, lui dit le Campanien, je te défie au combat; montons à cheval, et, sans l'intervention des autres, voyons qui de nous deux est le meilleur guerrier. >> Crispinus répond : « Qu'ils ont tous deux assez d'ennemis contre lesquels ils peuvent déployer leur courage; pour lui, lors même qu'il rencontrerait Badius dans la mêlée, il s'éloignerait pour ne pas souiller ses mains du meurtre d'un ami. » En même temps, il se détourne et se retire. Mais alors, le Campanien l'accuse avec orgueil de crainte et de lâcheté, et accable l'homme d'honneur des outrages qu'il méritait lui-même; il l'appelle << ennemi trop fidèle aux lois de l'hospitalité, qui feint d'épargner son hôte, parce qu'il sait qu'il ne peut lui tenir tête. Si la rupture des traités entre les deux peuples ne lui paraît pas suffisante pour rompre les liaisons particulières, Badius de Capoue fait savoir à T. Quinctius Crispinus de Rome qu'il renonce hautement à toute relation d'hospitalité, en présence des deux armées, qui l'entendent. Ennemi, il abjure tout

« IndietroContinua »