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CHAPITRE V.

Enseignement philosophique et traditions religieuses des païens sur ces divers problèmes.

Les dogmes de l'immortalité de l'âme, des peines et des récompenses, de la félicité réservée aux justes, du malheur et de la souffrance qui attendent les méchants, de la fin du monde et d'un jugement suprême n'ont pas, selon saint Justin, été inconnus à l'antiquité païenne. Platon témoin et interprète de la croyance à une autre vie, heureuse pour les bons, malheureuse pour les méchants. Ses efforts pour expliquer en quoi consiste le bonheur des àmes vertueuses au sortir de la vie. C'est la jouissance parfaite et la vision face à face du vrai, du beau et du bien en soi, et, au sens chrétien, la communion avec Dieu. — Enseignement stoïcien. - Traditions populaires sur la fin du monde par une conflagration universelle. La métempsycose et la résurrection chrétienne. - Mythes, récits et traditions religieuses des païens sur la destinée des âmes après la vie terrestre.

- ChampsÉlysées, Tartare. - Dogme de la résurrection des corps enseigné dans la religion persane. - Enseignement de la philosophie et de la religion païennes sur le jugement des âmes.Mythes rapportés par Platon et Plutarque. Minos, Eaque, Rhadamante, Adrastée. Démons infernaux ministres des vengeances divines. rale des deux chapitres précédents.

Conclusion géné

Il faut maintenant tourner le regard en arrière, vers l'antiquité païenne, et nous demander ce que la philosophie et la tradition profanes avaient enseigné sur la vie future et les destinées de l'homme au-delà du tombeau.

Ces hautes questions, sans doute, n'avaient pas été étrangères à la philosophie païenne. Plusieurs écoles avaient, il est vrai, fermé le ciel aux espérances de l'homme mais d'autres, mieux d'accord avec les aspirations les plus élevées de la raison et du cœur de l'homme, avaient fait de ces graves problèmes leur constante préoccupation et l'objet suprême de leurs recherches.

Le dogme de l'existence de Dieu, celui de la Providence

divine et celui de l'immortalité de l'âme sont professés par Platon avec une force et une clarté auxquelles le christianisme n'a rien ajouté pour le fond. Qu'on entreprenne de supprimer Dieu de la doctrine de Platon, rien ne reste il est le fondement de l'être et de la vérité, il est le lien du monde. On ne peut, enfin, parler de ces dogmes sans repasser sur les traces du disciple de Socrate, et sans répéter quelques passages du Phédon, du Phèdre, de la République ou des Lois.

Mais il y a deux hommes dans Platon le philosophe et le poète, le dialectitien et le mythologue : l'un, qui expose un système; l'autre, qui recueille avec curiosité et rapporte tantôt avec respect, et parfois avec une nuance d'ironie les traditions religieuses, les croyances populaires, les légendes et les mythes de son temps ou des temps plus anciens.

Saint Justin, au commencement de son Dialogue avec Tryphon, reproche à Platon d'enseigner la doctrine de la métempsycose et réfute en quelques mots cette doctrine, en remarquant très-bien que sans le souvenir de la vie première, le sentiment de l'identité personnelle et la conscience d'avoir bien ou mal fait, mérité ou démérité, la peine est une cruauté gratuite et la récompense une faveur sans moralité. Il a raison, sans doute. Mais est-il vrai que Platon ait cru à la transmigration des âmes? A notre avis, il expose cette doctrine plutôt qu'il ne l'enseigne; et il l'expose comme une légende plutôt que comme un dogme philosophique, avec ce demi-sourire qu'il a sur les lèvres en parlant de la génération des dieux et de leur famille (1). Au reste, la doctrine de la transmi

(1) « Quant aux autres démons, dit Platon en parlant des dieux popu

gration des âmes, beaucoup plus ancienne que Platon, et qui n'eut pas la Grèce pour berceau, témoigne déjà du besoin, non seulement de croire à une autre vie, mais encore de fixer avec précision cette croyance et de décrire le mode de cette vie ultérieure. La raison n'ayant pas de réponse précise à la question, non de savoir s'il y a une autre vie, mais en quoi elle consiste au juste, l'imagination y suppléa, se donna carrière, et la doctrine de la métempsycose, plus religieuse que philosophique, naquit.

De même les mythes du Tartare et des Champs-Élysées les récits des tourments que subissent dans les enfers les méchants, et le tableau de la félicité dont jouissent les bons dans les îles fortunées, témoignent encore de la croyance antique à une vie future, aux peines et aux récompenses dans cette autre vie. Saint Justin atteste ces vieilles traditions, comme pour signaler dans le monde une sorte de foi analogue à la foi chrétienne (1). Après l'enfer d'Homère, il invoque encore l'opinion des poètes et des philosophes : « Quand nous disons que les âmes << des méchants conservent le sentiment après la mort,

laires, il est au-dessus de notre pouvoir de connaître et d'expliquer leur génération; il faut s'en rapporter aux récits des anciens qui, étant descendus des dieux, comme ils le disent, connaissent sans doute leurs ancêtres. On ne saurait refuser d'ajouter foi aux enfants des dieux, quoique leurs récits ne soient pas appuyés sur des raisons vraisemblables ou certaines. Mais comme ils prétendent raconter l'histoire de leur propre famille, nous devons nous soumettre à la loi et les croire.» (Timée, trad. Cousin, t. XII, p. 136.)

L'ironie est bien visible dans ce passage; pour être moins marquée, elle est manifeste cependant dans le morceau qui termine le Xe livre de la République, où Platon nous fait voir les âmes des morts appelées à choisir une condition nouvelle, Atalante changé en athlète, Agamennon en aigle, Ajax en lion, Thersite en singe.

(1) Apolog. I, § 18, p. 48.

« que celles des bons vont vivre heureuses, loin des << supplices; que celles des méchants sont punies, nous «ne semblons faire autre chose que répéter les récits de « vos poètes et les enseignements de vos philosophes (1). » Que disent donc les philosophes sur ce point? interro- † geons Platon : « Lorsqu'un homme, dit-il, se croit aux << approches de la mort, certaines choses sur lesquelles il «< était tranquille auparavant éveillent alors dans son esprit << des soucis et des alarmes. Ce qu'on raconte des enfers, << et des châtiments qui y sont préparés à l'injustice, ces << récits, autrefois l'objet de ses railleries, portent main<< tenant le trouble dans son âme il craint qu'ils ne << soient véritables. Affaibli par l'âge, ou plus près de ces << lieux formidables, il semble les mieux apercevoir; il << est donc plein de défiance et de frayeur; il se demande << compte de sa conduite passée; il recherche le mal qu'il « a pu faire. Celui qui, en examinant sa vie, la trouve << pleine d'injustices, se réveille souvent pendant la nuit, << agité de terreurs subites comme les enfants; il tremble << et vit dans une affreuse attente. Mais celui qui n'a <«< rien à se reprocher, a sans cesse auprès de lui une << douce espérance qui sert de nourrice à sa vieillesse, << comme dit Pindare (2). »

Ici, Platon constate dans le cœur humain, au dernier moment de la vie, alors que le tumulte des passions s'est éteint et que la vanité des choses de la terre apparaît pleinement, une sorte de préoccupation de la vie future et

(1) Τῷ δὲ κολάζεσθαι ἐν αἰσθήσει καὶ μετὰ θάνατον οὔσας τὰς τῶν ἀδίκων ψυχάς, τὰς δὲ τῶν σπουδαίων ἀπηλλαγμένας τῶν τιμωριῶν εὖ διάγειν ποιηταῖς καὶ φιλοσόφοις τὰ αὐτὰ λέγειν δόξομεν. (Apol. 1, § 20, p. 52, 54.

(2) PLATON, Républ., 1. I, trad. Cousin, t, IX, p. 9.

comme une vue anticipée des peines et des récompenses de l'autre vie, objet d'épouvante pour le méchant, d'espérance pour celui dont la conscience est pure. « Le plus << grand des malheurs, dit-il ailleurs, est de descendre << dans l'autre monde avec une âme chargée de crimes (1). » Ailleurs encore, faisant parler Socrate dans un suprême entretien, il professe la même doctrine : « Assurément, << mes chers amis, si je ne croyais trouver dans l'autre « monde d'autres dieux sages et bons, ainsi que des <«< hommes meilleurs que ceux d'ici-bas, j'aurais tort « de n'être pas fâché de mourir. Mais il faut que vous << sachiez que j'ai l'espoir de m'y réunir à des hommes << vertueux, sans toutefois pouvoir l'affirmer entièrement; << mais pour y trouver des dieux amis de l'homme, c'est « ce que je puis affirmer, s'il y a quelque chose en ce << genre dont on puisse être sûr. Voilà pourquoi je ne << m'afflige pas tant au contraire, j'espère dans une des« tinée réservée aux hommes après leur mort, et qui, se«<lon la foi antique du genre humain, doit être meilleure « pour les bons que pour les méchants (2). » Dira-t-on qne ce n'est pas là une doctrine, mais une affirmation gratuite? que Platon parle moins en philosophe qu'en prophète, et que Socrate ne fait que se consoler lui-même et ses amis par cette belle espérance d'une destinée et d'un bonheur que la raison, réduite à ses seules forces, ne saurait démontrer? Remarquons d'abord que Socrate, dans un autre passage, s'exprime d'un ton plus net et plus décisif « Il est certain, dit-il, qu'il y a un retour à la vie,

(1) Gorgias, trad. Cousin, t. III, p. 403.

(2) Εὔελπίς ειμι εἶναί τι τοῖς τετελευτηκόσι καὶ ὥσπερ γε καὶ πάλαι λέγεται πολὺ ἄμεινον τοῖς ἀγαθοῖς ἢ τοῖς κακοῖς. (Phidon, ed. Didot, p. 48 et 54.

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