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prits ténébreux et malfaisants, persécuteurs et corrupteurs des hommes, répondent aux démons du christianisme.

Quelle conclusion peut-on tirer de ces rapides rapprochements? Celle-ci, à notre avis que le christianisme a trouvé en Grèce et en Orient une démonologie toute faite, qu'il l'a adoptée dans ses traits principaux et se l'est assimilée; que Pythagore, Empedocle, Platon, adversaires de l'anthropomorphisme hellénique, avaient, avant les docteurs chrétiens, renvoyé du ciel, placé dans une sphère inférieure et subordonné au Dieu suprême, sous le nom de démons, les divinités populaires; qu'avant les docteurs chrétiens, en Grèce, et surtout en Perse, on avait reconnu dans le monde l'opposition et la lutte du bien et du mal, qu'on l'avait personnifiée dans toutes ses formes et ses manifestations diverses, et qu'on avait préservé ainsi, d'une part, l'impassibilité de l'être infini, qui répugne au mouvement et à l'action trop fréquente et trop diverse daus le monde, et, d'autre part, sa bonté souveraine, qui ne peut facilement se concilier avec l'existence du mal et du désordre.

CHAPITRE VIII.

Préceptes de morale chrétienne.

Préceptes de morale païenne.

Sens et limites précises de ce parallèle. Caractère essentiel de la morale chrétienne. Le souverain bien, la règle suprême de la vie, est l'imitation de Dieu. Caractère essentiellement spiritualiste et profondément religieux de la morale platonicienne. — Aimer et imiter Dieu, voilà, selon saint Augustin, le dernier mot de cette morale. - Prescriptions de la morale chrétienne citées par saint Justin, sur la pureté du cœur, l'amour des ennemis, le pardon des injures, l'aumône secrète, la bienfaisance, etc. La chasteté, la pudeur, la continence, ne furent pas des vertus inconnues de l'antiquité.- Textes divers à l'appui de cette proposition. - De la charité, son fondement. - Socrate complète et épure l'idée étroite de la justice. Platon enseigne qu'il vaut mieux souffrir l'injustice que de la commettre. Doctrine de l'universelle fraternité des hommes, professée par De l'amour de ses semblables. De la bienfaisance même envers ses ennemis. Du pardon des injures. De la pitié. Sénèque, Épictète, Maxime de Tyr, Marc-Aurèle. Rapprochement de divers préceptes chrétiens et païens. Type idéal du sage d'après les moralistes païens. - Conclusion de ce chapitre.

les platoniciens et les stoïciens.

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Saint Justin n'a pas exposé en détail la morale chrétienne. Les chrétiens étaient accusés de débauches inouïes; il s'est contenté d'opposer à ces accusations le tableau de la vie de ceux qu'on accusait, et de rappeler quelques-uns des préceptes laissés par le Christ. On ne peut pas dire non plus qu'il ait invoqué sur ce point les préceptes des moralistes païens; cependant il a dit que les disciples des stoïciens et, jusqu'à un certain point, les poètes du paganisme avaient bien parlé de la morale (1).

Nous ne voulons pas comparer la morale païenne à la morale chrétienne. Il n'y a pas plus de morale païenne que

(1) Passage cité, p. 104, note 1.

de philosophie païenne. Nous ne voulons pas mettre en parallèle deux systèmes et deux civilisations: l'une vieille, usée, croulant de toutes parts; l'autre jeune, pleine de force et de sève, et s'apprêtant déjà, par la conquête et la rénovation des âmes, à conquérir et à régénérer la société. Nous nous demandons simplement s'il n'est pas. possible de mettre à côté des préceptes cités par saint Justin des préceptes identiques ou analogues empruntés à l'antiquité profane.

Sans doute il n'est pas juste de juger des mœurs d'une société par quelques préceptes qu'on trouve épars çà et là dans les livres des moralistes; mais il n'est pas plus juste de juger des préceptes et de la morale par les mœurs. En tout temps et en tout pays, ce sont deux choses fort distinctes, heureusement quelquefois.

Dans l'ancienne société païenne, la morale valait mieux que les mœurs, et cette société même valait mieux que les descriptions que les satyriques en ont faites.

Notre objet n'est pas ici de présenter l'apologie de cette société; nous nous demandons seulement si, de Socrate à Marc-Aurèle, quelques voix, rares et mal entendues, peu importe, n'avaient pas enseigné la vertu à ce monde qui, dit-on souvent, en avait oublié jusqu'au nom.

La question que nous agitons est une question purement théorique, et cependant une question de fait, autrement dit de textes.

La morale chrétienne est essentiellement une morale religieuse. C'est Dieu lui-même qui promulgue la loi, qui en dicte les préceptes, qui veille à son exécution, qui propose des peines et des récompenses à ceux qui la suivent ou l'enfreignent. C'est, au reste, le caractère de toute mo

rale religieuse en général, et en particulier de la morale chrétienne, que l'espérance et la crainte, ces deux puissants ressorts de la vie, y sont sans cesse mises en jeu, et que la faiblesse humaine est soutenue par des promesses immenses ou de terribles menaces (1). Dieu est la source et la substance de tout bien. Le bien, c'est ce qui plait à Dieu, c'est ce qu'il veut et ce qu'il ordonne. Sans doute c'est dans la conscience que sont écrits les arrêts de la volonté divine et les préceptes de la loi morale (2); mais le caractère d'obligation de cette loi, dans la théorie chrétienne, dérive non pas de la conscience humaine, mais de la volonté de Dieu expressément révélée dans les livres saints. La première règle de la morale chrétienne, le premier devoir, celui qui contient et résume pour ainsi dire tous les devoirs, le souverain bien, comme dit la philosophie ancienne, c'est pour l'homme d'obéir à Dieu, de conformer sa volonté à la volonté de Dieu, en un mot d'imiter Dieu. Saint Justin, après saint Paul et saint Jean, le dit et le fait entendre à plusieurs reprises (3).

(1) Δοξάζομεν.... ἕκαστον ἐπ ̓ αἰωνίαν κόλασιν ἢ σωτηρίαν κατ' αξίαν τῶν πράξεων πορεύεσθαι. Εἰ γὰρ οἱ πάντες ἄνθρωποι ταῦτα ἐγίνωσκον, οὐκ ἄν τις τὴν κακίαν πρὸς ὀλίγον ἡρεῖτο, γινώσκων πορεύεσθαι ἐπ' αίω νίαν διὰ πυρὸς καταδίκην, ἀλλ' ἐκ παντὸς τρόπου ἑαυτὸν συνεῖχε καὶ ἐκόσμει ἀρετῆ, ὅπῶς τῶν παρὰ τοῦ θεοῦ τύχῃ ἀγαθῶν καὶ τῶν κολαστη ρίων ἀπηλλαγμένος εἴη. (Apol. 1, § 1, p. 28.)

(2) Quand les païens, qui n'ont pas la loi, font naturellement les choses qui sont selon la loi, n'ayant point la loi, ils se tiennent lieu de loi à eux-mêmes. Ils font voir que ce qui est prescrit par la loi est écrit dans leur cœur. » (S. PAUL, Rom., II, 14.)

(5) Εὰν ἀξίους τῷ ἐκείνου (θεοῦ) βουλεύματι ἑαυτοὺς δι' ἔργων δείξωσι. (Apol. I, § 10, p. 26.)

Διὰ τὸ ἑλέσθαι τοὺς αἱρουμένους τὰ αὐτῷ (θεῷ) ἀρεστά. (Apol. 1, § 10, p. 26.)

Le paganisme s'est-il jamais élevé à cet idéal? La morale de Platon, c'est une vérité hors de doute, est profondément spiritualiste et essentiellement religieuse. Si dans l'Eutyphron le disciple de Socrate proteste de l'indépendance absolue du bien moral, et cherche à lui donner pour unique fondement la conscience, c'est un acte de polémique contre la religion populaire, et l'effort d'une noble intelligence pour dégager la morale des liens d'une théologie dangereuse et corruptrice. « Quel homme « de bons sens, dit saint Justin, pourrait croire que le « père et le chef de tous les dieux, Jupiter, soit, comme <«<le racontent les poètes, parricide et né d'un père parri« cide, adultère, incestueux, souillé des vices les plus << abominables, et ses fils comme lui?..... Peut-on imaginer << de plus funestes enseignements? Car tous conviennent

qu'il est beau de prendre les dieux pour modèle (1). » Platon, lui aussi, avait bien vu que c'était autoriser le vice d'identifier le bien avec la volonté de ces dieux auxquels les mythologues prêtent toutes sortes d'actes coupables. a Que personne, dit-il au XIIe livre des Lois, ne se laisse << tromper par ce que débitent les poètes et les conteurs « de fables, ni ne s'enhardisse à commettre rien de sem<«< blable sur la fausse persuasion qu'il ne fait en cela que « ce que font les dieux mêmes, car cela n'est ni vrai ni << vraisemblable, et quiconque se porte à commettre une << injustice n'est ni dieu ni enfant des dieux (2). »

Απαθανατίζεσθαι δὲ ἡμεῖς μόνους δεδιδάγμεθα τοὺς ὁσίως καὶ ἐναρέτως ἐγγὺς θεῷ βιοῦντας. (Apol. I, § 21, p. 58.)

Μιμητὰς γὰρ θεῶν καλὸν εἶναι πάντες ἡγοῦνται. (Apol. 1, § 21, p. 56.)

(1) Apolog. 1, § 21, p. 56, 58.

(2) Euripide disait de même dans son Ion, en s'adressant aux dieux : «Est-il donc juste que vous, les législateurs des mortels, vous puis

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