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« Quelques-uns des fidèles vinrent en secret enlever leurs corps et les ensevelirent dans un lieu convenable (1). »

Pour déterminer la date du martyre de saint Justin, il convient d'avoir fixé l'époque exacte où sa seconde Apologie fut composée, car le ton de cette Apologie et le témoignage d'Eusèbe ne laissent aucun doute sur ce point, qu'il s'écoula un intervalle assez court entre la publica-tion de cet ouvrage et la condamnation de son auteur (2). C'est une question de chronologie qui trouvera sa place plus tard. Nous prenons ici pour accordé ce que nous établirons au chapitre suivant, à savoir que la seconde Apologie fut adressée à Antonin le Pieux, dans la dernière année de son règne, Lollius Urbicus ou Salvius Julianus étant préfet de Rome.

Les actes du martyre de saint Justin et Épiphane, dans son discours contre les hérésies (5), aitestent que ce martyre fut ordonné par Rusticus, préfet de Rome.

Salvius Julianus, préfet de Rome à la mort d'Antonin, demeura en charge jusqu'à la fin de l'année 162. C'est par ses ordres qu'eut lieu cette même année 162 le martyre de sainte Félicité, attribuée par les Actes au règne d'Antonin (4), quoiqu'on mentionne dans le texte de ces

(1) Nous avons traduit ce long récit sur le texte donné dans le t. It des OEuvres de saint Justin, de M. Th. Otto.

(2) EUSEBE, Hist. ecclés, IV, 17.

(3) EPIPH, XLVI, c 1, p. 3921.

(4) Voir les Acta Martyrum Sincera et Selecta de RUINART. Le martyre de sainte Félicité et de ses sept fils est indiqué à l'année 130, et les actes de sa passion commencent par ces mots : Temporibus Antonini imperatoris. (P. 26.)

mêmes Actes l'existence de deux empereurs qui sont évidemment Marc-Aurèle et Lucius Verus (1).

Le préfet qui condamne sainte Félicité et ses fils porte dans les Actes le nom de Publius, qui est le prénom de Salvius Julianus, ainsi que l'ont fait connaitre des inscriptions rapportées par Marini dans son ouvrage encore inédit sur les figulines (2). Corsini avait voulu voir dans ce Publius des Actes du martyre de sainte Félicité, un Publius Lucilius Rusticus, personnage absolument ignoré, dont l'existence ne reposait que sur une inscription déclarée apocryphe par Marini, Mommsen et Borghesi, et tirée des manuscrits de Ligorio, à la bibliothèque Barberine (3). Pendant cette année 162, le Tibre, comme le rapporte Capitolin, avait débordé. De là, les pontifes croyaient nécessaire d'apaiser la colère des dieux. Ce détail est noté dans les Actes dont nous parlons: injunxit præfecto urbis Publio ut eam (Felicitatem) compelleret cum filiis suis Deorum suorum iras sacrificiis mitigare (4).

Aux calendes de janvier de l'année suivante, 163, Junius Rusticus, le précepteur de Marc-Aurèle, consul pour la seconde fois l'année précédente (5), succédait à Publius

(1) On lit, en effet, dans les Actes: « Audiens hæc Publius (Salvius Julianus) præfectus urbis jussit cam alapis cædi, dicens: Ausa es, me præsente, ista monita dare, ut dominorum nostrorum jussa contemnant. » (P. 26.)

(2) C. BELLICIO. TOROVATO. P. SALVIO. JVLIANO. COS. Le manuscrit de Marini sur les figulines est déposé à la Vaticane.

(3) Lettre de Borghesi à D. Celestino Cavedoni, insérée dans les Nuovi cenni cronologici intorno alla dala precisa delle principali apologie, Modène, 1858.

Voir ORELLI, Inscript. latin., no 1371.

(4) Actes du martyre de sainte Félicité, p. 26.

(5) ORELLI, no 1137.

Salvius Julianus dans la charge de préfet de Rome. Les malheurs et les fléaux publics, tels que les pestes, les disettes, les famines, les inondations, rallumaient, sinon la ferveur religieuse, au moins le zèle des pontifes et des magistrats, et aiguisaient la superstition du peuple, qui, au Forum ou dans les cirques, criait après les chrétiens. Salvius Julianus, vers la fin de 162 (1), donnait satisfaction aux réclamations des Pontifes et aux clameurs du peuple, en ordonnant le supplice de sainte Félicité et de ses fils; et l'année suivante, peut-être seulement quelques mois après, ces mêmes exigences politiques et ces mêmes clameurs populaires forçaient peut-être la main de Junius Rusticus, ou tout au moins lui rappelaient que la secte chrétienne était hors la loi; que Justin était un de ces chefs les plus écoutés et les plus dangereux; que ce même Justin n'avait pas craint à deux reprises, et tout récemment encore, de lever le masque, de faire gloire d'être chrétien, de défendre hautement sa doctrine, de récriminer contre les institutions religieuses de l'État, et de faire même d'un ton altier la leçon aux princes et au sénat de Rome.

Trois points sont à considérer dans la détermination de l'époque précise où saint Justin souffrit le martyre : 1° Que ce martyre fut ordonné par Junius Rusticus, préfet de Rome. On le sait par Épiphane et les Actes, et on n'a nulle raison de mettre en doute cette double attestation.

2o Que saint Justin souffrit le martyr très-peu de temps après avoir écrit sa seconde Apologie. C'est un fait attesté par Eusèbe, et que certaines expressions de notre Apologie laissent supposer d'une façon fort claire.

(1) L'Église célèbre le martyre de sainte Félicité le 23 novembre.

3o Que saint Justin écrivit sa seconde Apologie très-peu de temps après les condamnations prononcées par le préfet Quintus Lollius Urbicus contre plusieurs chrétiens de Rome. Le premier mot de cette Apologie l'indique clai

rement.

Or, comme nous le démontrerons, Lollius Urbicus fut préfet de Rome dans les dernières années du règne d'Antonin le Pieux, et eut pour successeur, avant la fin de ce règne, Publius Salvius Julianus, auquel succéda en janvier 363 Junius Rusticus.

Donc, en plaçant la date de la seconde Apologie à la fin de 160 ou avant le mois de mars 161, et le martyre de saint Justin au commencement de l'année 163, on respecte ces diverses données historiques, car Rusticus était alors préfet de Rome, et il y avait à peine deux ans que la seconde Apologie avait été écrite.

Nous plaçons donc le martyre de saint Justin dans les premiers mois de l'année 163. C'est l'opinion de Baronius abandonnée par la majorité des critiques, mais à laquelle se sont ralliés l'illustre Borghesi et le savant archéologue de Modène, Mgr Cavedoni (1).

(1) Voyez Cenni cronologici intorno alla data precisa delle principali apologie e dei rescritti imperiali di Traiano e di Adriano (extrait du t. XVIII de la 3e série des Mémoires de religion, de morale et de littérature, Modène, 1855), puis les Nuovi cenni intorno alla dala delle principali apologie scritte nel secondo secolo della chiesa in favor de ' cristiani, — estratto dal tomo III degli Opusculi religiosi, lillerarj e morali, Modène, 1858.

CHAPITRE II.

Les deux Apologies.

Promiscuité.

Première Apolo

Ton altier qu'y

Situation politique du christianisme à l'avènement d'Antonin le Pieux. gie de saint Justin. - Détermination de l'époque où elle fut écrite. prend saint Justin dès les premières lignes. Assimilation de la doctrine chrétienne à une doctrine philosophique. - Discussion des griefs allégués contre les chrétiens. Athéisme. Impiété. Débauches. Infanticides. Réponses de saint Justin. Énumération de quelques préceptes de la morale de Jésus-Christ. Exposition des mystères de l'Initiation chrétienne. Prière en commun. - Exhortation à la pratique du bien. Collectes pour secourir les pauvres. Le christianisme n'est pas un attentat contre les lois de l'État. Distinction du spirituel et du temporel.

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- Démonstration de la vérité de la doctrine chrétienne. Caractère de cette démonstration.

Effet produit par la première Apologie. - Constitution d'Antonin le Pieux aux villes d'Asie. Caractère de cet édit. Il est manifestement apocryphe, ou tout au moins le texte

en a été profondément altéré. Seconde Apologie de saint Justin. Examen de ces deux questions: 1° à qui fut-elle adressée ? 2° à quelle époque fut-elle écrite et publiée? - Témoignages d'Eusèbe. Inductions tirées de deux passages de la seconde Apologie elle-même. Le préfet Urbicus (Quintus Lollius). Diverses fonctions qu'il a remplies. A quelle date doit-on placer sa préfecture urbaine ? Publius Salvius Julianus, successeur de Lollius Urbicus comme préfet de Rome sous Antonin le Pieux. Junius Rusticus, successeur

de Salvius Julianus sous Marc-Aurèle, en janvier 163. Conclusion sur les deux questions posées plus haut: la seconde Apologie fut adressée à Antonin le Pieux; elle fut écrite et publiée à la fin de son règne, avant le 7 mars 164. - Caractère et analyse de la seconde Apologie. Ton véhément qui y règne en général.

A l'époque où Antonin le Pieux monta sur le trône impérial, les chrétiens continuaient à être en butte à la haine et aux calomnies de la foule, et à l'arbitraire des gouverneurs de province. Quelle attitude prit le nouveau prince à leur égard? La même, apparemment, que celle de ses prédécesseurs. La douceur et la bonté naturelles de son caractère l'inclinaient aux conseils d'humanité; mais les prescriptions de la loi étaient formelles, et le christia

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