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AVANT-PROPOS.

Nous nous proposons d'étudier l'attitude que prit le christianisme au IIe siècle, en face de la persécution.

Pendant tout le premier siècle, en Palestine, en Asie, à Rome, les chrétiens n'opposèrent aux violences que la patience et la résignation. Jusque là, le christianisme ne s'était guère recruté que parmi les Juifs et dans les classes pauvres de la société païenne, parmi tous ceux que rebutait l'orgueil des philosophes, et qui, dans ces temps où les caractères

étaient abaissés par la servitude, les âmes énervées par la corruption et les derniers raffinements du luxe, avaient besoin d'espérances et de consolations.

Longtemps encore, c'est parmi les ignorants et les faibles qu'il gagnera des âmes. Cependant, au commencement du IIe siècle, il fait des conquêtes plus utiles et, selon le monde, plus glorieuses. Il attache à sa cause des philosophes. Ceux-ci ne craignent pas de mettre au service de leur foi toutes les ressources de leur esprit. Ils osent alors élever la voix devant les empereurs, s'adresser au sénat, plaider la cause de la tolérance et de la liberté religieuse; ils demandent à l'éloquence, à la dialectique et à la philosophie des armes pour combattre les préjugés et les calomnies, se défendre contre l'oppression et convertir les indifférents. Jusqu'alors l'enseignement et la prédication avaient été l'affaire principale: les apôtres et les premiers missionnaires de l'Évangile se faisaient gloire d'ignorer les artifices de la sagesse humaine et de ne savoir que Jésus-Christ. Au IIe siècle, le christianisme se réconcilie avec la science et la raison humaines. De

nobles esprits formés dans les écoles des philosophes, devenus chrétiens et restés en même temps philosophes, à la fois serviteurs du Christ et apôtres de la raison, se font ses avocats devant la philosophie profane et la société païenne qu'ils ont abandonnées. Ce sont les Apologistes.

Dans cette œuvre de justification du christianisme, les Grecs prirent la parole les premiers. Le génie grec, de tout temps curieux des choses de l'esprit, et naturellement porté vers les spéculations métaphysiques, était bien fait pour ce rôle. L'Église latine parla plus tard. Le génie romain, duquel elle participait, génie pratique, formaliste, ennemi des subtilités, et qui n'avait su goûter de la philosophie que ce qui regarde la règle des mœurs et la conduite de la vie, s'accommodait mal aux questions de théologie et aux discussions religieuses. Aussi, dans l'Église d'Occident, les apologistes sont des hommes d'action, des avocats et des jurisconsultes, et non des philosophes. Ils défendent moins la doctrine qu'ils ne plaident la cause des personnes. Par la bouche de Tertullien, leur plus vigoureux champion, ils répudient la raison humaine comme une

ouvrière d'erreurs, et toute philosophie comme une inspiration de l'esprit mauvais. L'Église d'Orient,

bien moins exclusive, est en même temps plus tolérante pour la science humaine. Les Pères et les docteurs du IIe siècle ne pensent pas abaisser le christianisme en l'appelant une philosophie nouvelle. Aussi est-ce en Orient que l'Église a le plus de vitalité et se développe avec le plus d'énergie. C'est là que les enseignements du maître et des apòtres sont, dès le commencement, interprétés avec le plus de liberté et de hardiesse; c'est là aussi que les premières hérésies apparaissent. Ménandre, Cérinthe, Carpocrate, Saturnin, Basilide, Marcion, toutes les sectes du gnosticisme, qui essaient d'absorber la religion nouvelle et constituent pour elle un danger plus sérieux que les édits des empereurs et les violences de la persécution, sont le produit naturel du mouvement philosophique qui a son foyer en Orient.

Notre dessein n'est pas de nous engager dans la longue et ténébreuse polémique que suscita au IIe siècle l'apparition des sectes gnostiques. Nous voulons uniquement étudier dans le premier apolo

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