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sur ce point que comme l'annonce d'une délivrance et d'une glorification prochaine d'Israël. Dans l'enseignement de Jésus, l'idée du nouveau Royaume et l'idée de la Résurrection s'étaient toujours présentées ensemble: aussi annonçaient-ils la résurrection hardiment et avec éclat, écoutés avec curiosité et peut-être avec sympathie par les Pharisiens, qui professaient ce dogme, mais heurtant de front les Sadducéens, qui ne l'admettaient pas. Ceux-ci s'émurent les premiers de ces prédications, non peut-être qu'ils vissent encore dans les apôtres des novateurs dangereux; mais l'agitation des esprits produite par ces discours populaires pouvait compromettre la paix publique.

Aussi, après la guérison du boiteux à la porte du Temple, saint Pierre et saint Jean furent arrêtés au milieu de la foule qu'ils enseignaient, mis en prison, interrogés par le Sanhédrin, puis renvoyés, avec défense de troubler les esprits par leurs prédications. Nulle menace n'était capable d'éteindre ou de ralentir le zèle ardent qui les animait. La foi dont ils étaient remplis débordait d'elle-même. Possédés de l'esprit divin, il semblait qu'ils ne se sentissent plus les maîtres de parler ou de se taire: « Jugez vous-même, « disaient-ils, s'il est juste de vous obéir plutôt qu'à « Dieu (1). » Le peuple commençait à affluer autour d'eux des bourgs voisins de Jérusalem. Incarcérés de nouveau, délivrés miraculeusement, puis saisis dans le Temple même et amenés devant le conseil des prêtres, ils alléguèrent

(1) Actes des Apôtres, Iv. 19.

encore la force divine à laquelle ils obéissaient, et sans se laisser intimider par les transports de leurs juges, confessèrent hautement Jésus prince et sauveur envoyé de Dieu pour la rémission des péchés d'Israël (1). On allait se porter aux dernières violences. Gamaliel, le maître de Saul, se leva. Les paroles que lui prêtent les Actes, bien loin de prouver qu'il fut, comme on l'a dit quelquefois, partisan secret du christianisme, montrent, à notre avis, qu'il le considérait comme un de ces mouvements d'exaltation populaire fréquents à cette époque, provoqués par les communes espérances d'une prochaine rénovation, et qui, après avoir remué un instant le pays, tombaient sans laisser de trace. Les violences attirent la haine sur leurs auteurs, avivent le fanatisme et relèvent ce qui de soi n'est rien. «Laissons ces gens-là à eux-mêmes, dit-il. » Les fameuses paroles: « Si cette œuvre vient des hommes, elle « se détruira; si elle vient de Dieu, vous ne sauriez la <«< détruire, » me paraissent, dans la bouche de Gamaliel, l'expression d'une sérieuse et confiante piété, et en même temps un argument à l'appui du conseil de modération qu'il donnait (2). Le Sanhedrin se rendit à son avis. Les

(1) Acles des Apôtres, v, 17, 33.

(2) Rien de moins fondé que l'hypothèse que Gamaliel était chrétien. Cette hypothèse repose sur un passage des Clémentines, 1, 65, où il est dit que Gamaliel resta, par le conseil des apôtres, dans le Sanhédrin, et dissimula afin de mieux servir les chrétiens et de les informer de tout ce qui serait entrepris contre eux. Ce passage, comme bicn d'autres des Clémentines, est une légende qui ne doit pas être prise au sérieux.

apôtres furent fouettés et renvoyés avec des menaces. Inutile de dire qu'ils n'obéirent pas plus que la première fois. Les disciples se multipliaient et formaient déjà une sorte de société non encore séparée de la société juive par la diversité de la doctrine et des pratiques, mais déjà suspecte, et opposant aux défenses de l'autorité légale, je parle de l'autorité religieuse, un faisceau serré de cœurs et d'âmes unis par les liens de la plus étroite fraternité (1).

Les fidèles se recrutaient et parmi les Juifs purs et parmi les Juifs de race hellénique; et les préjugés étaient tels, on comprenait si peu le caractère et l'esprit de l'Évangile, que ces derniers se plaignaient que leurs veuves fussent traitées inégalement dans les distributions (2). Tant on semblait loin de songer à s'éloigner du Temple et à rompre avec la loi mosaïque ! La scission commença bientôt. C'est l'honneur de saint Étienne, le premier martyr chrétien, d'avoir ouvert les hostilités. Étienne, le premier, réagit contre l'esprit étroit du judaïsme, et tenta de donner à la doctrine nouvelle plus d'air et de liberté. De quoi l'accusent ses ennemis, en effet ? D'avoir proféré des paroles de blasphême contre le lieu saint et contre la loi, et d'avoir dit que Jésus de Naza

(1)« Multitudinis autem credentium erat cor unum et anima una; nec quisquam eorum quæ possidebat, aliquid suum esse dicebat sed erant illis omnia communia.» (Act. Ap., Iv, 32, 34, 35.)

(2) « In diebus autem illis, crescente numero discipulorum, factum est murmur Græcorum adversus Hebræos eo quod despicerentur in ministerio quotidiano viduæ eorum. » (Act. Ap., vi, 1.)

reth détruirait le Temple et changerait les ordonnances que Moïse a laissées. L'auteur des Actes dit que les témoins qui déposaient contre lui étaient subornés (1). Mais devant le tribunal sacré des Juifs, Étienne songe-t-il à se justifier de ces griefs? L'entend-on faire une profession formelle de judaïsme? Nullement. Il ne fait pas non plus, il est vrai, profession de dogmes nouveaux. Le Dieu qu'il prend à témoin est celui de ses pères, celui de sa nation, celui d'Abraham et de Moïse; mais voici des paroles remplies d'un esprit nouveau, quoique tirées des livres saints des Juifs « Le Très-Haut n'habite pas dans les temples faits « par la main des hommes... Le ciel est son trône, et la << terre est son marchepied. Quelle maison me bâtirez<< vous, dit le Seigneur, et quel pourrait être le lieu de <«< mon repos?... Vos pères ont tué ceux qui leur prédi<< saient l'avènement du Juste, et vous, vous l'avez livré, « et vous vous êtes faits ses meurtriers (2). » L'auteur sacré se tait sur l'enseignement d'Étienne; mais l'acte d'accusation dressé contre lui, la rage des docteurs du Sanhedrin, la neutralité des Pharisiens changée en haine et en persécution déclarée, tout cela permet d'affirmer qu'il avait pris en face du formalisme juif une position décidément hostile (3).

Étienne paya de sa vie les hardiesses de son langage

(1) Act. Ap., vi, 13.

(2) Act. Ap., VII, 48, 49, 52.

(3) NEANDER, Hist. de l'établiss. et de la direct. de l'Église chrétienne par les Apôtres (trad. par M. FONTANÉS, t. I, p. 30 et suiv.)

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et périt lapidé. C'est à ce moment que saint Paul, ou plutôt Saul, car il ne prit son nom chrétien que plus tard, apparaît dans l'histoire de l'Église. Fanatique observateur des traditions judaïques, il est à supposer que, loin de partager l'indifférence de Gamaliel pour la secte naissante, il frémissait au fond du cœur de la tiédeur d'un zèle que l'âge et l'étude avaient amorti, et répugnait aux conseils de modération que son maître faisait prévaloir au Sanhedrin. La polémique d'Étienne contre le légalisme aride des Pharisiens acheva de l'enflammer. Il était sans doute au nombre des Ciliciens qui, au rapport de l'historien sacré, disputaient contre lui (1). Ce qui est certain, c'est qu'il prit part à sa mort. Quand on le lapidait, il gardait les manteaux de ses meurtriers. Après la mort d'Étienne, il se signala plus que tous les autres par ses violences. Cette âme de feu, faite pour la vie militante et l'action, que la scholastique pharisaïque et les sèches pratiques de la religion légale n'avaient pu, j’imagine, ni mater, ni satisfaire; qui cherchait peut-être dans l'intempérance d'un zèle bruyant un moyen de s'étourdir et d'oublier quelque secret tourment intérieur, se jeta dans la lutte, pour une cause à laquelle peut-être elle n'appartenait plus tout entière, avec une sorte de fureur. Ici, les Actes sont tout à fait explicites. Saul de Tarse ne respirait que menaces et que carnage (2). Il fouillait

(1) Act. Ap., vi, 9. (2) Act. Ap., 1x8, 1.

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