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qui tombent d'elles-mêmes quand elles ont fait leur temps, et que le prestige de la nouveauté s'est évanoui. Néanmoins, quels que fussent les sentiments particuliers du prince touchant le christianisme, l'inflexible inimitié des Juifs continuait à poursuivre partout les chrétiens; la populace païenne, abusée par d'aveugles préjugés, rugissait contre eux dans les cirques, et les magistrats, usant des prescriptions de la loi, se complaisaient à chercher, en les livrant au supplice, une facile popularité.

Ce qui permet de supposer que les chrétiens furent persécutés sous Adrien, ce sont les deux Apologies qui furent présentées à ce prince, la première par Quadratus, vers 123; la seconde par Aristide, philosophe chrétien d'Athènes, peu de temps après. Ces deux ouvrages, qui subsistaient encore du temps d'Eusèbe (1), sont perdus aujourd'hui. Les philosophes païens n'avaient pas encore pris la plume. Le Discours véritable de Celse, le premier écrit polémique contre le christianisme, ne parut guère qu'au commencement du règne de Commode. Tertullien et Eusèbe accordent les plus grands éloges aux écrits apologétiques de Quadratus et d'Aristide. S'il est téméraire d'affirmer que l'empereur fit complètement droit aux vérités contenues dans ces suppliques, on peut croire cependant que la persécution fut adoucie. L'empereur recevait en même temps des lettres consultatives au sujet des chrétiens. Sérenus Granianus, proconsul d'Asie, repré

(1) EUSEBE, Hist. ecclás., IV, 3.

sentait, dit Eusèbe, qu'il lui semblait fort inique d'accorder aux clameurs du peuple la vie d'hommes innocents. Il renouvelait aussi la question de Pline: la simple profession de foi et l'adhésion à la secte chrétienne est-elle un crime (1)?

Le rescrit d'Adrien à Minucius Fundanus, successeur de Granianus, nous a été conservé. L'empereur accordait satisfaction sur le premier point. C'était un bienfait réel de soustraire les chrétiens aux emportements de cruauté de la foule pour les remettre entre les mains de la loi. Pour ce qui est du second point, la réponse du prince était fort équivoque : « Si quelqu'un, disait-il, accuse les chrétiens, « et prouve qu'ils font quelque chose contre les lois, jugez<«<les selon la faute qu'ils auront commise; s'ils sont calom<< niés, punissez le calomniateur (2). » Les accusateurs sont, il est vrai, tenus de prouver que les chrétiens violent la loi; mais la pratique même du christianisme est une violation expresse de la loi. Il suffit donc, après tout, de prouver simplement qu'ils sont en effet chrétiens pour les condamner légalement. Adrien ne pouvait entendre la chose autrement. Ne déférer les chrétiens aux tribunaux que s'ils se sont rendus coupables de quelque crime, c'était admettre implicitement et autoriser le christianisme; c'était révoquer le rescrit de Trajan, c'était accorder d'avance ce que les chrétiens demanderont par la bouche

(1) EUSEBE, Hist. eccles., IV, 8; Chroniq.

(2) EUSEBE, Hist. ecclés., IV, 9.

de tous leurs apologistes. Si le rescrit d'Adrien eût eu un sens aussi favorable au christianisme, saint Justin, Tatien, Méliton de Sardes, Athénagore, Tertullien, Minucius Felix, tous ceux qui, au IIe siècle et au commencement du IIIe, réclamèrent si vivement la liberté de conscience, n'eussent pas manqué de le rappeler et de l'invoquer hautement. Saint Justin l'a fait, dira-t-on, et a joint à sa première Apologie le texte même de ce rescrit, et Tertullien ne compte pas Adrien au nombre des persécuteurs du christianisme. Il est vrai, pour saint Justin, c'était d'une habile politique, et il était bien permis à l'avocat du christianisme d'employer ce dernier moyen de défense après avoir épuisé tous les autres. Mais saint Justin ne se méprend pas au point de faire grand fonds sur cet argument. Pouvait-il, en vérité, espérer faire lever par une équivoque l'interdit qui pesait sur la religion chrétienne? Si le rescrit d'Adrien eût été à ses yeux un acte officiel de protection, n'en eût-il pas tiré un plus grand parti? L'eût-il ainsi relégué à la dernière page de son Apologie? Quant à Tertullien, il ne nomme que Néron et Domitien parmi les persécuteurs du christianisme; et encore fait-il honneur à ce dernier d'être bientôt revenu à des sentiments d'humanité et d'avoir rappelé ceux qu'il avait exilés (1). C'est qu'en effet ni Trajan, ni Adrien, ni les Antonins ne se montrèrent violents et gratuitement cruels à l'égard des chrétiens, et, sans désarmer les lois qui

(1) TERTULLIEN, Apologét., v.

les proscrivaient, ils essayèrent d'en adoucir la rigueur. C'est aussi que Tertullien ne veut trouver que des mauvais princes parmi les persécuteurs, et ne peut accorder que des empereurs qui ont connu et respecté le droit divin et humain aient pu condamner le christianisme. Cependant, il est incontestable, la lettre de Pline en fait foi, qu'il y eut des martyrs sous Trajan.

Le rescrit d'Adrien n'est pas plus un édit de tolérance que celui de Trajan. Ce qui le prouve encore, c'est que l'Apologie d'Aristide, philosophe et chrétien, est postérieure à celle de Quadratus et à la lettre de l'empereur à Minucius Fundanus. On n'a pas à se défendre quand on n'est pas attaqué.

Il est facile à présent de répondre à cette question : Quelle fut, jusqu'à l'avènement d'Antonin le Pieux, la situation des chrétiens dans l'empire? Quelle fut, à l'égard de la secte nouvelle, la politique impériale?

La société chrétienne naquit en Palestine, y trouva ses premiers ennemis et ses premiers partisans. N'ayant pu s'assimiler la nation juive, et obéissant aux instructions de son fondateur et à la loi naturelle de son développement, elle ouvrit son sein aux païens et rompit avec les traditions étroites du mosaïsme. Les Juifs essayèrent de l'étouffer, tantôt en provoquant le fanatisme aveugle des populations, tantôt en éveillant les défiances et en excitant les soupçons de l'autorité. Les gouverneurs romains, surpris d'abord par cette tactique perfide, virent bientôt que

ces accusations ne cachaient qu'un dissentiment dans des questions religieuses et fermèrent les yeux. Gallion, Lysias, Félix, Festus, Néron lui-même, refusèrent de s'associer aux colères des Juifs. Saint Paul, après une procédure interminable, sortit de prison.

Si Claude chassa les chrétiens de Rome, c'est qu'ils troublaient l'ordre et la paix publique par leurs tumultueux débats avec les Juifs. Si Néron, après l'incendie de Rome, les livra à des supplices inouïs, ce fut, soit pour se décharger sur des hommes universellement méprisés d'une accusation flétrissante qui pesait sur lui et donner une pâture à la rage de la populace, soit par un caprice de folie sanguinaire où la politique n'avait point de part, soit pour purger de l'écume de sa population la ville de Rome, qu'il prétendait rebâtir sur un nouveau plan.

Sous Domitien seulement, la persécution religieuse commence. L'athéisme, la participation aux rites judaïques paraissent avoir été les seuls griefs allégués contre Flavius Clémens, Domitilla et plusieurs autres condamnés à mort ou à l'exil. Alors, quoique Domitien semble avoir frappé des chrétiens plutôt que le christianisme pris en lui-même, on peut dire que la persécution commença, surtout dans les provinces, à prendre le caractère d'une interdiction légale du culte et des réunions des chrétiens.

Trajan organise et réglemente cette interdiction. Il rappelle et remet en vigueur les anciennes lois contre les

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